Bien que les gestionnaires conviennent qu’il est important de montrer leur appréciation envers leurs employés, beaucoup ne savent pas comment exprimer efficacement leur gratitude. Au-delà du salaire, les récompenses et la reconnaissance portent leurs fruits, révèlent des chercheurs aux quatre coins du monde.

Un bouquet de récompenses

L’idée que les employés cherchent simplement à obtenir de l’argent en récompense de leur travail est plus que jamais révolue. Si la rémunération comble les besoins fondamentaux des travailleurs, elle ne stimule pas, à elle seule, les meilleures performances ou un sentiment de satisfaction général à l’égard d’un emploi. Les récompenses financières ne sont que quelques fleurs dans le bouquet de la vie professionnelle d’une personne; pour un résultat optimal, d’autres formes d’appréciation doivent compléter l’ensemble.

Une étude1 menée auprès d’employés sud-africains conclut qu’il est primordial que les organisations offrent trois types de récompenses pour motiver leurs troupes : les récompenses financières extrinsèques (salaire, avantages sociaux, primes), les récompenses extrinsèques non financières (bonnes relations au travail, occasions d’apprentissage et de développement, reconnaissance, rétroaction, équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle) et les récompenses intrinsèques dérivées de l’expérience de travail et de nature psychologique (acquérir plus d’autonomie, relever des défis professionnels, se sentir compétent, trouver un sens à son boulot).

Sans surprise, les participants à cette étude ont fréquemment fait allusion à l’importance de se sentir récompensé par le salaire et les avantages sociaux, qui sont des facteurs évidents de motivation, d’attraction et de rétention. Mais bon nombre d’entre eux ont aussi mentionné qu’ils aiment bien recevoir de la rétroaction sur leur performance (récompense extrinsèque non financière). Lorsque les employés savent dans quelle mesure ils sont efficaces ou progressent, ils évaluent mieux les retombées de leur travail et ce qu’ils doivent faire pour augmenter leur productivité, le cas échéant. Les organisations doivent communiquer régulièrement leurs valeurs fondamentales aux employés tout en maintenant la transparence, et ce, afin de promouvoir une bonne culture organisationnelle. Lorsqu’ils se sentent soutenus, les employés voient de façon plus positive leur entreprise, leur travail et les décisions des gestionnaires.

Les employés se sentent également davantage récompensés quand on leur accorde de l’autonomie (récompense intrinsèque). Les gestionnaires doivent donc permettre aux employés d’exécuter leurs tâches à leur convenance, de prendre des initiatives et d’interagir fréquemment avec leurs collègues, leurs superviseurs ou les clients.

Un autre moyen d’aider les employés à trouver leur travail gratifiant est de faire en sorte qu’ils se sentent compétents et de reconnaître leurs efforts de manière formelle ou informelle. Comme quoi la bonne vieille tape dans le dos vaudra toujours son pesant d’or.

La reconnaissance au service de l’innovation

La reconnaissance fait des merveilles pour renforcer la confiance en soi et l’estime de soi. Deux chercheurs américains ont d’ailleurs étudié les liens entre la reconnaissance et l’innovation. Ces spécialistes du leadership ont mené 30 entretiens approfondis avec des cadres travaillant dans les secteurs des hautes technologies (high-tech), des technologies traditionnelles (low-tech) ou évitant l’utilisation des technologies (no-tech) afin d’explorer comment divers types de récompenses alimentent une culture de collaboration, motivent les membres d’une équipe et nourrissent l'innovation.

Leur étude2 a révélé qu’il y a d’énormes avantages pour les organisations à mettre en place une structure de récompenses : une plus grande fierté chez les employés, la reconnaissance par les pairs, une plus grande satisfaction au travail et un meilleur accomplissement personnel.

En effet, réussir à innover demande beaucoup de temps, de ressources et d’efforts. Bien que plusieurs puissent se sentir accomplis en travaillant sur une nouvelle idée, ce sentiment de satisfaction est souvent insuffisant pour justifier la quantité de travail demandée. Dans certaines entreprises, les récompenses financières permettent de stimuler l’énergie innovante et encouragent une culture de l’innovation. En revanche, au sein d’autres organisations, les éloges et les congés donnent de meilleurs résultats.

Chose certaine, la motivation est essentielle pour convaincre les employés de s’engager activement dans des initiatives d’innovation telles que la génération d’idées et le lancement de nouveaux produits, en particulier s’il s’agit d’un projet qui comporte des risques et demande de l’expérimentation.

Il existe de nombreuses façons de récompenser les membres d’une équipe d’innovation pour leurs efforts fructueux, tant sur le plan individuel que collectif. Une des possibilités est de leur attribuer une prime annuelle variable versée sur cinq ans et basée sur un pourcentage réel des bénéfices générés par les nouveaux produits et services lancés sur le marché.

Une autre façon efficace est de verser une récompense d’équipe basée sur les ventes ou les bénéfices réalisés grâce aux innovations créées. Par exemple, si des bénéfices de 20 millions de dollars sont générés et que 2% sont distribués à une équipe d’innovation composée de dix membres, chacun d’eux recevra alors une prime de 40 000$. La clé est que les récompenses financières soient liées au succès des innovations. En cas d’échec, ils ne reçoivent rien.

