Près de 66% des projets de changement échouent. Il est pourtant possible d’obtenir de beaux succès, à condition de planifier avec soin et réalisme le travail des équipes. Explications et conseils pratiques.

Les changements sont de plus en plus nombreux, complexes et urgents au sein des organisations, ce qui peut expliquer pourquoi la gestion du changement est une discipline en croissance. Bien que les approches en gestion du changement sont légion, les statistiques démontrent que le taux de succès de ces projets se situe aux environs de 34%, et ce, depuis plus de 20 ans. Si les statistiques stagnent, les causes de ce faible succès, elles, évoluent. Il ne suffit plus de planifier ce que souhaite l’organisation, mais bien de se projeter selon la capacité des équipes à réaliser lesdites ambitions. 

La capacité, un enjeu de taille en gestion du changement

Le thème de la capacité est souvent traité de manière trop peu concrète quand vient le temps de planifier des projets et initiatives au-delà des opérations de l’organisation. Trois raisons expliquent ce phénomène :

- la sous-estimation du temps nécessaire à la réalisation des projets;

- la surestimation de la capacité des individus à contribuer aux projets et à les intégrer;

- le manque de marge de manœuvre dans l’échéancier pour gérer les imprévus.

L’adéquation de ces facteurs mène à de piètres résultats. Les images ci-dessous illustrent bien la discordance entre la planification et la réalité dans presque toutes les organisations aujourd’hui.

5 règles pour améliorer la planification

La capacité de l’organisation à concrétiser des projets et à intégrer des changements est intrinsèquement liée à la capacité des êtres humains qui la composent à contribuer à :

- la réalisation des projets;

- l’intégration des changements qui en résultent;

- leurs tâches quotidiennes, pour lesquelles ils ont été embauchés.

Le plus grand défi des employés et des gestionnaires pour intégrer des changements convenablement est le temps.

Il faut donc prévoir du temps pour les opérations, la réalisation des projets… et les imprévus. Un calendrier surchargé risque de mettre en péril les projets autant que les opérations. Parce qu’une fois le citron pressé et qu’il n’y a plus de jus, que reste-t-il? Des pépins! Voici 5 règles simples pour planifier de façon plus réaliste :

Règle 1 : Calculer sa capacité réelle en amont

- Comprendre sa capacité réelle (heures travaillées) et assumer une variation de - 10%;

- Prévoir 70% de la capacité réelle pour les opérations;

- Prévoir 10 à 15% de la capacité réelle pour la réalisation de vos projets et initiatives;

- Garder 15 à 20% de votre capacité réelle pour répondre aux imprévus.

Exemple de calcul de la capacité réelle

Jacques travaille à plein temps pour une entreprise. Il a droit à 4 semaines de vacances et à 2 jours de congé de maladie payés. 

52 semaines – 4 (vacances) – 2 (fériés) x 5 jours par semaine = 230 jours – 2 jours (maladie) = 228 jours étant sa capacité réelle.

Règle 2 : Prévoir l’impact sur les ressources au moment de l’implantation 

Ne pas tenir compte de sa capacité réelle peut nuire à la réalisation de plusieurs projets par manque de ressources et générer des retards, des dépassements de coût et des solutions mal définies. De plus, cela pourrait entraîner des répercussions sur le bon fonctionnement des opérations.

- Les impacts sur une ou plusieurs équipes sont-ils majeurs?

- Plusieurs changements convergent-ils vers les mêmes équipes en même temps?

- Ce changement arrive-t-il en période de pointe opérationnelle pour une ou plusieurs équipes?

Omettre de prendre en considération cet impact potentiel pourrait nuire à l’obtention des bénéfices anticipés, et même avoir des conséquences négatives sur les opérations. 

Règle 3 : Faire moins pour réaliser plus

- Déterminer 2 ou 3 objectifs clés, les plus importants pour réaliser sa stratégie;

- N’accorder la priorité qu’aux projets clairement en alignement avec les objectifs clés;

- Démontrer comment le projet contribuera à un ou plusieurs des objectifs clés;

- Faire des objectifs clés des indicateurs à suivre.

Selon McChesney, Covey et Huling[1], les organisations qui se donnent entre 11 et 20 grands objectifs à atteindre n’en atteindront aucun; celles qui s’en donnent 4 à 10 en concrétiseront 2 ou 3; et celles qui s’en donnent 2 ou 3 en réaliseront l’ensemble avec succès. 

Force est d’admettre que la formule «faire moins pour réaliser plus» est garant de succès et évite d’éparpiller les efforts, de multiplier les projets qui n’aboutissent pas, d’augmenter les dépenses et, au bout du compte, de n’atteindre aucun résultat.

«Le plus difficile a été de dire non à toutes les bonnes idées…»  Steve Jobs, à propos de la création de l’iPod

Règle 4 : Créer des tableaux de bord exhaustifs

- Déterminer les indicateurs qui permettent d’anticiper l’atteinte de résultats;

- Mesurer la capacité réelle des équipes à les suivre ;

- Cibler les contributeurs clés aux projets et mettre à leur disposition un tableau spécifique.

La gestion de projet met surtout l’accent sur la portée, les coûts et la durée du projet, ce qui exclut la plupart du temps les problèmes confrontés sur le terrain. Afin d’augmenter les chances d’atteindre ses objectifs, il faut cibler les causes probables des problèmes et en surveiller l’apparition et l’évolution à l’aide de tableaux de bord exhaustifs.

Règle 5 : Agir rapidement pour planifier de façon dynamique

- Tenir régulièrement des rencontres de suivi des indicateurs;

- Ne pas attendre la prochaine rencontre si un enjeu exige une attention urgente;

- Réévaluer les impacts sur les équipes et ajuster les activités de gestion du changement en conséquence pour ne pas surcharger les équipes lors de l’implantation;

- Agir sur les enjeux de capacité aussitôt qu’ils sont soulevés;

- S’assurer que chaque décision contribue à la progression vers les objectifs clés;

- Chaque enjeu et chaque risque doivent être confrontés rapidement pour ne pas faire dérailler le projet.

Ces initiatives peuvent avoir une grande incidence sur la réussite des projets.

Conclusion

Toujours selon McChesney, Covey et Huling (2012) : «Amener les gens à changer est le véritable défi de la mise en œuvre des objectifs stratégiques». Le changement n’est pas une mince affaire, mais en y mettant du sien – et un peu plus de temps au calendrier! – il peut être à la portée de toutes les organisations.


Note

[1] MCCHESNEY, Chris, COVEY Sean, and HULING, Jim (2012), The 4 Disciplines of Execution: Achieving Your Wildly Important Goals, FranklinCovey, 352 pages.