Dans le cadre professionnel, des connaissances et des expériences pointues ne rapportent pas toujours!

La question est posée, et nous n'apporterons certes pas de réponse définitive et universelle à cette dernière! Néanmoins, les professeurs Jennifer Merluzzi et Damon Phillips ont récemment publié une étude¹ dont les résultats pourraient, de prime abord, surprendre...

L'apologie de la spécialisation

On aurait en effet tendance à penser qu'à notre époque, une plus grande spécialisation professionnelle générerait davantage de retombées positives, notamment celles d'ordre monétaire. Bien des choses poussent par ailleurs dans cette direction, ne serait-ce que le discours véhiculé dans le système scolaire ou le déclin, constaté ou appréhendé, de la culture générale au sein de la population générale. Pourtant, les professeurs Merluzzi et Phillips font entendre un son de cloche différent dans ce débat, notamment quant au monde des affaires.

Comme l'explique Jennifer Merluzzi dans la dernière édition de la Harvard Business Review (lire l'article de Nicole Torres intitulé « Generalists Get Better Job Offers Than Specialists »), en comparant le parcours de quelque 400 étudiants américains inscrits dans un programme de MBA (spécialisation en finance), deux profils ont été identifiés. Un premier profil regroupait des personnes qui avaient auparavant travaillé dans le milieu bancaire, qui avaient suivi une bonne partie de leurs cours en finance et qui avaient par la suite fait un stage dans une banque. Bref, un parcours assez linéaire. Le second profil rassemblait des étudiantes et des étudiants qui avaient davantage éparpillé leurs intérêts, en termes de parcours professionnel, de cours suivis et de milieu de stage. Il appert donc que les étudiants qui présentaient un profil de spécialiste recevaient moins d'offres d'emploi et des bonus à la signature moins importants (plus de 25 % en moins!) que leurs confrères et consœurs avec un profil plus généraliste.

L'attrait du généraliste

Ce constat nous amène à nous interroger sur la raison d'un tel état de fait. Pour la professeur Jennifer Merluzzi, l'une des explications possibles aurait trait au mimétisme constaté depuis quelques années dans les programmes de MBA. De fait, un accent marqué aurait été placé par les institutions d'enseignement universitaire qui gèrent les programmes de MBA sur la formation de profils orientés en finance et en marketing. Ce faisant, un nombre trop élevé de candidats au profil similaire se présenteraient aux entrevues d'embauche, ce qui joue évidemment en faveur des employeurs qui ont dès lors l'embarras du choix et qui, conséquemment, peuvent faire jouer les salaires à la baisse.

Voilà en ce qui a trait à la question salariale. Quant à la question des compétences professionnelles, le regard des employeurs serait beaucoup plus rose à l'égard des étudiants du MBA au profil généraliste. Jennifer Merluzzi résume ainsi leur pensée : « Someone who has accomplished a lot of things is better than a one-trick-pony who just keeps doing the same thing and isn’t taking advantage of what the MBA has to offer. »

À bien y penser, tout est sans doute une question de contexte. Lorsque le module d'injection électronique de sa voiture est à changer, ou lorsque l'on a à subir un quadruple pontage coronarien, les compétences et l'expérience du spécialiste seront grandement appréciées! Mais dans le cas du monde des affaires, et notamment à l'égard de la quête des leaders de demain dans nos entreprises et nos organisations, le caractère de généraliste semble désormais constituer un atout!

¹ Merluzzi, J., & Phillips, D. J. (2015). « The Specialist Discount Negative Returns for MBAs with Focused Profiles in Investment Banking ». Administrative Science Quarterly.