La transformation numérique touche tous les secteurs, de toutes les sociétés. Mais quels sont ses avantages?

Le secteur numérique industriel (fabrication et assemblage de composants, de systèmes, conception de logiciels) a une présence importante dans le paysage économique du Québec. La transformation numérique qui s’opère aujourd’hui ne touche pas seulement les domaines à la fine pointe de la technologie. Elle ne touche pas seulement le marché du travail. Elle ne touche pas seulement les sociétés des pays développés.

Cette transformation numérique est d’abord locale, car elle touche l’individu. L’humain est au cœur de cette transformation, puisque c’est lui qui produit le flot continu de données alimentant les nouvelles technologies. Bien que l’humain participe à l’effort d’innovation, de conception, d’imagination et d’applications originales de ces nouvelles technologies, il doit aussi fournir un effort d’adaptation sans précédent. Les choses n’ont jamais bougé si vite. Le savoir et les façons de faire n’ont jamais évolué si fort. Par conséquent, les opportunités et les risques n’ont jamais été si hauts. D’où la nécessité que les dirigeants fassent preuve de leadership pour adresser cet enjeu.

Cette transformation est également mondiale, car elle touche les gouvernements, les multinationales et les PME à travers le monde. Les transformations majeures ne sont toutefois ni homogènes, ni ordonnées. À ce titre, les entreprises québécoises présentent des atouts et des particularités leur permettant de forger un peu de sens à ce chaos. Elles doivent identifier ces avantages ainsi que les écueils et les problèmes, afin de s’inscrire non pas comme suiveurs, mais comme acteurs et modèles.

Pourquoi se lancer dans la transformation numérique?

Les entreprises utilisent le numérique pour développer de nouveaux produits ou encore pour élargir leur portefeuille de produits existants. Elles analysent et exploitent des données afin de créer des services et des solutions numériques avec l’automatisation des processus et ainsi faciliter la prise de décision. Elles se servent des données pour mieux cerner les activités les plus profitables et aussi pour proposer, de façon proactive, des produits et des services à valeur ajoutée aux clients. Cela permet d’accélérer la commercialisation, de mesurer la qualité et d’avoir une meilleure traçabilité des produits.

Les PME ont des enjeux qui peuvent différer des grandes multinationales : plus la taille de l’entreprise augmente, moins le financement est une barrière importante à la croissance. Mais plus la taille de l’entreprise augmente, plus les ressources humaines et la recherche du talent sont problématiques.

Outre les problématiques de financement et le manque de ressources humaines, la capacité à investir en recherche, développement et innovation (RDI) est aussi une composante cruciale de la croissance de l’entreprise. La RDI se fait soit à l’interne en recrutant des employés, soit à l’externe en nouant des liens avec d’autres entreprises et en allouant des fonds de recherche.

Où en sont les entreprises? 

Selon une enquête sur la perception de l’industrie 4.0 du ministère de l’Économie et de l’Innovation datant de 2019 :

  • 63 % des entreprises sondées indiquent que l’incidence de l’industrie 4.0 sur leur entreprise sera faible;
  • 12 % ont réalisé un Audit industrie 4.0;
  • 61 % ont amorcé la mise en œuvre de leur plan numérique;
  • 31 % indiquent ne pas avoir réalisé de plan numérique, parce que ce n’est pas un besoin.

Il en ressort que ceux qui ont pris le virage numérique avant la pandémie ont créé des avantages stratégiques face à leurs concurrents, qui sont moins matures du point de vue technologique.

Les principaux enjeux stratégiques

Des obstacles se dressent sur la route des entreprises qui souhaitent s’adapter à l’industrie 4.0 :

  • Les entreprises doivent d’abord avoir une volonté de s’améliorer.
  • Elles doivent obtenir le financement nécessaire pour se moderniser, acquérir le matériel technologique et payer les formations pour maîtriser ce matériel. Par exemple, si une entreprise veut commencer à récolter et utiliser des données pour améliorer ses procédés, c’est toute une infrastructure, des procédés et du savoir-faire qui doivent être mis en place avant de pouvoir en récolter les fruits. Ce sont des investissements parfois importants, dont l’issue n’est pas toujours évidente, claire, et par conséquent, justifier ces dépenses n’est pas toujours aisé.
  • Sur le plan des ressources humaines, les entreprises doivent trouver les talents nécessaires et suffisants, pourvoir les postes, proposer les formations adéquates pour les employés actuels, recruter les bons profils pour les nouvelles disciplines (en concurrence avec de nombreux secteurs industriels, parfois avec beaucoup de compétition en termes de rémunération).

Les aides gouvernementales de financement pour faciliter la transition numérique et la formation continue des employés jouent un rôle crucial. Il existe de nombreux programmes que les entreprises ignorent parfois. C’est là que tout l’équilibre de trouver les bons leviers et les bons incitatifs pour les entreprises est complexe.

Les jeunes au cœur de la transformation numérique

Les universités jouent elles aussi un rôle crucial dans la transition numérique de tous les secteurs industriels. Des liens forts existent déjà entre certaines grappes industrielles et les formations universitaires, mais elles doivent continuer à se développer. Entreprises et universités doivent renforcer leurs liens afin d’intégrer au plus tôt des étudiants sur le marché du travail par le biais de stages ou de formations alternant études et travail.

L’intégration de jeunes compétents est un accélérateur de la transformation numérique puisque, tout en recevant une formation complémentaire dans l’entreprise, les étudiants peuvent amener avec eux de nouvelles manières de faire.

