Les grands de la cigarette et du tabac se portent assez bien, malheureusement...

On pourrait croire que les grands manufacturiers de tabac sont une espèce en voie de disparation. Mais rassurons-nous (ou pas, c'est selon), ces gigantesques entreprises se portent généralement très bien!

Comme c'est le cas dans nombre de domaines d'affaires, on assiste à l'heure actuelle à un mouvement de concentration de la part des grands joueurs de cette industrie. Tout récemment, on apprenait en effet que le numéro deux mondial de l'industrie, l'anglaise British American Tobacco (BAT) avait offert la rondelette somme de 47 milliards de dollars à l'américaine R. J. Reynolds afin d'acheter la portion manquante des actions de cette entreprise, la première possédant déjà 42 % des actions de la seconde. La question flotte toutefois au-dessus de cette transaction comme un nuage de fumée : pourquoi procéder à une telle acquisition, dans un contexte politique où les États légifèrent de plus en plus contre les produits du tabac, et dans un contexte également légal où l'épée de Damoclès que constituent les recours collectifs pèse au-dessus de la plupart des grandes entreprises de tabac?

L'avenir est loin d'être gris!

Tout simplement parce que, et contrairement à ce que l'on pourrait penser, le tabagisme se porte plutôt bien à l'échelle du globe, malgré tous les efforts pour contrer ce fléau. Selon les plus récentes données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les fumeurs s'élèveraient à un milliards de personnes, et l'on s'attend à une hausse de 50 % à 60 % de ces derniers dans les deux à trois prochaines décennies. Certes, les pays en voie de développement et les marchés émergents fourniront dans les années à venir le gros du contingent de nouveaux fumeurs. Mais les États-Unis demeurent, on le devine, un marché prioritaire pour les géants du tabac, d'où l'intérêt de BAT à mettre la main sur la majorité des actions de R. J. Reynolds, elle-même numéro deux dans le marché de l'Oncle Sam.

Et les recours collectifs, alors? Comme le souligne The Economist dans l'article « Big tobacco's new ambitions », les poursuites judiciaires engagées au cours des dernières années à l'encontre des grands du pétun, à titre individuel ou par certains États américains, n'auront finalement pas été la saignée anticipée, et les amendes que ces géants ont dû payer, quand ils ont été trouvés coupables, se sont avérées plutôt modestes, si on les compare aux ressources financières qu'elles possèdent dans leurs coffres. Bref, le marché américain semble un peu plus rassurant, alors qu'à l'inverse, certains pays européens tendent plutôt à serrer la vis aux géants du tabac.

D'autre part, signale toujours The Economist, la volonté, commune à bon nombre d'entreprises, de réduire les coûts. Une telle synergie entre les activités de BAT et de R. J. Reynolds pourrait ainsi générer des économies estimées à environ 400 millions de dollars annuellement. Mais surtout, si l'on se projette un peu dans l'avenir, l'acquisition projetée pourrait permettre à BAT d'accroître ses capacités de recherche et développement, alors que tous les grands du tabac se sont lancés, au cours des toute dernières années, dans le développement de produits dits « à risque réduit » tels la cigarette électronique.

Laissons le mot de la fin à l'empereur romain Vespasien (69-79) qui affirmait à son fils, le futur empereur Titus, que « L'argent n'a pas d'odeur ». Et certainement pas celle de la fumée...