Article publié dans l'édition Été 2019 de Gestion

Être gestionnaire exige de savoir planifier, organiser, diriger et contrôler, nous a-t-on appris. On doit aussi corriger les erreurs et s’assurer qu’elles ne se répètent pas.

Voilà pour le côté connu de la médaille, mais on ne doit pas négliger l’envers : un bon gestionnaire doit aussi savoir tirer le plein potentiel des forces des membres de son équipe.

Qu’est-ce qu’une force? C’est tout bonnement une disposition dont certaines personnes, au-delà de leurs compétences et de leurs qualités professionnelles, sont naturellement dotées et qui, utilisée à bon escient, leur permet d’exécuter les tâches qu’on leur confie avec énergie et avec plaisir, donc d’être plus productives. Un test psychométrique très connu et fréquemment utilisé pour dresser la liste des forces d’une personne est le « Values in action inventory of strengths » (voir le tableau ci-dessous).

Six forces de caractère décisives au travail

Sagesse : amour de l'étude et de l'apprentissage
Courage : intégrité et sincérité
Humanité : gentillesse et générosité Justice : travail d'équipe et loyauté Tempérance : Maîtrise de soi et autodiscipline Transcendance : espoir et optimisme

La définition et l’optimisation des forces individuelles en gestion constituent une approche redevable à la psychologie positive, dont l’objectif consiste à contrebalancer la propension des gens à analyser et à corriger leurs insuffisances et leurs lacunes en les amenant à prêter davantage attention à leurs forces et à leur potentiel. En termes cliniques, on pourrait dire que les gens consacrent trop de temps et trop d’énergie à s’interroger sur leurs malheurs et sur leurs petits bobos, alors qu’ils pourraient chercher et trouver les conditions de la santé et du bonheur. Faites l’exercice dans votre entreprise ou dans votre organisation : combien de fois cette année avez-vous eu de bons échanges sur vos forces, sur des stratégies et sur des méthodes destinées à en maximiser l’utilisation?


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La valorisation des forces individuelles : tout le monde y gagne !

Tant les membres du personnel que les organisations peuvent bénéficier d’une plus grande mise en valeur des forces individuelles. Lorsqu’une personne met à profit toutes ses forces au travail, elle a plus d’énergie, elle est plus concentrée et elle performe davantage1. L’utilisation des forces personnelles au quotidien est également liée au bien-être2 et au sens au travail : les gens se sentent davantage investis d’une mission lorsque leurs forces sont régulièrement sollicitées.

Est-ce à dire qu’il ne faut pas corriger ses lacunes? Non, bien sûr : on ne doit pas négliger ses carences ou s’abstenir d’y remédier au simple motif que l’on connaît bien ses forces et qu’on les utilise à bon escient. De fait, un équilibre entre les deux permet d’aborder les échanges à ce sujet avec beaucoup plus de perspective et de sérénité : ainsi, les commentaires deviennent moins malveillants!

Les forces : parlons-en

Notre expérience sur le terrain tend à montrer que si les gens sont généralement peu surpris des résultats lorsqu’ils ont passé un test au sujet de leurs forces, ils sont très souvent incapables de les énumérer spontanément avant de passer ce test. Il semble donc qu’ils aient en quelque sorte besoin de se faire dire leurs quatre vérités positives pour en prendre vraiment conscience.

Après avoir réalisé une recension exhaustive3 de la littérature scientifique portant sur le recours aux forces individuelles dans le monde du travail, certains auteurs ont recommandé de déclencher cette prise de conscience à l’aide d’un des trois moyens suivants :

  1. Un test psychométrique,
  2. Une introspection sur les forces personnelles,
  3. Une rétroaction de la part des collègues.

À la suite de cet exercice, des échanges avec un gestionnaire ou avec des membres de l’équipe peuvent grandement aider les personnes concernées à passer à l’action. L’encadré ci-dessous présente des amorces de conversation pour enrichir la discussion à propos des forces personnelles.

Questions ouvertes après la définition des forces

  • Après avoir fait le test ou consulté vos collègues, avez-vous été surpris en prenant connaissance de vos forces personnelles ?
  • Comment pourrait-on maximiser l'utilisation de vos forces ?
  • Sur une échelle de 1 à 10, comment notre organisation utilise-t-elle vos forces en ce moment ? Que pourrait-elle faire pour se rapprocher d'un résultat optimal ?
  • Y a-t-il des projets auxquels vous ne participez pas en ce moment et qui pourraient tirer profit de vos forces ?
  • Avez-vous des forces insoupçonnées que vos collègues gagneraient à connaître ?
  • Vos collègues peuvent-ils parfois mal comprendre ou mal interpréter ces forces ?
  • Dans votre vie personnelle ou professionnelle, est-il déjà arrivé qu'une de vos forces vous ait permis d'atteindre un résultat exceptionnel ? Si oui, comment cela s'est-il produit ?

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Jouer pour gagner

En résumé, une démarche de gestion qui valorise les forces individuelles dépend non seulement de la reconnaissance de ces forces chez une personne ou au sein d’un groupe mais aussi de l’aptitude des gestionnaires à créer un climat propice à leur utilisation optimale. Par exemple, l’entraîneur d’une équipe de hockey qui met tout en œuvre pour que ses joueurs ne commettent plus d’erreurs et qui passe le plus clair de son temps à corriger leurs mauvaises habitudes de jeu aura sous la main, au final, une équipe démotivée qui jouera non pas pour gagner mais pour éviter de perdre.

Toute la différence est là : les joueurs ne feront preuve d’aucune créativité et ne pourront pas mettre à profit leur talent naturel et leur expérience de jeu. Ils n’auront aucun plaisir à participer aux matchs et ne prendront aucun risque. Dans le meilleur des cas, l’équipe stagnera au milieu du classement et laissera passer sa chance d’atteindre les premières positions.

Le monde du travail contemporain est aussi un domaine où « jouer pour ne pas perdre » ne constitue pas une stratégie judicieuse, surtout dans l’environnement d’affaires actuel, où éviter les erreurs ne suffit plus pour gagner.

Pour paraphraser l’humoriste Martin Matte, nos équipes sont condamnées à l’excellence ! Pour amorcer votre réflexion, remplissez notre questionnaire en cliquant sur le lien suivant.


Notes

1- Dubreuil, P., Forest, J., et Courcy, F., « From Strengths Use to Work

Performance – The Role of Harmonious Passion, Subjective Vitality, and Concentration », The Journal of Positive Psychology, vol. 9, n° 4, 2014, p. 335-349.

2- Seligman, M. E. P., Steen, T. A., Park, N., et Peterson, C., « Positive Psychology Progress – Empirical Validation of Interventions », American Psychologist, vol. 60, n° 5, 2005, p. 410-421.

3- Miglianico, M., et al., « Strength Use in the Workplace – A Literature Review » (article en ligne), Journal of Happiness Studies, 2019.