Valérie Tétreault, le calme rassembleur
2024-06-20
French
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2024-06-05
Valérie Tétreault, le calme rassembleur
Leadership , Management , Entretien
Photo : Maude Chauvin
Après avoir pris sa retraite comme joueuse de tennis professionnelle, Valérie Tétreault a rapidement gravi les échelons de Tennis Canada. Travailleuse acharnée, autodidacte ancrée dans sa passion du tennis, elle a été nommée, en octobre 2022, à l’aube de ses 35 ans, à la direction du célèbre tournoi de l’Omnium Banque Nationale.
Il y avait tout de même quelque chose d’intimidant pour Valérie Tétreault à assurer la relève d’Eugène Lapierre, son mentor et véritable légende dans le milieu. «Au fil des promotions, j’ai dû lutter contre le syndrome de l’imposteur. Quand Eugène m’a dit qu’il m’avait recommandée pour prendre sa place, j’espérais avoir un peu plus de temps devant moi, raconte-t-elle en riant. J’ai énormément appris de lui, ça fait partie de mon bagage. Mais une chose a toujours été claire pour moi : je n’essaierais pas d’être la Eugène Lapierre 2.0.»
La dirigeante parle d’emblée de sa réflexion sur l’identité, une quête qu’elle a notamment explorée lorsqu’elle a pris sa retraite du sport professionnel. «J’ai d’abord eu l’impression qu’il n’y avait pas de Valérie Tétreault au-delà de la joueuse de tennis, pour finalement comprendre que cette joueuse de tennis a forgé la personne que je suis aujourd’hui.»
Fidèle à elle-même
Le milieu du sport compte peu de femmes dirigeantes. Consciente qu’elle s’inscrit comme pionnière, Valérie Tétreault porte le poids de cette responsabilité avec humilité et, surtout, avec la volonté de changer les choses. L’équité, dans le sport comme ailleurs, demeure un combat quotidien. Elle se souvient que lorsqu’on lui a offert un contrat à TVA Sports, ce n’était que pour commenter les compétitions féminines. «Je ne pense pas qu’on aurait offert à un homme un contrat uniquement pour commenter les tournois masculins!» Elle a obtenu ce qu’elle voulait, mais en livrant bataille.
La dirigeante raconte aussi que lors de sa première rencontre, à titre de directrice, avec une quinzaine de collègues des tournois Masters 1000, elle était la seule femme. «Malheureusement, en tant que femme, il faut travailler plus fort pour établir sa crédibilité. En 2024, on souhaiterait être ailleurs, se désole-t-elle. J’espère que lorsque ma fille de trois ans arrivera sur le marché du travail, on ne parlera plus de ça.»
Femme déterminée, elle n’a jamais renoncé à ses valeurs. «C’est une grande fierté. Comme jeune athlète, j’avais l’impression que pour atteindre le top 10, il fallait être arrogant et compétitif au point d’oublier la gentillesse et la générosité envers les autres. Moi, j’étais particulièrement inspirée par Kim Clijsters, avec qui j’ai eu la chance de jouer à la fin de ma carrière. Elle incarnait tout le contraire de l’arrogance! Après le match, elle est allée vers mon coach pour lui dire qu’elle trouvait que j’avais beaucoup de potentiel. Peu de joueuses auraient pris le temps de faire ça!» Des modèles comme ceux-là lui ont permis de croire qu’il était possible d’atteindre un haut niveau de performance tout en étant sensible aux autres et authentique.
La valeur du travail
Ainsi, l’athlète qu’elle a été a forgé la leader qu’elle est devenue. Valérie Tétreault voit de nombreux liens entre le sport et la gestion. Il y a d’abord le dépassement de soi, la soif d’adrénaline et le plaisir de la compétition. Toutefois, l’appétit pour la performance peut vite devenir toxique. Pour Valérie Tétreault, c’est le travail qui lui a permis d’affronter la pression avec sérénité. «J’ai compris très jeune que je devais miser sur ce que j’étais en mesure de contrôler. Et ce que je pouvais contrôler, c’était l’effort que je mettais dans ma préparation et mes entraînements. Ensuite, sur le terrain, devant l’adversaire dont on ne contrôle pas le calibre de jeu, il ne me restait qu’à avoir du plaisir.» Ayant donné le meilleur d’elle-même, elle pouvait avoir l’esprit tranquille.
