La pandémie : une occasion dont profiteront vraisemblablement plusieurs entreprises pour repenser la façon dont elles perçoivent le travail, et notamment sa répartition hebdomadaire. Parmi les options envisageables, la semaine de quatre jours peut jouer un rôle non négligeable dans la productivité des équipes, entre autres résultats. Toutefois, certaines entreprises hésitent encore à y recourir, alors que des exemples internationaux et canadiens récents démontrent que ce dispositif est à même d’avoir des effets bénéfiques sur la compétitivité de celles qui s’en prévalent.

La semaine de quatre jours peut prendre plusieurs formes :

  • 40 heures en quatre jours, sans aucune modification de l’organisation du travail (ou de sa charge) pour l’employé ni réduction de salaire de son côté.
  • 32 heures en quatre jours, avec une nouvelle organisation du travail et une charge de travail différente pour l’employé. Ce dernier peut accepter une réduction de salaire ou continuer de percevoir la totalité ou la quasi-totalité de sa rémunération (32 heures payées 40), à condition que le coût soit absorbé par l’employeur ou par des subventions publiques.
  • Une alternance entre une semaine de quatre jours et une semaine de cinq jours, ou la possibilité de revenir à la semaine de cinq jours lors de périodes occupées.

Des entreprises hésitent pourtant encore à mettre en place cette formule, et ce, pour diverses raisons que voici.

Exclusions, réserves et autres risques

Les employeurs sont réticents à accorder immédiatement la semaine de quatre jours à leurs nouvelles recrues (dont ils ne connaissent pas encore bien la capacité de rendement) de même qu’aux employés occupant des emplois à haut niveau de responsabilité. C’est que l’absence de l’employé le cinquième jour de la semaine ne doit pas nuire au bon fonctionnement du reste de l’équipe.

C’est un fait : la semaine de 40 heures en quatre jours peut générer de longues journées de travail pour l’employé, ce qui est susceptible d’accroître sa charge de travail ainsi que le stress et la fatigue, tout en affectant sa concentration.

Réduction du nombre d’heures de travail est aussi parfois synonyme de réduction de la rémunération. Bien sûr, il y a moyen de permettre aux employés de travailler moins d’heures tout en continuant à être payés autant qu’avant, mais cela risque d’entraîner un coût notable pour l’employeur en nuisant à sa compétitivité et en réduisant sa capacité d’embauche.

Pertinence et intérêt pour l’entreprise

Néanmoins, la semaine de quatre jours apporte aussi son lot de résultats positifs. En mettant en place ce dispositif au Japon, l’entreprise Microsoft a, par exemple, constaté une augmentation du rendement de ses employés de 40%, une amélioration de la qualité de leur travail de même qu’un taux de satisfaction de 92% de leur côté, entre autres bénéfices[1].

Par ailleurs, la semaine de quatre jours permet d’établir des objectifs précis pour les employés, qui perçoivent alors mieux leur rôle et le sens de leur mission. Ils vivent cette nouvelle organisation du temps de travail comme une réelle valorisation de leur expertise. Dans leur vie quotidienne, ils se sentent moins fatigués et plus heureux. En outre, ces personnes sont en mesure de profiter des trois autres jours pour s’adonner à des loisirs, prendre du repos ou faire du sport, ce qui a un effet positif sur leur santé, réduisant ainsi leurs absences du travail.

Pour l’employeur, la semaine de quatre jours peut aussi faire office d’argument persuasif pour attirer et fidéliser de nouveaux employés, en plus de se révéler positive pour le personnel vieillissant ou pour les personnes qui accomplissent des missions difficiles. Qui plus est, ce dispositif permet d’accroître la compétitivité des employeurs, sans oublier qu’elle leur procure une image résolument moderne.

Sur le plan financier, rémunérer ses employés 32 heures au lieu de 40 est susceptible d’alléger en partie les charges salariales ou de réduire le coût du versement des heures supplémentaires. Les gouvernements peuvent aussi décider de soutenir cette mesure par des allègements de charges salariales, proposant alors aux employeurs de ne pas réduire les salaires. En contrepartie, la productivité et la compétitivité augmentent et se montrent génératrices d’importants bénéfices permettant potentiellement à l’entreprise de financer, dans les années qui suivent, ce dispositif sans aide publique.

