Violences au travail : de lourdes conséquences pour les femmes
2025-03-07

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2025-03-05
Violences au travail : de lourdes conséquences pour les femmes
Management , Ressources humaines

Au Canada, près d'une femme sur deux déclare avoir déjà été victime de discrimination, de harcèlement ou d'agression au travail. Des situations qui peuvent avoir d'importantes répercussions sur la santé des femmes, tout comme sur leur trajectoire professionnelle.
Sentiment d'humiliation, honte, impuissance, culpabilité : être victime de harcèlement au travail, qu’il soit sexuel ou psychologique, engendre toute une panoplie d'émotions, observe Myriam Dupéré, formatrice au Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement au travail de la province de Québec (GAIHST). «Plusieurs finissent par remettre en question leurs compétences, ce qui mine leur estime de soi.» À cela s’ajoutent tous les effets de ces actes sur la santé physique et psychologique, qui vont de l’anxiété aux difficultés d’adaptation, en passant par la dépression et le stress post-traumatique.
Au travail, les victimes de harcèlement vont avoir tendance à s’isoler, ce qui limite leur possibilité d’alimenter leur réseau et d’obtenir la visibilité nécessaire pour recevoir des responsabilités supplémentaires. D'autres vont tout simplement préférer démissionner. «C’est la même chose pour la personne victime de violence domestique. Elle peut avoir tendance à s'isoler au travail, à faire plus d'erreurs, à avoir des problèmes de productivité ou d’absentéisme. D’ailleurs, si une personne s’absente beaucoup, cela devrait allumer une lumière rouge», avertit Émilie Genin, professeure titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.
Dénoncer : un pensez-y-bien
Quand elles sont victimes de violence sexuelle ou sexiste au travail, plusieurs femmes n'osent pas dénoncer par peur de représailles, explique la professeure. C’est notamment le cas dans le domaine de l’audiovisuel, où elle a mené ses recherches. «Les femmes craignent d’être perçues comme enquiquineuses et de ne plus avoir de contrats ensuite, a-t-elle observé. Dans tous les milieux, la précarité décourage les victimes de dénoncer.» Et c’est encore plus vrai si l’agresseur occupe un poste de pouvoir.
Outre ces préoccupations, il n’est pas rare que les femmes se sentent responsables de la situation ou même qu’elles ne réalisent pas qu’elles sont réellement victimes de harcèlement, ajoute Émilie Genin. «Encore aujourd’hui, beaucoup de mythes persistent à ce sujet. L’agression ne signifie pas forcément qu’un collègue les attaque physiquement.» Des compliments répétés, des sextos, des demandes incessantes pour sortir, des questions déplacées, des allusions malaisantes ou des blagues de nature sexuelle en sont autant d’exemples, illustre-t-elle.
En fait, rappelle Myriam Dupéré, pour que certains gestes soient considérés comme du harcèlement au sens de la loi, ils doivent répondre à certains critères très spécifiques : ce sont des conduites vexatoires (abusives, humiliantes, blessantes) qui, tout dépendant de leur gravité, doivent être répétées, hostiles ou non désirées, porter atteinte à la dignité ou à l’intégrité de la personne et rendre le milieu de travail néfaste pour elle, détaille-t-elle.
Violences conjugales et familiales
Subir de la violence conjugale et familiale affecte également les travailleuses. Si les employeurs n’ont pas de contrôle sur ce qui se passe à domicile, depuis 2021, ils doivent prendre des mesures pour protéger toute personne confrontée à une situation de violence physique ou psychologique au travail, y compris la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel.
«Ce sont des problématiques très complexes, parce que les femmes mentent souvent pour cacher leur situation, pour protéger leur conjoint», note Émilie Genin. Il est donc important que les organisations sensibilisent leurs employés sur ces questions et adoptent une politique officielle à ce sujet. «Il existe plusieurs formations, comme Milieux de travail alliés contre la violence conjugale du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, qui permettent d’outiller les gestionnaires, mais aussi les employés, donne en exemple Myriam Dupéré. Cela permet d’avoir quelques lignes directrices pour aborder ces situations et détecter les signaux.»
De plus, les entreprises doivent intervenir au cas par cas, ajoute Émilie Genin. «Par exemple, une entreprise avait mis en place un service de raccompagnement pour l’une de ses employées qui était harcelée par son ex-conjoint. Un agent de sécurité se rendait avec elle jusqu’à sa voiture.» Myriam Dupéré suggère aussi aux organisations de préparer une liste de ressources d’aide et de la conserver à portée de main si une telle situation se présente.
Créer des milieux sensibles
La formation ainsi que l’instauration d’une politique formelle sont essentielles pour créer des milieux exempts de harcèlement. Depuis 2019, les organisations sont tenues d’adopter une politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement psychologique, sexuel et discriminatoire dans les milieux de travail, précise Myriam Dupéré. «Il faut aussi que les processus soient clairs, pour que l’employée sache qui aller voir pour dénoncer, quels seront les mécanismes mis en place, les délais d’intervention, etc.»
Elle propose aussi aux entreprises de revoir régulièrement ce processus de plaintes, pour s’assurer que les femmes se sentent bien accueillies et osent dénoncer, si besoin. «C’est aussi important de sensibiliser ses équipes à ces réalités, afin que chacun puisse identifier les comportements à éviter et soit mieux outillé à réagir s’ils sont témoins d’une situation problématique.»
Au-delà de ces obligations, c’est la culture organisationnelle qui fait une réelle différence, pense Émilie Genin. «Si le PDG adopte une attitude de “On ne peut plus rien dire”, cela complique les choses», illustre-t-elle, car toutes les études montrent qu’un leadership fort est nécessaire pour instaurer une culture organisationnelle respectueuse où les règles sont claires et les valeurs, partagées par tout le monde.
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