Nos instances gouvernementales ont-elles la bonne attitude face aux bouleversements technologiques?

Le changement est un processus inéluctable qui peut survenir à n’importe quel moment et toucher n’importe quelle sphère de la société. Il est souvent difficile pour cette dernière d’y faire face. L’économiste autrichien Friedrich Hayek, dans son célèbre article « L’utilisation de l’information dans la société » publié en 1945, suggère même que l’incapacité à rapidement s’adapter aux changements est le problème économique central d’une société. Hayek n’était pas le seul à avoir eu cette réflexion. En effet, d’autres éminents économistes tels que Karl Marx et Joseph Schumpeter, de même que des sociologues comme Werner Sombart, se sont également penchés, déjà à cette époque, sur les transformations industrielles qui affectent les matrices productives des sociétés.

Quelles leçons pouvons-nous retirer de ces constats? En quoi est-ce important pour nous, notamment pour Montréal? Afin de répondre à ces questions, nous devrions nous interroger sur le type de société dans laquelle nous souhaiterions vivre. Plus précisément, aimerions-nous avoir une société ouverte au changement, qui valorise la créativité, l'innovation et l'esprit entrepreneurial ou une société qui peine à s’ajuster aux nouvelles conjonctures, telle que l’avait décrite Hayek, il y a de ça plusieurs décennies?

On vit dans un monde où les cycles de vie des produits, des services et des réglementations sont plus courts que jamais, un monde dans lequel les connaissances deviennent rapidement obsolètes et où l’on doit de plus en plus composer avec la concurrence internationale. Pour reprendre les mots de Sombart, Marx et Schumpeter, les changements structurels qui conduisent à une « destruction créatrice » sont à pleine vitesse! C’est donc une réalité que les entreprises, les travailleurs et les autorités doivent accepter. L’inconfort inhérent causé par le changement ne peut être évité, mais peut et doit certainement être atténué. En ce sens, il est impératif de garder à l’esprit qu’on vit aussi dans un monde où les compétences entrepreneuriales, l’innovation et la technologie sont essentielles au développement économique d'une ville ou d'un pays.

Alors, quel type de message la Ville de Montréal a-t-elle envoyé lorsque son administration a pris la décision d’interdire les entreprises comme Uber? Poser la question, c’est y répondre. Il s’agit d’une approche à court terme et surtout, celle qui est la plus facile pour les autorités : interdire les nouveaux modèles d'affaires innovants qui rendent le modèle d'affaires actuel obsolète et représentent une menace pour les entreprises établies, particulièrement celles qui sont réticentes ou incapables de s’adapter. L'adaptation implique certainement du temps et des efforts, mais surtout de la volonté. Or, ces entreprises établies ont perdu leur esprit entrepreneurial et leurs dirigeants n’ont pas su interpréter l’évolution des marchés ni écouter leurs clients.

Quel type de réaction aurait été plus adéquat? Au lieu de combattre une guerre perdue d’avance contre l'évolution, tout en gaspillant des ressources, les autorités auraient pu adopter une approche proactive et profiter de l’occasion pour réformer le modèle d’affaires existant, car Uber ne sera certainement pas la dernière entreprise à défier le statu quo. Cette approche aurait non seulement uniformisé les règles du jeu pour tous les joueurs impliqués, mais elle aurait également évité à Montréal d’avoir mauvaise presse. Par-dessus tout, cette approche aurait laissé le libre choix aux principaux concernés, les citoyens eux-mêmes, de décider des types de produits ou de services qu’ils préféraient utiliser. Rien n'empêche les autorités gouvernementales d’aider les entreprises ayant des modèles d’affaires vieillissants, mais il vaut mieux le faire en leur permettant de se réinventer et de s'adapter à la nouvelle réalité, plutôt qu'en les protégeant au détriment du reste de la société. De cette façon-là, le signal envoyé à la population locale, aux investisseurs et au reste du monde est celui d’une ville qui embrasse le changement et qui participe activement à la création d’un avenir meilleur.

Montréal a, sans aucun doute, beaucoup de potentiel. La ville dispose d’une diversité ethnique et culturelle unique, d’excellentes universités qui offrent des programmes permettant de développer des compétences entrepreneuriales, des industries de pointe et un environnement qui favorise l’innovation et la créativité. Le changement devrait donc être perçu comme une occasion pour Montréal, car l'avenir est plus prometteur quand le développement économique a comme pilier principal l'esprit entrepreneurial. Il reste à voir à présent comment se terminera la saga Uber, puisque Québec et la multinationale californienne se sont donné 90 jours afin de négocier un projet pilote. Cet ultimatum expire au début du mois de septembre.