Fondée en France au tournant du millénaire par une famille polonaise, l'entreprise OVH s'est d'abord fait connaître avec son service d'hébergement web durant l'essor d'Internet. Depuis, son offre de services s'est diversifiée afin de suivre les développements du marché du numérique. Aujourd'hui, elle est essentiellement orientée autour des solutions web, des serveurs dédiés et de l'infonuagique (cloud computing), et répond aux besoins de près d'un million de clients dans le monde.

Pour en apprendre davantage sur le groupe OVH, Gestion a rencontré son PDG, Laurent Allard, ainsi que son vice-président ventes et marketing au Canada, Cédric Combey.

D'abord, pouvez-vous nous décrire ce qu'est OVH, plus précisément?

Laurent Allard (L.A.): L'économie nouvelle est basée sur les données numériques, et vient inévitablement avec ce besoin de développer des services pour gérer ces données. OVH est un fournisseur d'infrastructures numériques, qu'il s'agisse d'une machine physique (hardware) ou d'un service virtualisé (serveur privé virtuel, cloud, etc.). L'hébergement web est le plus vieux volet de notre métier, et il demeure important aujourd'hui puisque nous hébergeons à l'heure actuelle 18 millions d'applications web. Or, dans notre offre de services, un élément domine : le dédié, c'est-à-dire ce qui relève du privatif. En offrant le service dédié, nous répondons à la demande d'une clientèle spécifique qui, par exemple, désire faire l'usage du cloud, mais dans un mode privé et sécurisé et ce, tout en sachant où se trouvent ses données. En résumé, chez OVH, nous stockons et traitons de grands volumes de données numériques qui sont hébergées dans nos centres de données.

Sur quoi reposent le modèle et la stratégie dOVH?

L.A. : Dabord, nous avons fait le choix de nous concentrer sur un seul domaine, mais dans lequel nous avons vraiment une expertise, soit l'infrastructure numérique. Pour gérer les éléments techniques qui débordent le cadre de notre métier, par exemple la fourniture d'électricité pour alimenter nos centres de données, nous travaillons de concert avec des dizaines de partenaires. Ensuite, la signature d'OVH est l'innovation. Notre domaine évolue très rapidement et il est fondamental pour nous de non seulement répondre à la demande du marché, mais également de l’anticiper, de prendre les devants, et ce, en nous consacrant de manière importante à la recherche et au développement. Finalement, chez OVH, nous faisons tout dans des conditions de coûts extrêmement concurrentiels. Ceux-ci font d'ailleurs en sorte que nous sommes souvent comparés à du low cost, bien que nous ne correspondions pas du tout à ce modèle, où la qualité des services est souvent bien moindre.

Cédric Combey (C.C) : Notre compétitivité repose sur le fait que nous sommes une entreprise à intégration verticale, c'est-à-dire que nous maîtrisons tous les éléments de la chaîne de produits. Par exemple, nous fabriquons et assemblons nos serveurs ainsi que leurs supports, nous créons les logiciels permettant d'exploiter ces serveurs, nous construisons nos propres centres de données, nous faisons la maintenance de nos infrastructures, nous sommes propriétaires de notre réseau privé de fibre optique et nous assurons nous-mêmes le suivi auprès de notre clientèle.

L.A. : Ce qui explique également nos prix peu élevés, c'est aussi la vente en ligne, qui est inscrite dans notre ADN. Nous ne sommes pas dans une culture de force commerciale massive, laquelle peut être très coûteuse pour une entreprise. 

Quelle place OVH occupe-t-elle sur le marché mondial en ce moment?

L.A. : Dans le domaine de l'infrastructure dédiée, nous sommes le leader européen avec 17 % des parts du marché. Nous nous retrouvons aussi sur le podium mondial, coude à coude avec deux gros joueurs importants, soit Rackspace et SoftLayer. Or, en ce qui a trait à la capacité de stockage de données, nous supplantons ces concurrents. Effectivement, ceux-ci possèdent entre 180 000 et 200 000 serveurs physiques, alors que nous en comptons 250 000, qui sont répartis dans nos 17 centres de données situés sur trois continents.

En 2012, OVH ouvrait son siège social nord-américain à Montréal et, au début de 2013, elle mettait en service un centre de données à Beauharnois. En 2015, elle déménageait le siège social dans des bureaux montréalais plus vastes et elle créait aussi un centre de recherche et développement dans la Ville de Québec. Pourquoi avoir choisi la Belle Province comme premier lieu d'implantation d'OVH en Amérique du Nord? 

C.C. : Notre installation ici s'explique essentiellement par la conjonction de deux éléments importants. D'abord, la taille du marché du numérique en Amérique du Nord est tout simplement colossale, et Montréal est traditionnellement une porte d'entrée sur ce marché. Ensuite, le dynamisme de l'écosystème TI québécois n'est plus à démontrer, et c'était pour nous l'occasion de travailler avec des talents créatifs très qualifiés.

