Article publié dans l'édition Hiver 2020 de Gestion

Les relations d’affaires entre les vendeurs et leurs clients ne se tissent pas de la même façon partout dans le monde. Des chercheurs ont analysé certains aspects qui caractérisent la manière de vendre des produits ou des services en Asie et en Amérique du Nord.

Le réseau yongo

Comment obtenir du succès en affaires dans les pays asiatiques? Il faut notamment être au fait de certains traits culturels distinctifs. Ainsi, en Corée du sud, les relations informelles sont au cœur d’une saine gestion des relations commerciales. En coréen, on désigne un des réseaux informels d’un individu par le terme yongo1. Ce réseau est exclusif à une personne, prédéfini et souvent déterminé dès sa naissance.


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Deux chercheurs des États-Unis et d’Allemagne ont d’ailleurs analysé l’influence de ce type de réseau informel sur les activités de vente d’automobiles en Corée du sud. Aux entreprises étrangères implantées dans ce pays mais dépourvues d’un tel réseau, ils proposent donc des moyens qui leur permettront d’établir des liens favorables à leurs activités commerciales.

Mais qui fait partie d’un yongo ? Ce type de réseau comprend les membres de la famille, les amis et parfois des connaissances ayant vécu dans la même région ou fréquenté les mêmes établissements scolaires. Dans un yongo, les liens reposent avant tout sur les sentiments  et sur la confiance réciproques, deux éléments fondamentaux des activités commerciales en Corée du sud.

Ainsi, à la lumière des entrevues qu’ils ont réalisées dans des entreprises coréennes et étrangères, les chercheurs ont constaté que les équipes de vente dotées de solides réseaux yongo bénéficient d’un avantage incontestable au chapitre de la fidélité de leurs partenaires d’affaires et affichent de meilleurs résultats.

Les chercheurs suggèrent donc aux gestionnaires non coréens de développer certaines compétences bien précises pour assurer le succès de leurs activités de vente en Corée du sud (savoir gérer à la fois les risques en affaires et leur propre stress, par exemple). De façon générale, les sud-Coréens sont émotifs, réagissent spontanément – parfois de manière inattendue – et sont peu ouverts à la négociation : il importe donc que les gestionnaires étrangers renforcent et raffinent leur pouvoir de persuasion.

En outre, les sud-Coréens estiment que l’intégration des clients dans leur vie privée est essentielle au succès d’une entreprise. Pour réussir, les gestionnaires originaires d’autres pays doivent être en mesure de s’adapter adéquatement à ces caractéristiques culturelles.

Les forces du réseau Chinois

À l’instar de ce qu’on observe en Corée du sud, les relations entre vendeurs et clients chinois s’inscrivent elles aussi dans le cadre de réseaux informels. Selon une étude2 réalisée en Chine, la manière dont les liens commerciaux se tissent a un effet direct sur les ventes.

Les chercheurs considèrent que ces rapports s’apparentent à des biens collectifs dont on peut tirer de nombreux avantages. Leurs conclusions fournissent un éclairage intéressant aux gestionnaires actifs en Chine.

Afin d’étudier les interactions au sein des réseaux vendeurs-acheteurs, les auteurs de l’étude ont élaboré un cadre d’analyse à cinq variables : la force des liens, les avantages conférés par le réseau, la densité du réseau, l’efficacité des activités de vente et les revenus afférents. En utilisant des données provenant de sociétés d’assurance chinoises, ils ont constaté qu’il y a une relation significative entre, d’une part, la force des liens (durée, fréquence des communications, degré d’intimité et de réciprocité) et, d’autre part, l’efficacité des vendeurs et les résultats obtenus.

Trois éléments interviennent dans les réseaux informels : l’information obtenue auprès des clients, le pouvoir d’influence sur ceux-ci et la loyauté vendeurs-acheteurs, caractérisée par le maintien de la relation d’affaires. Ces facteurs ont une forte incidence sur les ventes.

Cependant, si on y a recours de façon séparée, seul le pouvoir d’influence sur les clients a un effet direct sur l’efficacité des activités de vente et, partant, sur les revenus afférents. Selon les chercheurs, le pouvoir d’influence serait une particularité de la culture chinoise en raison de la concurrence qui s’exerce parfois entre les relations formelles et informelles au sein d’un même réseau.

En conclusion, les responsables des ventes, qu’ils soient chinois ou étrangers, gagneraient à offrir des formations aux vendeurs pour leur apprendre à miser sur les avantages des réseaux. De plus, les vendeurs devraient éviter de transiger avec des clients étroitement liés entre eux : en effet, les chercheurs estiment que la densité d’un réseau peut réduire les bienfaits de la loyauté et du pouvoir d’influence des vendeurs.

Du bouche à Oreille électronique

Il n’y a pas que les relations d’affaires entre clients et vendeurs qui soient influencées par les caractéristiques culturelles des pays où on se trouve. L’incidence du bouche à oreille électronique (eWOM en anglais) sur les décisions d’achat des consommateurs varie elle aussi d’un pays à l’autre. Une étude3 réalisée conjointement par les professeurs Hsin-Chen lin (Université du nouveau-Brunswick) et Manohar U. Kalwani (université purdue, indiana) révèle que les commentaires des consommateurs sur les produits vendus en ligne (eWOM signaling) et les réponses qu’ils suscitent (eWOM screening) sont influencés par les traits culturels nationaux.

Forums de discussion, blogues, sites d’évaluation, réseaux sociaux : l’arrivée d’internet a modifié radicalement la manière dont les consommateurs se renseignent sur un produit ou sur une expérience d’achat. Le bouche à oreille électronique s’impose notamment dans les ventes en ligne. Il pallie ainsi le manque d’information et réduit le degré d’incertitude des consommateurs quant à la qualité des produits qu’ils envisagent d’acheter.

Afin de comparer l’effet qu’a le bouche à oreille électronique dans deux cultures différentes, les chercheurs ont étudié les ventes de produits culturels comme les livres, les CD et les DvD sur les sites japonais et américain d’Amazon, le plus grand détaillant en ligne dans ces deux pays.


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Les chercheurs ont d’abord constaté que la popularité des produits influence davantage les consommateurs japonais que les consommateurs américains. Même minoritaires, les critiques négatives ont une incidence sur les ventes plus marquée aux États-Unis qu’au Japon. Ces différences seraient avant tout attribuables aux caractéristiques culturelles de ces deux pays.

En effet, les Japonais ont tendance à éviter l’incertitude et harmonisent davantage leurs actions avec l’opinion majoritaire, alors que les américains, plus individualistes, accordent moins d’importance aux recommandations d’autrui et prennent davantage de risques.


Notes

1 Horak, S., et Nihalani, K., « Social networks, vertical core competencies and sales management in Korea », Management Decision, vol. 54, no 8, septembre 2016, p. 1929-1946.

2 Yu, C., Li, Y., Fam, K.-S., et Bai, X., « Buyer-seller relationship, sales effectiveness and sales revenue – A social network perspective », nankai Business review international, vol. 9, no 4, novembre 2018, p. 414-436.

3 Lin, H., et Kalwani, M. U., « Culturally contingent electronic word-of-mouth signaling and screening – A comparative study of product reviews in the United States and Japan », Journal of international Marketing, vol. 26, no 2, juillet 2018, p. 80-102.