Le cabinet Deloitte jette un œil lucide et critique sur la performance du pays à ce chapitre.

C'est maintenant devenu un lieu commun : le capital humain est indispensable au bon fonctionnement de nos entreprises et de nos organisations. Toutefois, sous ce vocable de « capital humain » se cache une pléthore d'éléments à maîtriser, à mettre en place, à améliorer afin d'optimiser l'efficacité et l'efficience de nos lieux de travail.

Le cabinet Deloitte publiait récemment les résultats d'une vaste enquête internationale intitulée Tendances relatives au capital humain en 2016, enquête réalisée auprès de plus de 7 000 entreprises et gestionnaires en ressources humaines, éparpillés dans 130 pays. Le volet canadien de cette enquête, qui a donné lieu au rapport Un retard à combler?, a été colligé à partir des réponses en provenance d'un sous-échantillonnage de 196 leaders en ressources humaines du pays. Quelle est donc notre performance, en matière de ressources humaines?

Des priorités tout autres...

Priorités RH

Source : étude de Deloitte citée

Premier constat : comme le montre le tableau ci-contre, les entreprises et les gestionnaires canadiens ne hiérarchisent pas les enjeux propres au capital humain de la même manière, par rapport au reste de l'échantillonnage. De fait, pour les gestionnaires en ressources humaines du pays, l'engagement (91 % des répondants priorise cet élément) et la culture organisationnelle (90 % des répondants en font un aspect important) sont jugés primordiaux. Bonne chose en soi? Deloitte, dans son rapport, est loin d'être du même avis, et prononce à cet égard un verdict tranché : « Nos conclusions? Les dirigeants d’entreprise et les leaders en ressources humaines au Canada sont déconnectés des besoins de leur entreprise. Ils doivent voir au-delà de la culture et de l’engagement et s’occuper rapidement de l’incidence des modèles opérationnels et des conceptions organisationnelles sur la capacité des entreprises à livrer concurrence et à réagir.»

Quatre enjeux qui nous préoccupent

Mais au-delà de cette sentence sévère sur ce que devraient être les priorités des entreprises et des organisations canadiennes en matière de ressources humaines, Deloitte a quand cherché à savoir en quoi ces mêmes priorités canadiennes soulèvent certaines préoccupations.

L'équation est connue est bien comprise, un meilleur engagement des troupes mène à une meilleure performance organisationnelle. Toutefois, aux dires de Deloitte, l'un des principaux obstacles à l'engagement réside au recours de plus en plus fréquent à une main d'œuvre occasionnelle ou à ce que le cabinet appelle « l'externalisation ouverte », soit le fait de recourir à des communautés de collaboration en ligne, afin de résoudre certaines enjeux d'affaires. La résultante? Il devient de plus en plus difficile de cimenter l'esprit de corps d'un personnel dont les attaches à l'entreprise ou à l'organisation demeurent ténues.

Le même constat peut être étendu à la culture organisationnelle qui, à bien des égards, apparaît souvent aux dirigeants d'entreprises et d'organisations comme une panacée. À l'inverse, le sondage mené par Deloitte révèle que les employés sont beaucoup plus sceptiques quant à l'alignement de la culture organisationnelle sur les objectifs d'affaires. Ce décalage amène Deloitte à lancer un sérieux avertissement aux dirigeants : « [...] il est tout aussi important pour les leaders de ne pas surestimer le rôle de la culture dans la résolution des questions liées au capital humain de leur organisation. La culture fait assurément partie de la solution, mais elle n’est pas une solution miracle. »

La question du leadership demeure également préoccupante à l'échelle du pays. Une fois de plus, si les dirigeants ont majoritairement l'impression de bien préparer les leaders de demain au sein de leurs entreprises et de leurs organisations, les employés partagent moins cette perception. À cet égard, se demande Deloitte, peut-être que les efforts en ce sens, et notamment les programmes de formation au leadership, n'ont-ils pas atteints leurs cibles, parce trop axés sur le court terme et en porte-à-faux avec les réalités économiques d'aujourd'hui? En dernier lieu, l'enquête de Deloitte révèle que les entreprises et les organisations canadiennes ne sont probablement pas assez proactives quant à la révision de leurs structures organisationnelles. De fait, le contexte économique du 21e siècle appelle à une plus grande flexibilité interne : horizontalité, simplicité et réduction des coûts sont désormais les mots d'ordre. Toutefois, nos entreprises et nos organisations traînent de la patte à ce chapitre : « [...] lorsque vient le temps de changer réellement le travail et la façon de travailler, les entreprises canadiennes accusent du retard par rapport à leurs pairs dans le monde. »

Au final, cette enquête du cabinet Deloitte révèle bien des écarts. Écarts, dans un premier temps, entre les perceptions des dirigeants et celles des employés quant à la performance de nos entreprises et de nos organisations quant à la gestion du capital humain; écarts également entre notre performance collective et celle dénotée à l'échelle du globe à ce même chapitre. Il faudra y voir, et probablement plus tôt que tard...