Avec la pandémie et l’essor massif du télétravail, le nombre de rencontres professionnelles par vidéoconférence a explosé. Les organisations ont vite découvert les avantages de ce nouveau mode de communication, qui provoque néanmoins aussi de la fatigue, du stress et bien d’autres maux.

Du fait de ses nombreux avantages (limitation de la propagation des infections virales et diminution de l’absentéisme, économie de coûts liés aux transports, entretien du sentiment d’appartenance malgré la distance…), la vidéoconférence a fini par s’imposer comme un standard de communication au sein de plusieurs organisations. Même après la levée des mesures de confinement, elle est demeurée un outil privilégié des gestionnaires et des travailleurs pour communiquer avec les collègues et les clients.  

Cela dit, cette multiplication des vidéoconférences ne vient pas sans désagréments. Après avoir passé de longues heures en vidéoconférence, plusieurs personnes disent subir différents symptômes physiques et mentaux : maux de tête, fatigue oculaire, perte de productivité, irritabilité, désir de solitude, etc.

C'est ce que les chercheurs ont baptisé la fatigue Zoom (Zoom fatigue en anglais).

Des maux physiques et psychiques

Puisque l’utilisation prolongée de la vidéoconférence est un phénomène relativement nouveau, les recherches à son sujet sont encore préliminaires. Néanmoins, les synthèses d’études scientifiques publiées entre 2020 et 2023 pointent dans une même direction : un usage intensif ou inadéquat de ce moyen virtuel de communication pourrait accentuer l’épuisement physique et cognitif des utilisateurs.

Selon ces recherches, il existerait une dizaine de facteurs qui engendreraient la fatigue Zoom. Certains de ces facteurs sont déjà bien connus puisqu’ils concernent l’utilisation générale d’un ordinateur. Par exemple, travailler avec du matériel de bureau non ergonomique est susceptible de causer de la fatigue et du stress physique.

D’autres facteurs liés précisément aux vidéoconférences sont cependant moins bien connus du grand public.

Par exemple, le fait de savoir qu’ils sont filmés amènerait des utilisateurs à effectuer des mouvements non naturels pour démontrer qu’ils demeurent attentifs aux propos de l’autre. Certaines personnes demeureront donc immobiles afin de fixer l’écran intensément. D’autres, au contraire, feront des hochements de tête exagérés de façon répétitive. Évidemment, l’adoption de postures non naturelles risque ici de créer de l’épuisement physique et, parfois même, des blessures.

Un leurre pour le cerveau

Par ailleurs, l’utilisation de la vidéoconférence introduirait des délais de quelques millisecondes dans nos communications. Ce délai est dû au temps écoulé entre la captation de l’audiovidéo, son envoi sur Internet et sa lecture sur l’ordinateur de l’interlocuteur. Bien que ce laps de temps infime ne soit pas perceptible à l’œil nu, notre cerveau, lui, le constaterait. En déréglant la synchronicité de nos échanges, ce délai serait à même de générer des émotions désagréables, comme le sentiment d’être incompris ou rejeté. Qui plus est, notre cerveau dépenserait de l'énergie inutilement pour tenter de rétablir la synchronicité naturelle sur laquelle nous pouvons compter dans les échanges en présentiel.  

Également, la vidéoconférence activerait certains mécanismes de survie en modifiant les normes de comportement et de distanciation sociale. Pour illustrer ces propos, imaginez qu’un inconnu se positionne à quelques centimètres de vous et vous dévisage intensément. Ce comportement anormal créerait probablement une situation malaisante et stressante sur le coup! Bien souvent, en vidéoconférence, les utilisateurs voient uniquement le haut du corps de l’interlocuteur. Or une telle image laisserait croire à notre cerveau que la personne envahit notre zone d’intimité et nous fixe démesurément. Résultat : celui-ci est alors susceptible de percevoir la présence d’un danger et de dégager des hormones de stress.

Plutôt que de continuer à dresser la liste de tous ces facteurs, il apparaît intéressant de conclure avec un constat : il semble bel et bien y avoir un prix à payer pour l’utilisation intensive de la vidéoconférence, c’est-à-dire une augmentation importante de la fatigue physique, mentale et émotionnelle.

Éteindre la caméra

Même s’il existe différentes stratégies pour réduire la fatigue Zoom, celle qui semble la plus efficace se veut toute simple : fermer les caméras. Ce point s’avère particulièrement intéressant en sachant qu’il existe une multitude d’articles de blogue qui invitent les gens à multiplier les vidéoconférences et à conserver les caméras ouvertes, l’objectif étant bien sûr ici d’humaniser les rencontres et de favoriser le sentiment d’appartenance au sein des équipes virtuelles.

Quant aux études qui portent sur la fatigue Zoom, elles suggèrent plutôt de faire une utilisation stratégique de la vidéoconférence. Au lieu d’opter systématiquement pour ce mode de communication, il y aurait lieu de nous poser un certain nombre de questions : avons-nous réellement besoin de voir l’autre personne durant cette rencontre précise? Si oui, avons-nous besoin de conserver les caméras ouvertes tout au long de cette dernière? L’information à transmettre nécessite-t-elle l'utilisation de la vidéoconférence? Sinon, quel autre outil de communication y aurait-il moyen d’utiliser (courriel, téléphone, enregistrement vidéo, etc.)?

Ultimement, nous devons en arriver à comprendre que la fatigue Zoom n’affecte pas tout le monde de la même façon. Il convient donc de nous écouter, d’observer nos comportements en vidéoconférence et d’encourager la discussion au sein des équipes qui utilisent régulièrement ce mode de communication.

Après tout, même s'il est vrai que la vidéoconférence offre plusieurs avantages aux équipes virtuelles, encore faut-il que celles-ci demeurent en bonne santé physique et mentale.