C’est sans compter que la semaine de quatre jours présente également des bienfaits sur le plan environnemental, entraînant une réduction de 20% du nombre de trajets entre le domicile du travailleur et son lieu de travail. Un rapport publié au Royaume-Uni en mai 2021 démontre que cet État serait en mesure de réduire son empreinte carbone de plus de 21% si la semaine de quatre jours y était mise en place[2].

Quelques exemples inspirants

Même avec un horaire de 45 heures par semaine, les Islandais figuraient jusqu’à tout récemment parmi les travailleurs les moins productifs d’Europe. À partir de 2015, le gouvernement a décidé de mettre en place des mesures incitatives afin d’encourager la semaine de quatre jours sur son territoire[3]. Entre 2015 et 2019, 2500 employés de cet État insulaire ont testé le dispositif, et le résultat s’est avéré concluant : moins de stress et plus de productivité.

À l’automne 2021, l’Espagne a aussi émis le souhait d’encourager la semaine de quatre jours de 32 heures, le tout sans perte de salaire. En 2022, quelque 200 entreprises et plusieurs milliers de salariés du pays réaliseront ce test[4]. Le gouvernement espagnol a investi l’équivalent de près de 75 millions de dollars pour compenser les surcoûts relatifs à cette réduction du temps de travail. Pour la première année, ces dépenses sont prises en charge par les finances publiques intégralement, puis cette intervention publique diminuera au cours des deux années suivantes. Le gouvernement espagnol espère que ce dispositif non seulement contribuera à créer de l’emploi, mais qu’il améliorera aussi la productivité et la compétitivité des entreprises, tout en participant, à terme, à la relance de l’économie post-pandémie.

Au Canada, plusieurs exemples sont à mettre de l’avant. En Nouvelle-Écosse, un projet pilote de même ampleur a été accordé, à partir de 2020, à une soixantaine d’employés de la Municipalité de Guysborough[5]. Des résultats positifs sur le rendement des travailleurs – mentionnons notamment à une amélioration de leur bien-être – ont été soulignés depuis. Au Nouveau-Brunswick, l’entreprise Enseignes Pattison, à Edmundston, a décidé de recourir à la semaine de 40 heures de travail en quatre jours depuis août 2021, au profit de ses 120 employés. Résultat : 15 nouveaux emplois y ont été créés en à peine sept mois.

En somme, réduire le temps de travail ne signifie pas de détériorer la compétitivité d’une entreprise. Au contraire, la semaine de quatre jours fait partie des options susceptibles de faciliter pour elle la sortie de crise post-pandémie. Pour résumer, il n’est pas nécessaire de travailler plus, mais plutôt de travailler mieux. Pensons-y : avant l’arrivée de la COVID-19 dans nos vies, une majorité d’entreprises hésitaient à mettre en place le télétravail et, désormais, nombreuses sont celles qui veulent continuer de l’offrir. La semaine de quatre jours se heurte à des réticences semblables, alors pourquoi ne pas tenter l’expérience, tout simplement?


Références

[1] Deharo, A., « Microsoft : la productivité boostée grâce à la semaine de 4 jours » (article en ligne), Capital, 5 novembre 2019.

[2] Mompelat, L., et Minio-Paluello, M., « Stop the Clock: The Environmental Benefits of a Shorter Working Week » (document en ligne), Platform London, mai 2021, 18 pages. (https://6a142ff6-85bd-4a7b-bb3b-476b07b8f08d.usrfiles.com/ugd/6a142f_5061c06b240e4776bf31dfac2543746b.pdf)

[3] Haraldsson, G. D., et Kellam, J., « Going Public: Iceland’s Journey to a Shorter Working Week » (document en ligne), Alda, Association for Democracy and Sustainability, et Autonomy, juin 2021, 82 pages. (ICELAND_4DW.pdf (alda.is))

[4] Rivas Moreno, S., « L’Espagne testera la semaine de quatre jours en 2022 », Courrier international, no 1620, 18 novembre 2021.

[5] « Semaine de travail de 4 jours : le débat est lancé à l’Île-du-Prince-Édouard » (article en ligne), Radio-Canada, 1er juillet 2020.