L'écrivain français André Malraux aurait déclaré, bien qu'il s'en soit toujours défendu, que « le XXIe siècle serait spirituel, ou ne serait pas », ce à quoi on ne peut guère rétorquer lorsque l'on prend acte de ce qui se passe dans notre drôle de monde à l'heure actuelle. La spiritualité occupe en effet une place importante dans nos sociétés, et plusieurs associent ce fait à une certaine quête de sens faisant suite au déclin de la pratique religieuse dans bien des pays, notamment occidentaux. Mais cette quête de sens, tout comme l'intérêt plus grand porté à la spiritualité, ne se sont certes pas arrêtés à la porte des entreprises et des organisations.

De fait, le phénomène de la spiritualité est désormais une réalité de nos lieux de travail. Et comme il se doit, nombre de chercheurs universitaires ont porté, et ce depuis le début du nouveau millénaire, un intérêt accru à l'importance de la spiritualité au travail (spirituality workplace) et à ses effets sur diverses facettes du comportement et du rendement des employés. Mais encore faut-il être en mesure de bien définir ce qu'est la spiritualité au travail et à ce chapitre, les universitaires peinent à trouver un consensus. Ce concept pourrait donc être défini comme la reconnaissance par l'organisation de l'existence chez ses employés d’une vie intérieure qui nourrit et est nourrie par un travail utile exécuté dans un contexte collectif¹.

Nul ne peut être contre la vertu...

Sans grande surprise, les études menées sur les effets de la spiritualité au travail ont rendu un verdict largement positif. Ainsi, il a été démontré que la spiritualité au travail avait une incidence jugée bénéfique sur la performance de l'organisation, sur l'engagement des employés à l'égard de l'organisation et de leur travail, sur leur motivation, leur leadership et sur leur éthique de travail, entre autres choses.

À ce compte, en déduit-on, toutes les organisations devraient donc favoriser des attitudes et des pratiques favorisant l'émergence de la spiritualité au boulot. Plus facile à dire qu'à faire, dans la mesure où les pratiques spirituelles au travail sont multiples : séance de méditation, de yoga, bénévolat, retraites, initiation à la pleine conscience (lire notre article « Gérer en pleine conscience »), etc. L'une des expériences intéressantes en ce sens est menée à l'heure actuelle chez la jeune pousse californienne Nootrobox, spécialisée dans la fabrication de suppléments aidant à la cognition. Comme le rapporte Jennifer Alsever dans son article publié sur le site Internet du magazine Fortune (lire son article « Silicon Valley Start-ups Aim to Fast Their Way to Success »), les huit travailleurs de l'entreprise ont décidé de s'imposer la pratique du jeûne intermittent de 36 heures, et cela du lundi soir au mercredi matin. Certaines religions (l'islam, l'hindouisme et le catholicisme, entre autres) et bien des philosophies (le bouddhisme est l'une d'entre elles) ont intégré la pratique du jeûne depuis longtemps. Mais voilà que certaines avancées scientifiques tendent à prouver les bienfaits de la restriction alimentaire sur le fonctionnement général de l'organisme, et notamment à l'égard de la cognition. Mais plus encore, une telle pratique, aux dires des dirigeants de la start-up, a accru la performance générale des employés (le mardi jeûné est la journée la plus productive, affirment-ils!) et la cohésion du groupe s'en est trouvée renforcée, tous ayant à vivre ensemble cette privation temporaire : « It’s nice to share something beyond just business » dit l'un d'eux.

Partager, trouver un sens à ce que l'on fait, s'inclure dans quelque chose de plus grand que soi... Voilà l'objectif partagé par les pratiques spirituelles, quelles qu'elles soient. À vous de trouver et de favoriser celles qui correspondent le mieux à votre entreprise ou à votre organisation!

¹ Notre traduction. Texte original : « [...] recognition of a inner life that nourishes and is nourished by meaningful work that takes place in the context of community. » Ashmos, D. P., & Duchon, D. (2000). « Spirituality at work: A conceptualization and measure ». Journal of management inquiry, 9(2), pp. 134-145.