Travail en mode hybride : comment répondre aux besoins des employés?
2022-05-09
French
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2023-10-02
Travail en mode hybride : comment répondre aux besoins des employés?
Télétravail , Ressources humaines
Article publié dans l'édition Printemps 2022 de Gestion
Dès mars 2020, le télétravail s’est révélé une mesure d’urgence qui a permis d’affronter la crise sanitaire. Il est temps aujourd’hui de gérer celui-ci en tenant compte de ses particularités propres. Comment travailler harmonieusement en mode hybride?
Après les deux années d’adaptation qu’a exigées la pandémie de COVID-19, la conception même du travail est remise en question. Auparavant, on se rendait au bureau pour réaliser des tâches professionnelles dans un cadre défini et à heures fixes. Aujourd’hui, les lieux de travail sont mobiles et le temps semble flexible, ce qui transforme profondément les interactions entre collègues. Comment s’ajuster alors à un nouveau rôle ou intégrer un nouvel employé à l’équipe? Comment se sentir membre à part entière de l’organisation quand, une journée sur deux, on côtoie ses coéquipiers à travers un écran? Comment, surtout, entretenir la motivation des troupes?
La science au service de la motivation
Le télétravail a démontré son efficacité durant la crise de COVID-19, et il est désormais incontournable. Les organisations travaillent maintenant à définir un modèle hybride adapté à leurs besoins : certaines ont choisi de privilégier le travail à la maison, tandis que d’autres exigent la présence au bureau un certain nombre de jours. De nouvelles politiques et du soutien technologique ont été déployés dans le but de faciliter cette transition. Il demeure que le succès d’une telle opération repose grandement sur le bien-être psychologique du personnel : les membres des équipes doivent se sentir stimulés par ce nouveau mode de travail et pleinement motivés à en tirer profit.
Selon la théorie de l’autodétermination, qui reconnaît le besoin chez l’être humain de contrôler sa propre destinée, la motivation peut non seulement varier en quantité, mais aussi en qualité. Le fameux principe de la carotte et du bâton peut inciter une personne à passer à l’action… jusqu’à une certaine limite. En effet, des employés qui n’agissent que lorsqu’on leur impose des dates de tombée serrées ou lorsqu’on leur promet des récompenses répondent à une pression extérieure qui, au bout du compte, génère une action peu durable.
Alors, comment s’assurer que les équipes adhèrent au mode hybride? Comment obtenir un appui authentique et susciter un véritable enthousiasme? Les gestionnaires peuvent y arriver en misant sur les aspirations profondes des employés et les valeurs qui les animent, en donnant un sens à ce qu'ils font, en leur permettant de construire ensemble le travail du futur, en les aidant à se sentir utiles et en étant à l’écoute de leurs besoins. Voilà le cadre d’une motivation réelle, basée sur l’autonomie.
Concrètement, si on désire faire émerger une telle motivation chez les individus, trois besoins psychologiques doivent être satisfaits : le sentiment d’appartenance sociale, le sentiment de compétence et le sentiment d’autonomie. Encore trop peu de dirigeants sont pleinement conscients de l’importance de combler ces besoins, d’autant plus que le mode hybride entraîne une complexité additionnelle.
Dans l’étude que nous avons menée[1], nous avons démontré que les employés qui travaillent à distance et ceux qui se déplacent au bureau ont les mêmes besoins. Cependant, ces besoins n’ont pas la même importance ni le même poids pour chacun de ces groupes, suggérant que les pratiques de gestion doivent être adaptées de manière à créer un environnement propice à la satisfaction des individus, peu importe le lieu où ils travaillent. En ce sens, trois orientations, inspirées de la théorie de l’autodétermination, permettent de stimuler la motivation autonome en situation de travail hybride.
1. L’art de créer la proximité
À cette époque, presque oubliée, où chacun se rendait encore tous les matins au bureau, les échanges spontanés autour de la machine à café, sur le seuil de la porte entrouverte ou lors d’un 5 à 7 étaient naturels, faciles et fluides. On tenait pour acquises ces relations sociales qui répondent à un besoin d’affiliation profondément humain. Le piège du télétravail, c’est de ne pas être conscient du fait que, pour créer et entretenir ces relations au travail, cela exige des efforts.
En mode hybride, les employés passent au bureau selon un horaire différent et variable. Conséquence : les équipes sont de plus en plus fragmentées. Dans un contexte où les membres sont dispersés, il est difficile de synchroniser les rencontres entre collègues ; les discussions informelles s’estompent insidieusement.