L.A. : Le Québec demeurera d'ailleurs toujours une plateforme importante et stratégique puisqu'on a installé à Beauharnois notre plus gros centre de données à ce jour, qui a une capacité de 360 000 à 400 000 serveurs. Il est par ailleurs situé à proximité d'un barrage hydroélectrique, ce qui nous permet de maîtriser, sur les plans économique et écologique, notre consommation d'énergie.

Quels sont les défis et les enjeux auxquels OVH doit faire face à l'heure actuelle, tant à l'international qu'ici, au Québec? 

L.A. : Nous sommes dans un marché en très forte expansion, et notre place sur le podium mondial ne peut être garantie si nous n'investissons pas. Il nous faut donc innover continuellement, mais également restructurer l'entreprise en permanence au niveau international. Actuellement, nous étendons nos activités aux États-Unis ainsi qu'en Asie Pacifique, par exemple. Aussi, depuis sa création en 1999, OVH connaît une croissance moyenne de 25 % par année et nous estimons qu'elle sera bientôt de l'ordre de 30 %. Gérer cette croissance représente tout un défi. On pourrait penser que c'est un « problème de riche », mais il s'agit malgré tout d'un problème bien réel.

C.C. : Au Québec, où OVH est également en croissance, nous faisons face à un défi particulier qui est celui de trouver la main-d'œuvre qualifiée dont on a besoin. Nous comptons déjà plus d'une centaine d'employés. Mais Montréal, mine de rien, est un petit marché de l'emploi. Plusieurs joueurs y sont présents et, par conséquent, nous ne sommes pas seuls à courir après les mêmes talents. Autre challenge : nos concurrents du marché du dédié, notamment Rackspace et SoftLayer, ont une image de marque qui est plus ancrée au Canada et aux États-Unis que celle d'OVH, laquelle, avant 2012, s’est essentiellement construite en Europe. Depuis notre arrivée ici, nous avons acquis une certaine notoriété, et 10 000 clients se sont d'ailleurs joints à nous. Or, il faut continuer de faire connaître le savoir-faire d'OVH auprès des entreprises nord-américaines. Nous y travaillons au quotidien, et nous le faisons d'ailleurs avec beaucoup de plaisir.

L.A. : J'ajouterai qu'il y a aussi un besoin d'éducation par rapport à nos prix. Nous l'avons mentionné, nous sommes souvent assimilés à du low cost, sans pourtant l'être. Il y a un chemin à parcourir, notamment au Québec, pour que l'on reconnaisse que, bien que nous affichions des prix inférieurs à ceux de nos concurrents, nous offrons malgré tout ce qu'il y a de mieux en termes de qualité de produits, de sécurité, de performance, etc. En France, nous avons heureusement d'importants cas d'usages que l'on a pu faire partager, par exemple l'enregistrement des tickets de SNCF.com, le premier site de voyages français. Ici, il nous faut inévitablement passer par une étape d'apprentissage auprès des clients potentiels.

Que projetez-vous en termes de développement pour les prochaines années? 

L.A. : Nous allons entre autres continuer d'encourager les activités de recherche et de développement parce qu'elles représentent un aspect crucial pour OVH. Nous voulons par exemple mettre l'accent sur le développement des « objets connectés » qui, à l'horizon 2020, seront probablement au nombre de 50 milliards dans le monde. Pour ce faire, nous installons nos centres de Recherche et Développement de façon très pragmatique là où les écosystèmes sont favorables. Pour les objets connectés, la R et D est basée à Toulouse en France, et quant aux futures interfaces utilisateurs, c'est à égalité entre la ville de Québec et la ville de Rennes (France) que cela se passe! 

C.C. : Nous sommes d'ailleurs en pourparlers avec certaines institutions universitaires de la région de Québec afin de créer d'éventuels partenariats qui verront le jour sous peu.

Y a-t-il d'autres projets en cours, ici?

C.C. Toujours dans cet esprit d'innovation, et sous l'initiative de Laurent, un programme vient d'être lancé chez OVH et qui s'appelle le Digital Launch Pad (plateforme de lancement vers le numérique). Ce projet consiste à accueillir, notamment dans les bureaux de Montréal, des start-ups que l'on a choisies et à les accompagner dans le développement et l'accélération d'idées novatrices, jusqu'à leur mise en marché.

L.A. Dans le contexte de la révolution numérique actuelle, il est fondamental pour nous d'avoir la capacité de donner des moyens à tout un chacun d'innover, car dans les start-ups d'aujourd'hui se cachent certaines pépites de demain.