Guy Cormier a le sens de la formule. Qui l’écoute ne peut que saluer le parcours de cet homme qui, loin d’être pressé, a compris très vite que c’était à lui-même de se prendre en main, et qui, par un heureux jeu de hasard combiné à ses compétences, est devenu le plus jeune président et chef de la direction du Mouvement Desjardins.

Invité au petit-déjeuner inspiration organisé par Alumni HEC Montréal le 2 mai 2018, le double diplômé de HEC Montréal est revenu sur son parcours et les convictions intimes qui guident son action à la tête du Mouvement Desjardins.

Un parcours atypique

Issu d’un milieu modeste – son père est électricien, sa mère est couturière à domicile –, Guy Cormier en tirera très jeune un goût pour le travail, érigé comme valeur au sein de la cellule familiale.

Diplômé de HEC Montréal en 1991, Guy Cormier se heurte à un contexte économique moribond, où les emplois sont rares. « Quand tu es étudiant à HEC Montréal, on n’a de cesse de te répéter que ce sont des postes de direction qui t’attendent à la fin de tes études. Manifestement, ce n’était pas le cas à mon époque » s’amuse-t-il, l’œil goguenard. Il devient alors caissier à la Caisse populaire de Saint-Luc, à Saint-Jean-sur-Richelieu. « Ça a été un beau choc cette première expérience de travail. Elle m’a appris l’humilité » affirme-t-il.

S’en suivent 17 années passées sur le terrain, à évoluer dans différents postes, à retourner aux études le temps d’un MBA décroché à HEC Montréal, et à gravir un à un les échelons de la hiérarchie. 17 années qui le conduiront à finalement entrer à la Fédération des caisses Desjardins du Québec comme vice-président aux finances en 2009. Avait-il planifié cette ascension  fulgurante ? Sûrement pas.

« Tout n’est pas planifié. D’ailleurs comment cela pourrait l’être ? Une carrière, c’est avant tout beaucoup de hasard et d’opportunités, une question de moments et de personnes » assure le jeune président. Quand il entre au comité de direction en 2012, Guy Cormier est loin de convoiter le poste de président. « Commence par bien faire le travail pour lequel tu es payé avant de faire des plans sur la comète », telle est la philosophie qui a guidé sa carrière professionnelle.

Petit à petit pourtant, l’idée chemine dans son esprit. Mais Guy Cormier se refuse à prendre une décision sans l’aval de ses proches, son épouse et ses 4 enfants. « Briguer la présidence d’un tel mouvement n’allait pas sans entraîner de gros bouleversements pour ma famille » reconnait-il. Ce n’est qu’avec leur accord qu’il décide finalement de se lancer. Guy Cormier prend les rênes du Mouvement Desjardins en avril 2016. Il a alors 46 ans.


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Redynamiser l’image des caisses Desjardins

Guy Cormier n’a de cesse de le dire et de le redire, il a « Desjardins tatoué sur le cœur». « J’ai toujours senti qu’il y avait une vocation dans le lieu où je travaillais. Nous aidions du monde. Quand je remettais un chèque de 500 $ à une association, je savais que ce chèque aurait un impact. C’est quelque chose de très concret. Parce que c’est précisément l’ADN de Desjardins : avoir un impact dans la société, avoir un impact sur le Québec». Guy Cormier ne manque pas de ferveur pour parler du Mouvement qui l’a vu grandir.

Pour autant, c’est avec une grande lucidité qu’il aborde les défis que doit relever son institution, notamment ceux ayant trait à l’innovation. « Notre Mouvement a aujourd’hui 118 ans. Son histoire est intimement liée à celle du Québec, des Québécois et des Québécoises. C’est un sentiment d’attachement très fort qui nous lie à la population québécoise. Mon rôle justement, c’est de reconnaître et d’être sensible au rôle de toutes les personnes qui ont façonné cette histoire. Mais ma responsabilité, c’est que Desjardins soit encore en affaires dans 30 ou 40 ans».

Dépoussiérer l’image parfois «conservatrice» qui colle aux caisses Desjardins, le mot est lancé. Desjardins est une institution financière qui a confiance en l’avenir, qui regarde en avant et qui n’a pas peur de prendre des décisions. En témoigne le nouveau logo, le 6e de l’histoire de Desjardins qui n’aura pas été sans susciter des réactions. Pas de quoi ébranler Guy Cormier : « c’est un signal, celui d’une entreprise qui s’adapte et qui innove».

Engagé auprès de la jeunesse

Plus tôt dans sa carrière, Guy Cormier s’est heurté à la barrière de sa jeunesse, tandis qu’il aspirait à devenir directeur général d’une caisse. Est-ce à dire que son engagement envers cette jeunesse vient de là ?

Elle aura néanmoins occupé une grande place dans son allocution. « On fait porter une trop grande pression sur nos jeunes, on leur demande s’ils ont un plan de carrière pour les 30 prochaines années. Mais moi j’ai envie de leur dire, faites-vous confiance, et tout se passera bien ». Et de les inviter à être curieux, de ne pas se contenter de «butiner» comme l’époque les y invite, mais plutôt de développer de nouveaux champs d’expertise. «La jeunesse au Québec a beaucoup d’atout dans son coffre. Elle est bilingue, voire même trilingue. Elle baigne dans la technologie, a une fibre entrepreneuriale très développée, donnons-lui sa place » ajoute-t-il.


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Guy Cormier voit d’ailleurs une analogie très forte entre cette jeunesse innovante et le mouvement coopératif qui est celui de Desjardins. « Le discours que l’on porte attire de nombreux jeunes chez nous » affirme-t-il, « les valeurs qui sont les nôtres sont aussi les leurs ».

Homme engagé, Guy Cormier a à cœur de poursuivre le mouvement initié par Alphonse Desjardins un siècle plus tôt, quitte à ce que certaines de ses décisions puissent froisser au passage. Mais, pareil à un capitaine sur son navire, il garde le cap qu’il s’est fixé. Son ambition ? « Rendre les caisses Desjardins plus simples pour ses membres, plus modernes, plus performantes et plus humaines». Seul l’avenir nous le dira.