Face aux défis de la révolution numérique en cours, de nombreuses organisations créent un nouvel outil stratégique : le bureau de transformation numérique. Une évolution de l’organisation interne qui peut susciter des tensions, mais qui doit permettre la mise en place de nouvelles formes de collaboration.

Les entreprises se trouvent aujourd’hui au cœur d’une dynamique où prendre le virage numérique est devenu un impératif stratégique pour assurer leur pérennité. Cette évolution redéfinit les priorités organisationnelles, alors que des facteurs comme la montée de l’intelligence artificielle, la modernisation des systèmes, l’adoption de l’infonuagique et l’essor de l’exploitation des données intensifient l’urgence de l'adaptation. En réponse, nombre d’organisations instaurent un pilier stratégique inédit : le bureau de transformation numérique. Cet outil, souvent mis en place en coulisses, assure la coordination et l’alignement d’initiatives numériques pour redessiner l’avenir de l'entreprise.

Nous observons toutefois que la mission du bureau et ses objectifs ne sont souvent pas assez clairement définis. Ce qui engendre un chevauchement des compétences et des responsabilités avec celles de la fonction des TI, au risque de brouiller les priorités. Un cadre de gouvernance solide dans lequel les rôles sont clairement définis devient essentiel pour réunir toutes les parties prenantes autour de ces deux acteurs clés, véritables catalyseurs de transformation.

Marquer le changement ou assurer la stabilité

Le bureau de transformation est né d’un mouvement de fond suscité par le besoin croissant de répondre aux demandes et interrogations liées aux technologies émergentes, notamment l’intelligence artificielle. Il est souvent dirigé par un exécutif ou un membre de la haute direction d’une entreprise. Investi d’un mandat ambitieux, il doit catalyser la vision stratégique, influencer les orientations organisationnelles et, au besoin, ajuster la planification technologique pour harmoniser l’usage des technologies avec la mission de l’entreprise. Tandis que les TI occupent un rôle traditionnel axé sur la stabilité opérationnelle et l’optimisation des systèmes actuels, le bureau de transformation est pour sa part chargé de conduire le changement.

L’influence des TI est d’ailleurs étroitement liée à l’émergence de ces outils de transformation numérique. En l’absence d’une stratégie TI clairement définie et communiquée, les dirigeants ont souvent mis en place ce type de bureau en tant que mesure compensatoire, lui attribuant une fonction de vigie technologique. Cette approche positionne parfois celui-ci en chef d’orchestre des initiatives technologiques, créant des zones de tension lorsque les deux fonctions ne sont pas alignées.

Cela dit, même dans un monde idéal dans lequel les actions des TI et du bureau de transformation reposeraient sur des modèles de capacités bien définis, des points de friction subsisteraient. En effet, plusieurs éléments entrent en conflit avec la perception qu’ont les TI de leur propre mandat.

- Écarts de vision et d’objectifs : alors que le département TI s’oriente sur l’implantation, la maintenance, l’optimisation et l’opération des systèmes actuels, le bureau de transformation cherche à repenser les processus et à introduire des technologies innovantes pour transformer le modèle d’affaires de l’organisation. L’enjeu ne repose pas tant sur la différence de points de vue que sur le conflit et la confusion entourant la vision et les objectifs. L’aiguillage et la convergence des idées doivent être clairement établis et compris par l’ensemble des parties.

- Priorités divergentes : alors que les TI privilégient la stabilité et la sécurité des systèmes, le bureau de transformation provoque habituellement des changements considérables et novateurs au sein du modèle d’affaires, lesquels peuvent devenir source de tensions.

- Responsabilités et rôles mal définis : les frontières entre les responsabilités et les capacités des TI et celles du bureau peuvent être floues, ce qui entraîne des conflits sur la prise en charge et le développement des compétences d’affaires.

- Ressources et budgets limités : la concurrence pour obtenir des ressources et du budget constitue également une source de friction. Le coût des projets et le partage des ressources et compétences (parfois restreintes) de l’organisation présente un défi important d’allocation, d’appariement et de gestion des ressources.

- Dynamique de collaboration inefficace : le manque de communication et l’isolement entre les deux entités peuvent aggraver les tensions. Une collaboration efficace repose sur une compréhension mutuelle des objectifs, du périmètre (fonctionnel, organisationnel, technologique) et des défis propres à chaque groupe.

- Culture organisationnelle incompatible : les TI et le bureau de transformation possèdent parfois des cultures distinctes. De façon générale, les TI sont reconnus plus conservateurs et axées sur les processus et la résilience opérationnels, tandis que le bureau est à l’affût de changement et de la nouveauté et milite pour l’agilité et l’innovation.

Aligner les synergies pour une gouvernance technologique efficace

Une transformation numérique réussie repose sur une gouvernance solide et bien définie. L'un des premiers impératifs consiste à déterminer qui porte l'agenda de la transformation, afin de promouvoir et d’assurer une vision cohérente et un leadership affirmé de la démarche. Vient ensuite l’établissement d’un cadre rigoureux, où les rôles et responsabilités sont clairement assignés, permettant d’éviter tout chevauchement et de maximiser l’efficacité collective.

Dans cette dynamique, les indicateurs de performance doivent être choisis avec soin, en privilégiant ceux qui traduisent les priorités de l’organisation et guident les efforts vers des résultats stratégiques.

Enfin, anticiper l’effet de la transformation sur l’organisation permet d’amener les parties prenantes à mieux appréhender le changement en ajustant les stratégies pour maximiser les bénéfices.

Une fois combinés, ces éléments forment les bases d’une transformation numérique durable à forts impacts, grâce à laquelle l’organisation pourra évoluer face aux défis d’un environnement en mutation constante.

En clarifiant les rôles et en définissant une gouvernance solide, les entreprises peuvent non seulement harmoniser les actions de ces deux acteurs clés, mais aussi renforcer leur impact sur l’ensemble de l’organisation. Une saine gouvernance doit créer l’équilibre entre la stabilité opérationnelle et l’innovation stratégique. En fin de compte, c’est cette collaboration éclairée et structurée qui permet à l’entreprise de se réinventer durablement et d’assurer l’opérationnalisation de sa transformation et sa pérennité autant que sa capacité à saisir les opportunités de demain.

Vers une alliance durable

Il est essentiel de comprendre que l’alignement entre les TI et le bureau de transformation ne repose pas seulement sur des règles de gouvernance ou des structures bien définies. Il s’agit avant tout d’un engagement mutuel à construire un environnement dans lequel chaque acteur, dans son domaine, peut agir avec autonomie et complémentarité. Les équipes qui réussissent à instaurer cette alliance durable sont celles qui, au-delà des processus, cultivent une compréhension profonde des objectifs de l’autre et embrassent les différences pour en faire des atouts.

Loin d’être de simples exécutants, les leaders de ces deux sphères deviennent alors des facilitateurs de changement en mettant de côté leurs rivalités pour encourager une dynamique collective. Plutôt que de se figer dans des rôles, ils choisissent d’apprendre l’un de l’autre et de tisser des liens qui stimulent la créativité, la résilience et l’innovation. Ainsi, cette collaboration dépasse la seule transformation numérique pour devenir un moteur de croissance, rendant l’organisation plus souple, plus réactive, et véritablement tournée vers l’avenir.