Avec son cortège d’expressions japonaises, d’acronymes et de termes en anglais, l’amélioration continue peut sembler intimidante de prime abord. Elle consiste pourtant toujours à choisir les meilleurs outils pour régler les problèmes identifiés dans l’organisation.

L’amélioration continue se scinde schématiquement en trois grandes familles : le Kaizen, le Lean et le 6 Sigma. Le Kaizen représente davantage une culture organisationnelle qu’une méthode. Il vise à créer de la valeur en perfectionnant les processus petit à petit, mais continuellement, grâce à la contribution de tous les membres d’une organisation. Masaaki Imai – le fondateur du Kaizen Institute qui a popularisé ce concept en Occident dans un ouvrage publié en 1986 – le définit comme «l’amélioration tous les jours, par tout le monde, partout».

Parmi les outils les plus répandus dans l’utilisation du Kaizen, on retrouve notamment le cycle PDCA (plan, do, check, adjust). Cette méthode de gestion de la qualité repose sur quatre étapes qui tournent en boucle : la planification, la réalisation, la vérification et l’ajustement. Certains ont ajouté une cinquième étape, l’observation, qui consiste à bien analyser l’état de départ avant d’établir un plan ou un programme d’action.

Les émules de Toyota

La méthode Lean, largement inspirée par le «modèle Toyota», vise à éliminer les gaspillages et à améliorer les processus et procédés, toujours dans l’objectif de créer de la valeur pour les consommateurs de nos produits ou les usagers de nos services.

D’abord réservé aux entreprises manufacturières, le Lean a essaimé vers d’autres secteurs, entre autres celui de la santé. Philippe Deslandes, chef de service amélioration continue de la performance et du bureau de projet au Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest, est lui-même un adepte du Lean. «Nous appliquons les cinq principes de la transformation Lean définis par le Lean Enterprise Institute», souligne-t-il.

Cette approche exige tout d’abord d’établir clairement la valeur de l’offre de l’organisation. Quel est son objectif primordial? Quels produits et services propose-t-elle? Pourquoi des clients ou usagers comptent-ils sur elle? Ensuite, il s’agit de circonscrire les processus et procédés qui permettent de produire ces produits et services et d’identifier des pistes d’amélioration.

Une troisième étape consiste à fournir aux membres de l’organisation la formation et les outils requis pour bien exécuter leurs tâches et régler ces problèmes. Cela mène ensuite à examiner la culture de gestion de l’organisation et les habiletés des gestionnaires. À terme, cette approche nous conduit à une cinquième étape : mesurer l’écart entre notre culture et notre état d’esprit actuel et la culture et l’état d’esprit idéaux, qui optimiseront notre capacité à nous améliorer continuellement. 

«Certains préfèrent parler d’excellence opérationnelle, mais peu importe le terme employé, cette approche repose sur l’utilisation des bons outils par l’ensemble des membres de l’organisation pour transformer la culture de l’organisation et atteindre l’excellence», ajoute Philippe Deslandes.

Il précise qu’elle a notamment donné de bons résultats pendant la pandémie, lorsque le CISSS de la Montérégie-Ouest a dû rapidement déployer des cliniques de dépistage et de vaccination de la COVID-19. «Nous estimons à environ 40% les gains en productivité dans ces cliniques découlant de notre application du Lean et de l’engagement des employés, qui se sont par exemple traduits en réduction des délais d’attente», raconte-t-il.

Grande fusion

La méthode 6 Sigma est un peu différente. Si le Lean se concentre sur l’optimisation des opérations afin de les fluidifier et d’éliminer les gaspillages et les déchets, le 6 Sigma vise plutôt à réduire la variance dans la qualité des produits et des services. Cette approche a été popularisée dans les années 1980 par Motorola. Elle nécessite généralement l’intervention d’experts et l’utilisation d’une grande quantité de statistiques. À ce titre, elle diffère largement du Kaizen et du Lean.

Cependant, depuis quelques années, on parle de plus en plus du Lean 6 Sigma, une approche qui mise sur les forces des deux méthodes. Cela rejoint d’ailleurs une tendance de fond qui consiste à créer des hybrides des différentes méthodes en combinant les outils qui correspondent le mieux aux besoins des organisations.

Les gestionnaires auraient donc tort de trop mettre l’accent sur le choix et l’application stricte de telle ou telle méthode. «Au fond, toutes ces approches pigent dans le même coffre d’outils, croit Jean-Marc Legentil, associé principal chez Bell Nordic Conseil. Je conseille à mes clients d’arrêter de se perdre dans ces termes et de simplement appeler ça de l’amélioration continue. Ce qui importe, c’est de bien identifier les problèmes qu’on veut régler et les outils qui peuvent nous aider à y arriver.»