Selon le vieil adage, le dirigeant est «seul au sommet». Pour briser cet isolement et échanger sur les enjeux et les défis qu’il rencontre, il peut toutefois se tourner vers ses pairs. C’est ce que propose l’Alter ego lab du Pôle D – Dirigeant, dirigeante et direction stratégique de HEC Montréal.

L’Alter ego lab est une formule d’accompagnement qui jumelle un PDG à un binôme composé d’un professeur expert de HEC Montréal et d’un ancien dirigeant. Cette formule originale, qui n’est ni du coaching ni de la consultation, vise à aider le PDG à prendre du recul sur un enjeu particulier. Dans ce contexte, il pourra faire entendre ses réalités, se confier et obtenir une rétroaction en dehors de sa propre équipe de direction.

Parce qu’il s’appuie à la fois sur les apports de la recherche, mais aussi sur l’échange d’expériences, l’Alter ego lab procure aux PDG un espace alternatif de réflexion structurée ainsi qu’un accompagnement stratégique qui leur permet de discuter de leurs préoccupations et d’explorer des pistes de solution novatrices.

Processus confidentiel

Le processus est entièrement confidentiel et se déroule sous forme de rencontres réparties sur plusieurs mois. «Notre accompagnement est très discret. Par conséquent, les PDG ont la possibilité de s’améliorer sans nécessairement que d’autres personnes au sein de leur organisation soient au courant de leur démarche. Ils peuvent s’ouvrir, s’exprimer librement et admettre leur fragilité en toute confiance», note Roman Oryschuk, professeur associé à HEC Montréal, qui a occupé durant sa carrière plusieurs postes de haut dirigeant au sein de grandes entreprises, notamment d’institutions bancaires.

Le professeur émérite à HEC Montréal Alain Gosselin forme avec lui l’un des tandems qui guident les PDG. «Nous accompagnons actuellement trois personnes qui veulent généralement réfléchir à des problèmes dont elles préfèrent ne pas faire part à l’interne», mentionne-t-il. Pouvant compter sur un riche bagage de connaissances à la fois théoriques et empiriques, il propose une approche qui complète parfaitement l’expertise terrain de son collègue Roman Oryschuk.

Les thèmes abordés par les dirigeants qui participent à cette démarche sont variés. Il peut s’agir de regarnir un bassin de relève en gestion; de restructurer une organisation pour faire face à de nouveaux défis; de repenser l’exercice du leadership; de mieux décoder l’environnement; de remobiliser les troupes; de gérer la transformation... «Je remarque que, bien souvent, certains leaders ont une bonne capacité à mobiliser leurs équipes, alors que d’autres ont davantage d’aisance à analyser les situations et à poser des diagnostics. Ces deux compétences vont rarement de pair. Or, lorsqu’on réussit à les combiner, on détient dès lors un puissant outil de transformation», fait remarquer Roman Oryschuk.

Enfin, après chaque rencontre, les accompagnateurs donnent des «devoirs» au PDG, qui, lorsqu’il les aura réalisés, reviendra les consulter pour leur présenter l’avancée de ses démarches de même que les résultats obtenus. La réflexion se poursuit de plus belle, et on passe alors à la phase suivante.

Un regard extérieur

Une précision importante doit être faite ici : le binôme d’accompagnateurs n’effectue pas un travail de consultation. «Le cas échéant, nous pourrions recommander le recours à des firmes de consultants, mais pour notre part, ce n’est pas notre rôle. Nous n’avons pas non plus de pouvoir de recommandation et nous ne nous rendons pas dans l’organisation. Nous aidons plutôt le PDG à réfléchir au fur et à mesure des rencontres», nuance Alain Gosselin.

Il faut également distinguer cette démarche du mentorat, un contexte dans lequel les discussions sont moins structurées et où les rencontres demeurent ponctuelles; un élément important que confirme Roman Oryschuk : «Il s’agit plutôt d’un travail fait en étroite collaboration avec le dirigeant. Nous lui posons des questions et l’incitons à explorer diverses pistes de solution, et à réfléchir aux prochaines étapes.» Par ailleurs, l’authenticité de chaque individu est respectée, dans le sens où les accompagnateurs s’efforcent de comprendre la personne et son cheminement, tout en cernant bien ses valeurs et ses défis.

Grâce au regard extérieur qu’il porte sur la situation, le tandem est aussi mieux à même de percevoir des dynamiques qui auraient pu échapper au PDG qu’il accompagne. Pour avoir lui-même occupé des postes de haut dirigeant, Roman Oryschuk possède une expérience terrain qui lui permet à la fois de faire preuve d’une bonne intuition et de comprendre le principe de courage managérial.

«Devenir PDG, c’est comme gravir une montagne; c’est un processus à la fois long et ardu. Et lorsqu’on a atteint le sommet, alors on risque de redescendre, au début lentement, puis de plus en plus vite», illustre le professeur, qui ajoute : «Même si c’est difficile à admettre, un haut dirigeant doit absolument comprendre qu’il déclinera et perdra en efficacité s’il n’investit pas dans son développement et sa formation.» Dans cette perspective, l’accompagnement offert par l’Alter ego lab se veut un précieux atout. Une démarche dont non seulement le PDG profite directement, mais également les membres de son équipe, et, au bout du compte, toute l’organisation.

Article publié dans l’édition Automne 2024 de Gestion