Rencontrer Christiane Germain, c'est comprendre tout le succès du groupe hôtelier éponyme.

La saison estivale 2016, qui tire à sa fin, fut bénéfique pour le tourisme québécois, grâce en soit rendue au faible dollar et à la température clémente! Ce sont donc les hôteliers, les restaurateurs et tous les acteurs directs et indirects de ce domaine d'’affaires qui en profiteront, et c’'est bien ainsi. Car les années se suivent, mais sont souvent loin de se ressembler. Jusqu’'à tout récemment, le secteur de l'’hôtellerie au Québec a connu une baisse sensible quant au nombre d'’établissements, les moins rentables étant reconvertis en condominiums ou en résidences étudiantes, tandis que d'’autres connaissaient le triste sort que le boulet de démolition réserve à tout ce qui se trouve sur sa trajectoire…...

La résilience du groupe Germain

Mais au sein de ce domaine d'’affaires, une entreprise familiale semble particulièrement bien tirer son épingle du jeu : le groupe Germain. Créée en 1957 à Québec par Victor Germain et son épouse Huguette, l’'entreprise familiale oeœuvre dans un premier temps dans la restauration et diversifie par la suite ses activités dans l’'immobilier. Mais c'’est véritablement sous l'’impulsion des enfants des fondateurs, Christiane et Jean-Yves, que le groupe Germain met fermement son pied en hôtellerie avec l'’ouverture dans la Capitale nationale d’'un premier établissement en 1988, le Germain-des-Prés. La suite est connue depuis : presque trois décennies plus tard, la chaîne comprend six hôtels Le Germain (dont un septième à être inauguré l’'an prochain dans la capitale fédérale) et sept établissements de la marque Alt (trois sont actuellement en chantier), de Terre-Neuve-et-Labrador jusqu'’en Alberta.

Une chaîne hôtelière québécoise en croissance, présente presque partout au Canada? La chose n'’a pas manqué de nous intriguer. Arrangements pris, nous nous pointons donc au Alt Montréal afin d’'y rencontrer Christiane Germain, la coprésidente du groupe, question d’'en apprendre davantage sur la croissance remarquable des activités du groupe, et peut-être un peu plus sur le parcours de cette femme d’'affaires d’'exception.

Bien lire… et oser!

Lorsqu'’interrogée au sujet de la vigueur du groupe dans un contexte économique et touristique parfois incertain, Christiane Germain avance la présence de deux ingrédients bien précis pour expliquer la chose : une bonne lecture du marché et une pincée d’'audace. Ayant constaté au fil des ans les possibilités moindres d'’expansion pour les hôtels Le Germain, à la facture et aux services plus luxueux, la dirigeante et son groupe auront eu la bonne intuition stratégique de s'’implanter au sein de marchés dits secondaires, tels Halifax, Winnipeg, et sous peu St. John’s et Saskatoon, par l'’entremise de la bannière Alt. Comme le souligne avec justesse Mme Germain, les gens qui habitent ces marchés ont aussi des rêves, des ambitions et des projets, comme autant de témoins d'’un entrepreneuriat et d'’une volonté de développement économique qui méritent d'’être soutenus. Certes, ces marchés ne sont pas les locomotives économiques et financières que sont, dans le contexte canadien, Toronto, Montréal ou Vancouver. Mais avec les hôtels Alt et leur formule originale (entendre ici moderne, écologique, abordable, sans modulation de tarif sur l’année), le groupe Germain entend doter, quand ce n’'est déjà fait, ces villes et leurs communautés d’'une infrastructure hôtelière et d'’affaires à la hauteur de leurs attentes et de leurs moyens, et ce afin qu’'elles atteignent leur plein potentiel.