Afin d’éviter la création de sous-groupes et d’aviver le sentiment d’appartenance, les gestionnaires peuvent organiser des rencontres périodiques avec leurs employés et définir avec eux les meilleures façons de développer la proximité entre collègues afin de combler la distance qui s’est creusée. Ces discussions devraient mener à une formule qui convient à chaque groupe. Ici, toutes les options se valent : consacrer le début d’une rencontre virtuelle à une conversation informelle, convenir d’une journée par semaine pour se rencontrer au bureau, organiser des activités spécifiques dans le but de solidifier les liens entre les membres de l’équipe. Ce qui compte, finalement, c’est de créer cette proximité en favorisant des interactions régulières et satisfaisantes. Ces liens qui enrichissent le travail et le quotidien exigent un effort conscient et une volonté mutuelle de trouver des façons de faire qui répondent aux attentes de l’équipe tout en étant adaptées à l’organisation[2].
2. L’apprentissage informel
Le sentiment de compétence s’appuie sur un savoir-faire, sur des connaissances solides et sur des occasions de les mettre en pratique dans des projets stimulants. Et puisque le sentiment de compétence alimente la motivation des individus, l’organisation a tout intérêt à déployer des ressources et à mettre en place les conditions nécessaires qui favoriseront le développement professionnel. Il faut offrir aux employés différentes possibilités de se développer dans un environnement favorable à l’apprentissage, conçu spécifiquement pour le contexte de travail en mode hybride.
Ce ne sont pas tant les formations en ligne, visioconférences ou autres webinaires qui posent problème : ces propositions existent déjà et répondent en partie à cette soif d’apprendre. En fait, c’est toute la richesse des échanges informels, du partage d’expériences, du coaching et du mentorat qui risque de se perdre dans le cyberespace. Certaines situations requièrent la présence au travail des équipes, notamment lorsque plusieurs apprentissages entrent en jeu, par exemple lors de l’intégration d’un nouvel employé. La rétroaction profite grandement elle aussi du contact humain. Pour insuffler une énergie constructive qui permettra à l’employé de progresser, le gestionnaire doit pouvoir s’appuyer sur l’émotion, le ressenti et la communication non verbale afin de mieux transmettre son message et de l’ajuster au fil de l’échange.
Les compétences de base en informatique constituent un bel exemple qui met en lumière l’importance de repenser la formation en mode hybride. Seule face à son ordinateur, une personne peut se sentir démunie devant une commande simple. Au bureau, le problème serait vite réglé : elle se serait tournée vers son collègue et lui aurait demandé de l’aide. Elle aurait appris instantanément. Or, il est plus difficile d’obtenir un tel soutien à distance.
Lorsqu’il s’agit de télétravail, il peut être bon de se rappeler que les humains apprennent principalement de manière informelle. Au bureau, on peut observer son collègue, apprendre à ses côtés, lui poser des questions. Il s’agit là d’un apprentissage qui n’est pas formaté, qui passe inaperçu, mais qui s’avère valorisant, dynamique et solide.
3. L’autonomie : un moteur puissant
Un des plus grands avantages du télétravail est l’autonomie qu’il procure, soit cette possibilité pour l’employé de déterminer son cadre de travail selon ses préférences et de mieux gérer son horaire[3]. Si le contexte de la pandémie a étouffé ce pouvoir de choisir, le télétravail ayant été imposé sans préavis, il est temps de redonner à ses employés le sentiment d’avoir les deux mains sur le volant.
Quelle que soit l’armature de ce mode hybride, l’organisation qui désire que ses employés soient engagés et motivés donnera à ces derniers un contrôle et une flexibilité dans l’exercice de leur travail. Après deux ans de télétravail, après avoir goûté à cette liberté, impossible de revenir en arrière! Mais comment trouver le juste équilibre dans cet espace où une certaine latitude est attendue? Dans un modèle hybride où l’entreprise définit ses balises, l’autonomie, sans être absolue, doit permettre une marge de manœuvre.
Ce qui compte, ici comme ailleurs, c’est de bien communiquer aux employés l’importance de revenir au bureau régulièrement, en étant le plus précis possible. Cette raison d’être du modèle hybride doit être claire et bien comprise dans le but de susciter l’engagement. Il incombe au dirigeant de définir cette vision et aux employés d’établir la manière de s’y conformer.
L’organisation joue un rôle capital dans la motivation de ses troupes, tout d’abord en leur signifiant qu’elle entend leurs demandes et qu’elle fait son bout de chemin pour répondre à leurs attentes. À chacun, ensuite, de profiter de ces leviers pour s’épanouir dans ce cadre où la responsabilité du succès est partagée.
Notes
[1] Brunelle, E., et Fortin, J. A., «Distance makes the heart grow fonder: An examination of teleworkers’ and office workers’ job satisfaction through the lens of self-determination theory» (article en ligne), SAGE Open, janvier-mars 2021, p. 1-11.
[2] Brunelle, E., «Gérer à distance : comment réussir à surmonter l’éloignement», Gestion HEC Montréal, vol. 43, n° 4, hiver 2019, p. 106-109.
[3] Hocine, Z., et Zhang, J., «Autonomy supportive leadership: A new framework for understanding effective leadership through self-determination theory», International Journal of Information Systems and Change Management, vol. 7, n° 2, 2014, p. 135-149.
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