Comment gérer ceux qui demeurent dans l'organisation après des mises à pied?

Une mise à pied n'a jamais rien de facile pour les personnes qui en sont victimes. Et de fait, beaucoup d'attention sera naturellement portée à ces employés qui doivent faire leurs cartons. Primes de séparation, soutien psychologique, aide à la recherche d'emploi : les organisations qui font bien les choses à cet égard mettront en œuvre une pléthore de moyens au bénéfice de ceux qui ont à vivre cette difficile transition. Et c'est sans doute bien ainsi.

Mais quid des survivants?

Qu'advient-il, toutefois, de ceux qui demeurent dans l'organisation à la suite d'une série de mises à pied? Une chose est sûre toutefois, des dommages collatéraux sont à prévoir et les mises à pied auront des répercussions immédiates chez ceux qui sont demeurés sur le navire, et ce à bien des chapitres : perte de créativité, communications moins fluides, baisse du moral des troupes, satisfaction moindre au travail, perte de confiance à l'égard de l'employeur, etc. Et d'un point de vue individuel, ceux qui n'ont pas reçu un avis de cessation d'emploi pourraient également manifester les symptômes de ce qu'il est convenu d'appeler la « culpabilité du survivant » (« survivor's guilt »), un mélange plutôt néfaste de soulagement (de ne pas avoir été congédié) et de tristesse (de voir les autres partir). De plus, comme le signalent les professeurs Charlie O. Trevor et Anthony J. Nyberg dans leur étude¹ à ce sujet, les chances sont également très élevées que les survivants de l'organisation remettent leur curriculum vitæà jour, question de se prémunir contre la prochaine vague de congédiements. Les universitaires ont en effet constaté qu'une coupure des effectifs de l'ordre de 1 % pouvait engendrer une augmentation des départs volontaires allant jusqu'à 31 % et, ultimement, des pertes financières pour l'entreprise ou l'organisation. À garder à l'esprit, donc...

Quelques bonnes pratiques

Heureusement, on peut réduire le choc causé par une vague de mises à pied, indiquent les professeurs Trevor et Nyberg. Ces derniers ont en effet prouvé que la présence d'un haut degré de justice procédurale (le fait de respecter les règles organisationnelles établies) et de politiques de développement de carrière, de même que le degré d'attachement au réseau social existant au sein de l'organisation (« job embeddedness ») pouvaient amoindrir sensiblement le choc chez les survivants. À vous de voir où votre organisation se situe à ces chapitres.

Plus concrètement, certaines expériences, parfois surprenantes, ont donné des résultats fort satisfaisants afin de contrer l'effet retors des coupes de postes chez les survivants de l'organisation. Dans leur article publié dans la MIT Sloan Management Review², les professeurs Mishra, Mishra et Spreitzer citent l'exemple de l'entreprise vermontaise Rhino Foods qui, ayant eu la flexibilité et l'intelligence de faire appel à ses employés, a trouvé un moyen original de réduire l'impact des mises à pied saisonnières, inévitables dans son contexte bien particulier. En accord avec l'ensemble des effectifs, Rhino Foods a mis sur pied un réseau d'entreprises chez qui les employés mis à pied peuvent aller travailler, le temps que passe la saison morte. Ces derniers sont par la suite réembauchés lorsque l'activité reprend. Cette pratique, affirment les chercheurs, a permis aux employés mis à pied de développer d'autres compétences et d'autres habiletés dans un contexte organisationnel différent, tout en leur permettant de continuer à recevoir un revenu stable. Les survivants de Rhino Foods, quant à eux, ne sont pas en reste : ces derniers sont eux aussi en mesure de découvrir les compétences et habiletés inhérentes aux postes laissés vacants par leurs collègues. Une situation gagnant-gagnant pour tous, et qui accroît le niveau de reconnaissance des employés à l'égard de l’entreprise.

Devant le caractère parfois soudain des mises à pied, les entreprises et les organisations doivent donc travailler sur des éléments qui, quant à eux, s'ancrent et s'enracinent à long terme. Une culture organisationnelle forte, une solide confiance envers l'équipe de direction, des canaux de communications bien ouverts : tels sont les efforts à déployer par l'entreprise ou l'organisation afin de faire en sorte que le navire garde le cap une fois la tempête passée.


¹ Trevor, C. O., & Nyberg, A. J. (2008). « Keeping your headcount when all about you are losing theirs: Downsizing, voluntary turnover rates, and the moderating role of HR practices ». Academy of Management Journal, 51(2), pp. 259-276.

² Mishra, A. K., Mishra, K. E., & Spreitzer, G. M. (2009). « Downsizing the company without downsizing morale ». MIT Sloan Management Review, 50(3), pp. 39-44.