Enfin, il est aussi possible de récompenser les employés créatifs en leur donnant la possibilité d’investir dans la propriété de leurs innovations au moyen d’actions ou d’une garantie qu’une partie des futurs bénéfices découlant de leur travail leur sera versée.

Mais prudence! Les récompenses doivent respecter les objectifs de l’organisation, favoriser l’esprit d’équipe ou reconnaître les performances des innovations sur le marché. Sinon, ce sont de mauvaises récompenses.

Voici quatre bonnes pratiques à adopter :

  1. Récompenser le résultat, pas l’idée. Récompenser le développement d’une idée par une équipe et son lancement sur le marché, et non l’individu qui en est à l’origine.
  2. Augmenter entre 50 et 100% la part de la prime variable liée à l’innovation. Une prime dont un faible pourcentage est alloué à l’innovation (10%, par exemple) communiquera le message que l’innovation n’est pas importante au sein de l’organisation.
  3. Miser sur les récompenses d’équipe. Pour favoriser une culture de l’innovation qui fait la promotion du travail d’équipe et de la collaboration, offrir des récompenses collectives afin d’inciter les employés à travailler ensemble.
  4. Récompenser les innovations en tenant compte de leur nature et des rendements obtenus. Si tous les nouveaux produits sont récompensés de la même façon dans une organisation, les employés pourraient vouloir créer de nouveaux produits incrémentiels à moindre risque et des extensions de gamme, évitant ainsi les innovations perturbatrices qui généreraient potentiellement un rendement plus élevé.

L’équité en matière d’avantages sociaux

Les avantages sociaux offerts au personnel sont souvent uniformes pour de grandes cohortes d’employés (comme les travailleurs permanents), plutôt que d’être adaptés aux individus. Cela permet aux organisations de profiter notamment d’économies d’échelle.

Or, la littérature scientifique a démontré qu’un système d’avantages sociaux perçu comme injuste par les employés mine leur engagement, leur performance et leur rétention au sein de l’organisation.

C’est pourquoi trois chercheures ont analysé le système d’avantages sociaux d’une société financière et d’assurance basée en Australie, laquelle offre des primes d’encouragement liées à la performance, un programme de reconnaissance des employés et une série d’avantages divers.

Leur étude3 a démontré que parmi les quelque 4 700 employés sondés, nombreux sont ceux qui estiment que ce système d’avantages est injuste et comporte certaines limites. Les résultats de leur enquête révèlent que trois dimensions influent sur les perceptions d’équité au sein des équipes, renforçant ainsi le sentiment d’injustice ressenti par les travailleur.

1. Accès individuel aux avantages.

Plusieurs répondants ont signalé une contrainte d’accès aux avantages, évoquant par exemple l’incapacité de profiter de ceux-ci parce qu’ils travaillent dans une région éloignée ou parce qu’ils occupent un type d’emploi précis, parce qu’ils n’ont pas le soutien de leur superviseur pour les utiliser ou parce que leur charge de travail ne leur permet pas d’en profiter.

2. Accès collectif aux avantages (justice sociale).

Au cours de l’enquête, les travailleurs ont également mentionné qu’ils se souciaient de l’impact que pouvait avoir le système d’avantages sur leurs collègues. Par exemple, certains employés ayant accès à des horaires de travail flexibles trouvaient injuste le fait que d’autres membres de l’organisation, sous la supervision d’un gestionnaire plus strict que le leur, ne puissent pas profiter eux aussi de cet avantage.

Dans une perspective de justice sociale, des employés sans enfants ont aussi suggéré que l’entreprise introduise des avantages pour soutenir leurs collègues qui sont parents, comme des subventions pour frais de garde. De même, plusieurs personnes ont exprimé le souhait de pouvoir faire don de leurs propres congés pour aider leurs collègues atteints d’une maladie grave.

3. Transparence des politiques et des communications en matière d’avantages sociaux.

Les employés ont fait part, lors du sondage, de leur confusion ou de leur méconnaissance des avantages sociaux mis en place. Ils ont exprimé le souhait que leur organisation fasse preuve de plus de transparence à propos des avantages offerts. Ils ont ainsi évoqué la distinction qui devrait être faite entre les avantages sociaux accessibles et ceux qui, selon eux, n’existent que sur papier, comme les heures comprimées (effectuer les heures requises en moins de jours de travail), une mesure qui n’est pas toujours communiquée par l’organisation.

Ce qu’il faut retenir de cette étude, c’est que les gestionnaires peuvent améliorer les perceptions d’équité en étant transparents au sujet des contraintes associées à l’accès ou à l’utilisation des avantages sociaux proposés à leurs équipes.

Article publié dans l’édition Hiver 2023 de Gestion


Notes

1- Victor, J., et Hoole, C., «Rejuvenating the rewards typology: Qualitative insights into reward preferences», SA Journal of Industrial Psychology, vol. 47, no 1, août 2021, p. 1-17.

2- Kuczmarski, S., et Kuczmarski, T., «How rewards fuel or fail innovation», Strategic HR Review, vol. 18, no 1, janvier 2019, p. 8-12.

3- Laundon, M., Cathcart, A., et McDonald, P., «Just benefits? Employee benefits and organisational justice», Employee Relations, vol. 41, no 4, juin 2019, p. 708-723