Article publié dans l'édition Hiver 2019 de Gestion

De nos jours, le succès est davantage attribuable aux performances de groupe qu’aux réalisations cumulées d’une série de personnes. On gagne en équipe... et on perd en équipe !

Les dynamiques d’équipe constituent un élément fondamental à examiner lorsqu’on veut comprendre les raisons pour lesquelles on obtient ou non du succès. Qu’on l’appelle chimie interpersonnelle, cohésion ou esprit d’équipe, le petit quelque chose qui distingue les groupes qui ont du succès peut parfois sembler bien mystérieux. Pourtant, cet élément n’est ni créé de toutes pièces ni bêtement plagié sur les réussites d’autrui. Cet ingrédient doit plutôt apparaître de lui-même au sein d’un groupe particulier. Mais comment favoriser cette émergence? Et si cela passait par le développement de l’intelligence émotionnelle collective ?

Une notion controversée qui gagne en popularité

les dimensions de l'intelligence émotionnelleLe concept d’intelligence émotionnelle n’a pas suscité beaucoup d’enthousiasme lors de son introduction dans le domaine de la gestion. Élaboré au début des années 1990 et popularisé par le psychologue américain Daniel Goleman grâce à son essai paru en 19951, il n’a acquis ses lettres de noblesse que très récemment. De nos jours, on peut parler d’intelligence émotionnelle sans courir le risque d’être taxé d’ésotérisme. Signe de cette évolution, l’intelligence émotionnelle a été désignée comme une des dix compétences les plus recherchées pour avoir du succès lors du forum économique mondial de Davos en 2017. Bref, petit à petit, l’idée fait son chemin.

Concrètement, qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ? Il s’agit de la capacité non seulement à bien reconnaître ses émotions et celles d’autrui mais, plus encore, à bien gérer ses propres émotions. Les quatre dimensions de l’intelligence émotionnelle sont évoquées par Daniel Goleman dans son célèbre ouvrage.


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En quoi l’intelligence émotionnelle est-elle utile ?

Nous avons tous croisé des personnes très intelligentes mais dont la réussite était compromise par leurs faibles aptitudes relationnelles. Si l’intelligence cognitive confère des avantages indéniables aux gens dans leur vie quotidienne en général et dans l’exercice de leur métier en particulier, le monde du travail actuel, caractérisé par le travail d’équipe et par l’interdépendance des tâches et des emplois, impose l’obligation d’avoir une intelligence plus « sociale », et ce, pour une raison bien simple : notre succès dépend notamment des autres.

Par ailleurs, certaines études2 ont démontré l’existence d’une corrélation entre l’intelligence émotionnelle et le succès dans le domaine de la vente, un meilleur rendement professionnel et un plus grand bien-être personnel. Autre fait intéressant, on a établi une corrélation entre, d’une part, la capacité à bien décoder les émotions exprimées par le visage des gens et, d’autre part, la hauteur de la rémunération3, ce qui permet de penser que cette aptitude peut s’avérer particulièrement utile dans le monde du travail.

L’intelligence émotionnelle et les équipes

Si les gens peuvent développer leur intelligence émotionnelle individuelle, il semble également possible de l’accroître à l’échelle d’un groupe de façon à ce que celui-ci se dote de son propre mode de gestion des dynamiques émotionnelles qui peuvent s’exprimer au jour le jour.

Les équipes dotées d’une forte intelligence émotionnelle en retirent plusieurs bénéfices : qualité accrue des relations entre collègues, meilleur échange d’information, décisions collectives plus judicieuses et réduction des conflits interpersonnels. De plus, ces équipes se caractérisent par une plus grande confiance en elles-mêmes, ce qui favorise la collaboration et la créativité.


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Comment générer des émotions positives au sein d’une équipe

Ce n’est pas un mythe lorsqu’on dit que les émotions sont contagieuses. À l’instar d’un virus, elles peuvent apparaître et se propager à la vitesse de l’éclair dans un groupe. Par ailleurs, l’effet d’une personne sur le climat émotionnel qui règne autour d’elle est proportionnel au pouvoir dont elle dispose. C’est pour cette raison que les leaders doivent toujours être conscients du climat émotionnel qu’ils suscitent.

Caractéristiques d’une équipe forte sur le plan de l’intelligence émotionnelle

Conscience et utilisation optimale des forces de tous les membres de l’équipe,

Maintien d’un équilibre entre la rationalité et les émotions dans la prise de décisions,

Rappel et clarification des normes du groupe en cas d’écarts de conduite ou lors de l’arrivée de nouveaux membres,

Évaluation collective du climat émotif au sein de l’équipe et ajustements au besoin,

Climat d’apprentissage et de rétroaction.

Sources : Koman, E. S., et Wolff, S. B., « Emotional Intelligence Competencies in the Team and Team Leader », Journal of Management Development, vol. 27, n° 1, janvier 2008, p. 55-75 ; 2- Barczak, G., Lassk, F., et Mulki, J., « Antecedents of Team Creativity », Creativity and Innovation Management, vol. 19, n° 4, décembre 2010, p. 332-345.


Notes

1- Goleman, D., Emotional Intelligence – Why It Can Matter More Than IQ, New York, Bantam Books, 1995, 352 p.

2- Voir notamment : Van Rooy, D. L., et Viswesvaran, C., « Emotional Intelligence – A Meta Analytic Investigation of Predictive Validity and mNomological Net », Journal of Vocational Behavior, vol. 65, n° 1, août 2004, p. 71-95 ; O’Boyle, E. H. Jr., Humphrey, R. H., Pollack, J. M., Hawver, T. H., et Story, P. A., « The Relation Between Emotional Intelligence and Job Performance – A Meta-Analysis », Journal of Organizational Behavior, vol. 32, n° 5, juillet 2011, p. 788-818.

3- Momm, T., Blickle, G., Liu, Y., Wihler, A., Kholin, M., et Menges, J. I., « It Pays to Have an Eye for Emotions – Emotion Recognition Ability Indirectly Predicts Annual Income », Journal of Organizational Behavior, vol. 36, n° 1, janvier 2015, p. 147-163.