Une intuition au final gagnante à ce jour et qui s’'appuie sur une vision claire, solide et précise. Mais encore faut-il pouvoir transposer le tout dans l’'action, sur le terrain. Près de trente ans après l'’ouverture du Germain-des-Prés à Québec, Christiane et Jean-Yves Germain ont résolument atteint le haut de la courbe d'’apprentissage quant à l’'exécution des projets hôteliers qu’'ils entreprennent. La coprésidente s'’explique : « Dans notre modèle, nous gérons les projets de A à Z, de la construction d’'un hôtel jusqu’à sa gestion. Cela nous permet de contrôler nos coûts d’'une façon performante et d'’offrir un produit très actuel à un coût très accessible », dit-elle en substance. L'’expérience, ça ne s'’achète pas, et ça finit toujours par rapporter…

La gestion selon Germain

Une croissance, donc, remarquable, mais qui est aussi soumise aux aléas de la gestion d'’une entreprise familiale. La chose ne va pas nécessairement de soi, et bien des tensions peuvent surgir, tant dans la gestion quotidienne d’une entreprise familiale que dans l’'orientation que les membres de la famille entendent lui donner. Mais les enfants Germain, forts de toutes ces années passées à la tête de l’'entreprise, ont su développer au fil des ans un modus operandi qui a fait ses preuves. « Dans le cas des projets d’'importance, nous prenons évidemment les décisions ensemble. Cela va de soi. Mais nous avons aussi divisé nos champs d'’activité en deux. Jean-Yves est très porté sur la finance et le développement du groupe. Quant à moi, je suis davantage portée sur la gestion. Dans les faits, Jean-Yves me fait un hôtel et moi, je le gère! », nous révèle Christiane Germain, avec un sens certain de la formule synthétique! Modèle de direction original, modèle potentiellement risqué, mais qui, dans le cas de la famille Germain, a fait ses preuves depuis tout ce temps : « Pour nous, le système fonctionne bien parce qu’à la fin de la journée, chacun respecte ses champs d’activité et nous possédons la même vision du développement de l'’entreprise. » Pourquoi changer une formule gagnante?

De la confusion (heureuse) des rôles

D'’un point de vue plus personnel, Christiane Germain nous entretient de la conciliation des rôles de chef d'’entreprise et de mère de famille, elle qui a élevé seule sa fille Marie-Pier, aujourd’hui également impliquée au sein de la direction du groupe Germain à titre de directrice des opérations au Alt montréalais. Tenant pour acquis qu’'une journée ne compte que vingt-quatre heures, comment y parvenir? « J’ai eu de l’'aide », reconnaît la femme d'’affaires. Très tôt, la jeune Marie-Pier a été plongée dans le bain de l'’entreprise familiale et a été associée au brouhaha de la gestion d’'un hôtel, au sein d’'un univers où les employés et les membres de la famille ont été appelés à épauler la maman et chef d'’entreprise dans ses obligations parentales. « Il y a eu autour de moi des gens très bien qui ont fait de ma fille la personne qu’'elle est aujourd’'hui. On ne peut pas tout gérer, et on ne peut pas être parfait. Il faut accepter que dans l’'éducation de nos enfants, il peut y avoir d’'autres personnes que nous-mêmes qui apportent leur contribution. Ce n'’est pas rien! Ce sont des contributions qui peuvent être extrêmement enrichissantes dans la vie de nos enfants.» Si le proverbe sénégalais veut que ça prenne tout un village pour élever un enfant, un hôtel peut aussi bien faire l’'affaire!

L’'épineuse question de la relève…

Le temps filant, un dernier sujet, incontournable lorsqu’'il est question d’'une famille en affaires, doit être abordé : celui de l'’avenir du groupe. Car s'’il est probablement une préoccupation constante à l'’esprit du propriétaire d'’une entreprise familiale, c’'est bien celle de l’'éventuelle succession à la tête des activités et de la préparation de la relève. Une fois de plus, Christiane Germain tranche avec calme et assurance quant à ce défi. Pour la dirigeante, aucun doute à y avoir, l'’entreprise sera entre bonnes mains lorsqu'’elle et son frère passeront le flambeau. Sa fille Marie-Pier, avec un EMBA de McGill-HEC Montréal en poche, et les enfants de Jean-Yves, dont Hugo, diplômé (MBA) de l'université Queens, chargé du développement pour le groupe, sauront habilement reprendre les rênes de l'entreprise. À n'en point douter, l'entreprise fut un merveilleux incubateur pour les petits-enfants des fondateurs, mais Christiane Germain ne tarit pas d’'éloges quant à la personnalité et quant aux compétences de sa fille, de ses neveux et de ses nièces : « Ce sont des gens extraordinaires! C’'est plus facile de gérer la relève familiale quand la graine est bonne! » Voilà qui a de quoi rassurer pour les années à venir!