Chaîne de valeur et bénéfices de l’industrie 4.0

Enfin, il faut aussi faire attention à ce qui peut être appelé un engouement ou une effervescence exacerbée pour le 4.0. Pour beaucoup d’entreprises technologiques, ces nouveaux procédés, ce 4.0, ne sont rien de nouveau. Juste une généralisation, une plus grande échelle de certains procédés de RDI qu’ils connaissent et maîtrisent depuis bien longtemps.

Selon Wang et al. (2016), l'industrie 4.0 permet ainsi d'intégrer l'ensemble de la chaîne de valeur sur 3 axes :

  • L’intégration horizontale : sur le centre opérationnel, les hommes et les machines communiquent, en temps réel, tout au long de la chaîne de valeur. Les entreprises connectées entre elles peuvent constituer un écosystème efficace permettant l'émergence des réseaux et des partenariats industriels.
  • L’intégration verticale : elle permet la mise en place de systèmes et de sous-systèmes de fabrication flexibles qui communiquent entre eux. Grâce à cette intégration, les machines intelligentes forment un système autoorganisé qui peut être reconfiguré de manière dynamique pour s'adapter à différents types de produits.
  • L’intégration en temps réel : tout au long du processus de création de valeur, les objets et les systèmes connectés collectent et enregistrent les informations relatives au développement et à la conception du produit, sa production et son utilisation afin de créer un produit personnalisé.

Avec des puces et capteurs intégrés, les machines, connectées à un nuage informatique, deviennent plus intelligentes. Si nous devions intégrer toute la puissance de calcul nécessaire pour stocker et analyser des quantités massives de données dans chaque équipement, le coût serait astronomique. Cependant, les nuages publics (AWS, GCP, Azure) nous permettent de créer une infrastructure très performante pour partager les données, et ensuite réagir aux commandes.

Une nouvelle façon de penser

Le numérique va bien au-delà du technologique. Il représente essentiellement une nouvelle façon de penser. Entreprendre un tel virage nécessite toutefois de la préparation. Il n’est pas nécessaire de mettre en place de grands projets. Une entreprise peut miser sur de petits projets numériques, qui apportent de la valeur rapidement.

Par ailleurs, il est préférable d’y aller progressivement, sans sauter d’étapes, en hiérarchisant les projets en fonction de vos ressources (humaines, matérielles, technologiques et financières) et de votre capacité à gérer ce changement.

Entreprenez dès maintenant une réflexion stratégique sur la nécessité de faire une transformation numérique et pour planifier un audit 4.0. Attendre peut être dommageable pour votre entreprise, car il y a de fortes chances qu’un ou plusieurs de vos concurrents l’aient déjà fait.

  1. Réfléchissez à vos enjeux, aux processus à améliorer et aux moyens de demeurer concurrentiel;
  2. Définissez vos objectifs stratégiques;
  3. Établissez un diagnostic complet de votre organisation.

Conseils pour réussir

Pour accroître le succès de votre transformation numérique, quel que soit l’endroit où vous vous trouvez dans votre parcours, il existe un certain nombre de bonnes pratiques que vous pouvez mettre en œuvre. Voici quelques recommandations :

  • Adoptez des stratégies d’exécution agile. Au cœur de celle-ci se trouve une approche itérative. Bien qu’un projet puisse être de grande envergure, la livraison se fait par étapes itératives, ce qui vous permet de voir rapidement la valeur, de vous adapter aux nouvelles données et aux leçons apprises, et d’échouer rapidement.
  • Commencez par des projets pilotes de plus petite envergure. Tirez-en des leçons. Un projet pilote pourra rapidement faire ses preuves et ainsi apprendre aux équipes concernées à travailler ensemble. La réussite des projets contribuera à accroître l’adhésion de l’ensemble de l’organisation.
  • Adhérez à une approche ciblée pour l’analyse des données. Vous effectuez peut-être déjà une certaine forme d’analyse des données, mais il s’agit probablement d’activités plus ponctuelles, qui se produisent au fur et à mesure des besoins et dont la portée est limitée. La mise en place d’une équipe d’experts polyvalente est un excellent début.
  • Évaluez avant de commencer et réévaluez souvent. Avant de décider où aller, déterminez où vous en êtes dans votre cheminement vers la maturité numérique. Où voulez-vous vous retrouver dans un an et dans cinq ans et quelles sont les étapes pour y parvenir? Êtes-vous entouré des bonnes personnes et, si ce n’est pas le cas, de qui avez-vous besoin? Cette évaluation ne doit pas être ponctuelle, car votre compétiteur se numérise déjà et le paysage numérique change et évolue constamment.
  • Créez et entretenez une culture numérique. Une transformation réussie ne peut avoir lieu que si l’organisation y adhère pleinement. Cela débute au sommet, avec le dirigeant, qui mène les initiatives, et le soutien de tous les membres de la direction.

Sources

2020 - L'humain du cœur de la transformation numérique. (s. d.). ADRIQ

Gamache, S. (2019). Stratégies de mise en œuvre de l'industrie 4.0 dans les petites et moyennes entreprises manufacturières québécoises [thèse de doctorat, Université du Québec à Trois-Rivières]

Gendron, R. (2021, 8 mars). L'exécution : le différentiateur de l'industrie 4.0. Magazine MCI

Hassani, A. (2020). L'industrie 4.0 et les facteurs clés de succès de projet [mémoire de maîtrise, Université du Québec à Trois-Rivières]

McKinsey Digital. (2015). Industry 4.0: How to navigate digitization of the manufacturing sector. McKinsey & Company

Wang, S., Wan, J., Li, D. et Zhang, C. (2016). Implementing Smart Factory of Industrie 4.0 : An Outlook