Dans le contexte actuel du marché du travail, on aime vanter la capacité des meilleurs employés à réagir rapidement pour surmonter les défis auxquels ils font face au quotidien. Alors que les organisations ne semblent avoir de reconnaissance que pour les gens mobilisés dans l’action, pourraient-elles davantage encourager leurs équipes à ralentir, à réfléchir et à prendre un peu de recul pour mieux agir?

À des moments importants de leur existence, les êtres humains ressentent le besoin de ralentir et de s’accorder une pause pour faire le point sur les choix qu’ils ont faits dans le passé et mieux orienter les décisions qu’ils prendront dans le futur. Cette approche réflexive a du sens et contribue au maintien d’un équilibre de vie harmonieux. Or, ce besoin se fait également sentir dans les équipes de travail.

La réflexivité d’équipe est un processus collectif défini comme la capacité des membres à communiquer et à réfléchir aux objectifs, stratégies ou processus, en s’adaptant aux circonstances actuelles ou anticipées[1]. Les équipes qui n’ont pas cette capacité sont constamment en mode réaction, à la manière d’une équipe sportive qui ne prendrait jamais de moments pour analyser son jeu et ses modes de fonctionnement. Cette dernière serait portée à s’entraîner uniquement plus fort, en gaspillant inutilement ses énergies, et ce, malgré le sentiment positif que procure le fait d’être continuellement en mouvement.

Pourquoi choisir l’approche réflexive?

Dans les environnements changeants et turbulents d’aujourd’hui, il peut paraître contre-intuitif de chercher à ralentir sa cadence. Pourtant, ralentir pour mieux avancer dans la bonne direction présente d’énormes avantages. En effet, bien que le rythme de travail effréné fasse partie de l’ADN des organisations, force est de constater que les meilleures idées sont souvent celles qui prennent le temps d’émerger, c’est-à-dire celles qui se révèlent à la suite de réflexions, d’expérimentations, de jeux et d’échanges.

Des études[2] montrent que la réflexivité d’équipe est liée positivement à la performance, à la créativité et à l’innovation. Les équipes efficaces sont ambidextres, arrivant à être simultanément en mode exploitation et en mode exploration. Concrètement, cette ambidextrie se manifeste lorsqu’une équipe parvient à mener ses activités opérationnelles tout en remettant en question ses croyances et ses certitudes, de façon à pouvoir modifier ses actions constamment. La réflexivité est alors la voie privilégiée pour parvenir à cet idéal.

Une culture propice à la réflexivité

Ce processus de réflexivité est bien plus qu’une technique; il ne suffit pas de mettre les gens dans une salle pour que la magie opère. La littérature identifie plusieurs conditions gagnantes pour qu’une équipe adopte une approche réflexive et, conséquemment, qu’elle progresse (voir l’encadré ci-dessous).

En matière de leadership, l’humilité est une des clés importantes qui peut motiver l’équipe à faire preuve de réflexivité. Une étude[3] démontre que les leaders humbles sont davantage en mesure d’amener leur équipe dans cette voie. En devenant des modèles d’apprentissage, en demandant l’avis des autres et en posant des questions, ces dirigeants créent une culture dans laquelle il est bien vu de s’arrêter pour s’interroger sur les façons de faire.

Les conditions gagnantes pour stimuler la réflexivité d’une équipe

  • Confiance au sein de l’équipe
  • Sécurité psychologique
  • Diversité de profils des membres de l’équipe
  • Humilité du leader
  • Conscience des forces et de l’expertise des autres

Ralentir dans un monde qui accélère

Depuis la pandémie de COVID-19, une majorité d’employés affirment travailler plus. Pourtant, les organisations doivent se rendre à l’évidence que le succès et la performance de leurs équipes passeront désormais par le ralentissement et la simplification des processus, par exemple. Une étude[4] souligne que cette approche est toutefois sous-estimée, et que lorsque nous sommes «dépassés», nous ajoutons à notre liste davantage de tâches et de responsabilités, entrant ainsi dans un véritable cercle vicieux qui peut s’avérer contre-productif.

Afin de déterminer si vos équipes adoptent une pensée réflexive, complétez notre questionnaire.

 

 

Article publié dans l’édition Automne 2022 de Gestion


Références

[1] West, M. A., Garrod, S., et Carletta, J., «Group decision-making and effectiveness: Unexplored boundaries», dans Cooper, C. L., et Jackson, S. E., Creating Tomorrow’s Organizations: A Handbook for Future Research in Organizational Behavior, Hoboken (New Jersey), John Wiley and Sons, 1997, p. 293-316.

[2] Voir notamment : Wang, L., Jiang, W., Zhang, H., et Lin, H., «Leader information seeking, team performance and team innovation: Examining the roles of team reflexivity and cooperative outcome interdependence», Information Processing & Management, vol. 57, n° 6, novembre 2020; Wang, Z., Guan, C., Cui, T., Cai, S., et Liu, D., «Servant leadership, team reflexivity, coworker support climate, and employee creativity: A multilevel perspective», Journal of Leadership & Organizational Studies, vol. 28, n° 4, novembre 2021, p. 465-478.

[3] Leblanc, P.-M., Rousseau, V., et Harvey, J.-F., «Leader humility and team innovation: The role of team reflexivity and team proactive personality», Journal of Organizational Behavior, mai 2022, p. 1-14.

[4] Adams, G. S., Converse, B. A., Hales, A. H. et al., «People systematically overlook subtractive changes», Nature, vol. 592, avril 2021, p. 258-261.