Pandémie oblige, plusieurs conseils d’administration sont dorénavant tenus de façon virtuelle. Dans ce contexte, l’engagement des membres semble de plus en plus difficile à soutenir. Quelles sont alors les meilleures pratiques que les administrateurs peuvent adopter pour favoriser les échanges et accomplir leur véritable rôle?

 Quatre pratiques apparaissent susceptibles de soutenir un engagement optimal des membres du conseil sur les interfaces virtuelles :

1) Veiller à maintenir sa qualité de présence

Veiller à être présent et attentif à son expérience est une condition essentielle à un plein engagement dans ses activités. En effet, en étant conscient de ses pensées, de ses émotions et de ses réactions, il devient possible de s’affranchir de son pilote automatique – soit de ses façons habituelles de voir, de penser et d’agir – pour s’ouvrir aux possibilités.

S’il existe bien des façons de cultiver la qualité de sa présence et de son attention lors de réunions virtuelles, certaines sont davantage reconnues :

  • limiter ses distractions électroniques en fermant ses applications concurrentes;
  • faire de petites pauses entre ses réunions pour changer de posture et pour entrer en relation avec ses collaborateurs l’esprit frais et ouvert;
  • s’ancrer dans son expérience physique en portant attention à ses sensations, particulièrement celles de ses bras et de ses jambes;
  • se permettre de se lever et de faire des étirements lors des réunions de façon à accroître sa vitalité et sa clarté mentale;
  • cultiver une hygiène de vie la plus saine possible (activité physique, méditation, faible consommation d’alcool, de café et d’écran, etc.);
  • reposer ses yeux et son cortex visuel lors des pauses en restant loin des écrans et en sélectionnant l’affichage «intervenant» lors d’exposés de contenu (le mode galerie est, quant à lui, de mise lors de conversations entre les membres).

Il est important de retenir que la qualité de présence et d’attention que nous portons à notre propre expérience détermine celle que nous sommes capables d’offrir à nos vis-à-vis, laquelle influence l’expérience de bienveillance et de confiance qu’ils éprouveront à notre contact.

2) Créer des conditions de sécurité psychologique

Google a fait paraître en 2016 les résultats d’une étude interne sur les facteurs de performance de leurs équipes de travail, le projet Aristote. Alors qu’on anticipait que le profil psychologique, les compétences ou la formation des participants seraient les plus grands déterminants de la performance d’équipe, c’est plutôt l’expérience de sécurité psychologique des équipiers qui est ressortie comme le premier facteur de performance1.

Deux comportements ont été particulièrement associés à cette expérience, soit une répartition égalitaire des tours de parole et une sensibilité marquée pour l’expérience émotionnelle de chacun. Les membres des équipes où le niveau de sécurité psychologique était élevé ont dit se sentir ainsi davantage curieux du point de vue de leur vis-à-vis et être prêts à prendre des risques pour le bien de l’équipe, notamment en reconnaissant leurs erreurs, en demandant de l’aide et en osant remettre en question le point de vue ou la proposition d’un collaborateur2.

 Voici quelques façons par lesquelles les membres de conseil peuvent veiller sur leur expérience de sécurité psychologique quand ils interviennent sur des interfaces virtuelles :

  • tenir des moments d’échanges informels avant et après les rencontres pour nouer un rapport personnel, authentique et vivant;
  • troquer le tour de table pour un tour d’écran de façon à ce que chacun puisse partager une joie, une préoccupation ou une mésaventure récente pour donner accès à son expérience sensible et se révéler pleinement présent à la réunion;
  • être à l’écoute les uns des autres et construire ses interventions en prenant appui sur celles des interlocuteurs précédents;
  • témoigner son appréciation pour l’apport spécifique des membres au fil des réunions – notamment par des émoticônes;
  • aborder les différences de points de vue avec curiosité, dans un esprit de collaboration plutôt que de compétition;
  • reconnaître que son expertise, ses points de vue et ses propositions sont incomplets et biaisés pour rester ouvert à ceux de ses vis-à-vis;
  • approcher les défis ou les désaccords comme des occasions d’apprentissage plutôt que comme des problèmes à éliminer.

3) Maximiser l’expérience de maîtrise et d’autonomie des membres du conseil

La personne qui assume la présidence du conseil peut jouer un rôle décisif dans l’expérience de maîtrise et d’autonomie des membres sur les interfaces virtuelles, où le traitement de l’information et les échanges sont plus lents, limités et fatigants. Cette personne peut alors choisir d’alléger l’ordre du jour et veiller à ce que ses prises de parole ou celles de la direction et des experts soient bien ciblées, de façon à laisser un maximum de temps pour la réflexion stratégique des membres du conseil.

Préalablement à la tenue du conseil, elle pourrait par exemple fournir des documents soutenant une réflexion stratégique pointant les éléments les plus déterminants pour la direction et pour lesquels l’expérience collective du conseil est particulièrement sollicitée.

