Ces entreprises à la barbe blanche vous étonneront par leur longévité!

Dans un monde qui promeut sans cesse l'innovation et qui se caractérise notamment par un accent porté sur la rapidité et l’éphémère, la présence et, on doit le dire, la résilience de certaines petites et moyennes entreprises ont de quoi épater! De fait, les statistiques jouent contre la majorité des PME, s'il faut en croire Statistique Canada, qui estime que 80 % de ces PME auront survécu après une année d'exercice. Ce pourcentage chute à près de 72 % après deux années, et on évalue de manière générale qu'une PME sur deux passera le cap des cinq années. C'est peu...

Les HénokiensToutefois, certaines de ces PME méritent tout notre respect, et l'on s'inclinera bien bas devant les membres de l'associations des Hénokiens, ce regroupement d'entreprises familiales séculaires, voire même parfois millénaires! Les Hénokiens tirent leur nom du patriarche biblique Hénoch qui, aux dires de l'Ancien Testament, aurait vécu 365 ans et engendra un fils, Mathusalem, qui surpassa presque trois fois son père en âge!

Cette amicale d'entreprises et d'entrepreneurs comprend, on le devine, peu de membres. Ils sont, à ce jour, seulement 46, du fait des critères très sélectif afin d'accéder à ce respectable cénacle : il faut minimalement avoir deux siècles d'activité, être toujours et majoritairement détenue et dirigée par les descendants du fondateur et, finalement, présenter un bilan de santé, financière s'entend, positif.

Lorsque l'on examine attentivement la liste des membres de ce club sélect, et notamment la nationalité de ces derniers, un constat s'impose de lui-même, à savoir la forte présence d'entreprises familiales italiennes, françaises et japonaises. Comment expliquer un tel fait? Une hypothèse est avancée par Christophe Viellard, président de Viellard Migeon & Cie (220 ans au compteur) et ancien président des Hénokiens, dans les pages du Journal de l'économie¹ : « Le Japon, du fait d’une culture et d’une histoire multiséculaires, à l’instar de l’Italie ou de la France, sont des territoires particulièrement favorables aux entreprises répondant à nos critères. L’Italie et la France, pays latins et catholiques, manifestent culturellement une fidélité plus grande à la famille et à ses valeurs. Les pays anglo-saxons donnent moins d’importance à la nécessité de transmettre le « capital social familial » aux générations futures. Or les Hénokiens célèbrent avant tout l’union de la famille et de l’entreprise, raison pour laquelle la proportion de candidats issus de pays anglo-saxons est un peu plus faible. »¹

Le cas japonais mérite cependant d'y consacrer quelques lignes supplémentaires, tant il est remarquable. Le Japon est reconnu pour la longévité de ses habitants, notamment ceux provenant de l'île d'Okinawa. Hoshi Ryokan², qui célébrera en 2017 ses treize siècles d'existence, s'inscrit sans conteste dans le même état d'esprit, puisque cette auberge est encore gérée aujourd'hui par les membres de la 46e génération de Hoshi, la famille à l'origine de l'entreprise (voir la vidéo en tête d'article). Et n’eut été d'un dépôt de bilan il y a une décennie, l'entreprise de construction Kongo Gumi, spécialisée dans l'érection de temples bouddhistes, aurait raflé sans problème la palme de l'entreprise la plus âgée. Fondée en 578, Kongo Gumi a été rachetée par un concurrent en 2006, après 1428 ans d'existence!

Une fois de plus, comment peut-on expliquer la résilience de ces entreprises familiales nippones? Tel que le rapporte Emily Tamkin dans son article publié sur le site Internet Slate.com (lire son article « Keeping It in the Family »), deux facteurs contribueraient à la chose. Dans un premier temps, la persistance du droit de primogéniture (c'est à dire la transmission, plutôt que le fractionnement, du patrimoine à l'aîné) au pays du Soleil levant, aura historiquement permis de conserver les entreprises concernées aux mains d'un seul héritier, la mettant ainsi à l'abri des tensions entre les enfants survivants. Dans un deuxième temps, la pratique de l'adoption à l'âge adulte, pratique toute japonaise, aura aussi offert aux entrepreneurs vieillissants la possibilité de transmettre l'entreprise à une personne qualifiée et désireuse d'en reprendre les rênes, plutôt que de la remettre à des enfants naturels ayant plus ou moins la bosse des affaires.

Chapeau bas, donc, à ses entreprises qui ont littéralement su traverser les âges!

¹ Lire « Christophe Viellard, Les Hénokiens : "La famille, meilleur mode de transmission d’une entreprise" ».

² Ryokan est un mot japonais qui se traduit par « auberge ».