Travailler fort, c’est effectivement la marque de commerce de Valérie Tétreault. Au début de sa carrière en communication, elle n’a pas hésité à offrir ses services pour réaliser des chroniques de tennis dans différentes radios en tant que bénévole. «Dans mon groupe d’amis, j’ai suscité la consternation : travailler sans être payée, ça n’avait pas de sens! Mais on ne peut pas espérer avancer en ayant tout cuit dans le bec», soutient posément la dirigeante.
«Dans le sport professionnel, c’est vrai, on carbure à la performance, on n’est jamais rassasié, on en veut toujours plus. Je sais que je suis très exigeante envers moi-même, mais je crois qu’on dirige par l’exemple. J’ai conscience de l’impact que j’ai auprès de mes équipes. Heureusement, j’ai une grande capacité d’empathie, alors j’espère que ça compense», conclut-elle en souriant.
L’équilibre avant tout
Au-delà de l’ambition, Valérie Tétreault ne croit pas à la performance à tout prix. À cet égard, son rôle de mère l’a beaucoup fait réfléchir. Elle recherche constamment l’équilibre. Très sensible aux enjeux de santé mentale, elle est fière que Tennis Canada soit la première fédération de sport à mettre en œuvre une stratégie en ce sens. «Auparavant, on parlait de psychologie sportive, axée uniquement sur la performance. On commence enfin à parler de santé mentale, en se penchant sur la prévention et le bien-être. Il est essentiel de conscientiser les athlètes, leurs parents, les entraîneurs.» En tant que gestionnaire, elle juge que le meilleur moyen de contrer le danger de la performance, c’est d’ouvrir un dialogue sain avec ses collaborateurs.
Son expérience comme athlète professionnelle lui sert aussi dans une approche stratégique où l’objectif final n’est jamais perdu de vue lorsqu’il est découpé en visées rapprochées. Trop souvent, selon elle, on évacue la vision à long terme. La prise de décision est également un apprentissage de son parcours d’athlète. «Dans un processus de décision, il y a toujours des doutes. Le sport m’a appris à prendre le temps de réfléchir, à analyser différents angles possibles. Ma retraite n’était pas une décision émotive, je l’ai mûrie longuement. J’ai appris à vivre avec les diverses conséquences qui peuvent découler de mes choix. Tout cela me sert quotidiennement dans mon rôle de dirigeante.»
Qui est Valérie Tétreault?Lorsqu’elle a pris sa retraite du tennis professionnel à 22 ans, elle figurait au 112e rang des meilleures joueuses du monde. L’athlète était sereine avec l’objectif qu’elle s’était fixé dix ans plus tôt : un classement dans le top 100. «J’avais une approche réaliste. Il n’y avait pas encore la lignée des Félix Auger-Aliassime et des Leylah Fernandez. Aujourd’hui, je crois qu’il ne faut pas se mettre de barrière quand il s’agit de rêver», lance calmement Valérie Tétreault, qui confie qu’à ce moment-là, elle vivait également des moments difficiles dans sa vie personnelle. La suite n’est pas banale. Intéressée par les communications, connue de Tennis Canada avec qui elle a déjà collaboré en tant que porte-parole, la jeune retraitée saisit l’occasion qui se présente lors de l’ouverture d’un poste. «En prenant ma retraite, j’avais envoyé des remerciements aux personnes qui m’avaient soutenue, un petit geste apprécié. Tennis Canada a pris un pari en m’engageant, je n’avais ni expérience ni diplôme, mais les dirigeants de l’organisation ont reconnu un potentiel, une façon d’être», relate celle qui décroche alors en parallèle un contrat d’analyste à TVA Sports. Aujourd’hui directrice de l’Omnium Banque Nationale, Valérie Tétreault a récemment été honorée par le Club de tennis Île des Sœurs, qui a rebaptisé en son honneur le terrain qu’elle a foulé durant plusieurs années. |
Article publié dans l’édition Été 2024 de Gestion
Leadership , Management , Entretien