Il peut aussi s’avérer utile de prendre le temps d’expliciter les apprentissages du conseil sur son mode d’opération, sur la société administrée et sur la façon dont le président souhaite voir les administrateurs évoluer.

Finalement, le président prendra soin également d’octroyer des pauses plus longues de façon à ce que les administrateurs demeurent toujours frais et disponibles, pour autant que ceux-ci les consacrent au repos plutôt qu’à l’exécution d’autres tâches.

4) Garder le cap sur le rôle et les responsabilités du conseil

Le sens d’une mission commune est essentiel à l’engagement et à la cohésion d’un groupe. Il permet d’être solidaire sans jamais tomber dans la complaisance. De même, il permet de structurer ses actions en fonction de ses rôles et de ses responsabilités.

Dans le cas d’un conseil virtuel, l’expérience de surcharge cognitive et de distraction peut amener les membres à se préoccuper plus qu’à l’habitude d’enjeux très circonscrits ou d’ordre opérationnel. Dès lors, il est opportun de mentionner aux membres du conseil qu’ils doivent se camper dans leurs rôles et leurs responsabilités en gardant toujours en tête les besoins saillants de la direction, des actionnaires et des parties prenantes. Au début de chacune des réunions, le président peut rappeler les objectifs prioritaires ainsi que le cadre temporel pour y arriver. Les administrateurs doivent être encouragés à prendre le risque de partager des préoccupations ou de proposer des orientations qui ne sont pas consensuelles.

Les défis posés par les interfaces virtuelles pour la tenue de conseils d’administration présentent une opportunité d’apprentissage pour les administrateurs. En effet, ces défis peuvent les amener à conscientiser davantage l’importance de leurs façons d’être ensemble et à prendre en charge leur développement pour vivre des échanges plus ouverts, plus efficaces et plus sages.

L’importance de se doter de conditions audiovisuelles avantageuses

 La qualité des conditions audiovisuelles d’un membre de conseil devient aujourd’hui aussi critique que son apparence, la qualité de ses idées ou sa capacité à les articuler. En effet, ces conditions peuvent contribuer significativement à l’image positive qu’il projette et à l’influence que le conseil lui prêtera inconsciemment.

Se doter de conditions audiovisuelles avantageuses demande de faire un investissement financier et d’accepter d’altérer l’allure de son espace de travail, au point d’en faire un ministudio. Outre une connexion Internet rapide et très stable, les membres du conseil devraient miser sur un micro externe de qualité, un éclairage semi-professionnel et une caméra bien positionnée.

  • Plus important encore que la qualité de l’image, la qualité du son est la condition sine qua non pour garder l’attention de ses vis-à-vis. Ceux-ci peuvent tolérer une mauvaise image, mais pas un mauvais son. Un casque muni d’un microphone s’avère l’option idéale.
  • De façon un peu surprenante, la qualité de l’éclairage s’avère plus importante que la qualité de la caméra. En effet, l’effet déplorable d’une lumière trop tamisée, trop forte ou à contre-jour, trop jaune ou mal positionnée ne peut être qu’exacerbé par une caméra de qualité.Placer son poste de travail face à une fenêtre est la manière la plus simple et la moins coûteuse de profiter de la lumière naturelle. Lorsque cette option n’est pas possible ou lorsque la lumière extérieure est insuffisante, il devient nécessaire de se doter d’un éclairage d’appoint au-dessus de l’écran ou de part et d’autre de celui-ci, mais jamais derrière soi (ex. : effet de contre-jour). Les éclairages d’appoint à considérer peuvent prendre la forme d’un anneau lumineux d’au moins 10 pouces de diamètre à placer au-dessus de l’écran ou deux panneaux LED à placer de part et d’autre de l’écran. Ces lumières gagnent à pouvoir se régler autant en termes de puissance, de couleur et de hauteur.
  • La caméra doit, quant à elle, se trouver droit devant soi, à la hauteur des yeux. S’il s’agit d’une caméra intégrée à un ordinateur portable, il est nécessaire de surélever celui-ci en le posant sur un piédestal maison pour que la caméra soit à la hauteur des yeux. En contrepartie, l’utilisation d’une caméra d’un autre appareil (ex. : un iPad) placé à côté de son écran de travail est à proscrire. En effet, cette option ne permet pas de bien lire les expressions faciales ni de créer une expérience de connexion.

Notes

1 Delizonna, L. (2017). High-performing teams need psychological safety. Harvard Business Review. https://hbr.org/2017/08/high-performing-teams-need-psychological-safety-heres-how-to-create-it

2 Edmondson, A. C. (2018). The Fearless Organization: Creating Psychological Safety in the Workplace for Learning, Innovation, and Growth. Harvard Business School.