Tout le monde s’accorde à dire que la transformation numérique des entreprises est une priorité stratégique majeure, si ce n’est la plus importante de toutes. Et pour cause ! L’hégémonie du numérique est la raison pour laquelle un peu plus de la moitié des entreprises du Fortune 500 ont disparu depuis l’an 2000. Mais qu’est-ce qui cloche dans cette mutation ? Voici des pistes de solution résolument orientées vers l’action.

Le taux de transformation des entreprises vers le numérique, tous secteurs confondus, tourne en moyenne autour de 37 %, ce qui, tout bien considéré, est insuffisant. Certes, l’écart est élevé d’un secteur à l’autre : 62 % dans les médias et le divertissement, 55 % dans le commerce de détail, 32 % dans la construction automobile et 39 % dans les services financiers. Et dans le secteur des produits de grande consommation, ce taux atteint seulement les 31 %1. Quant aux champions du numérique, c’est-à-dire les entreprises qui en ont fait leur vecteur de croissance et de création de valeur par excellence, ils restent peu nombreux. Même certains secteurs comme l’industrie pharmaceutique font pâle figure2.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce blocage préjudiciable aux entreprises et aux perspectives qui s’offrent à un grand nombre d’entre elles, toutes tailles confondues. Nous allons ici énumérer et expliquer les plus importantes de ces raisons et, pour chacune d’elles, proposer des solutions simples et concrètes.

1 - La transformation numérique des entreprises n’est pas un choix : c’est un impératif

La reconfiguration des modèles d’affaires pour les adapter aux nouveaux comportements des marchés est une question de survie. On dit souvent – et avec raison – qu’il faut s’ubériser ou être ubérisé. C’est tout à fait vrai. En matière de numérique, la myopie n’est tout simplement pas une option.

2 - La transformation des modèles d’affaires ne doit pas se faire en fonction des nouvelles technologies de l’information et de la communication (les fameuses tic) mais en fonction des nouveaux comportements et des nouvelles attitudes que celles-ci entraînent dans leur sillage

Cette règle s’applique à tous les domaines sans exception : commerce entre entreprises et particuliers (B2C), commerce entre entreprises elles-mêmes (B2B), produits et services, etc. Ne vous laissez pas submerger par la technologie en tant que telle : vous allez vous y perdre. Gardez plutôt le cap sur les nouveaux comportements d’achat de vos consommateurs et de vos clients industriels ou institutionnels. En effet, ces nouveaux comportements sont eux-mêmes suscités par les nouvelles technologies. Ce qui compte, ce sont les ruptures comportementales. Elles sont fondamentales et seront permanentes.

3 - Lors de l’élaboration de votre canevas stratégique, prenez comme segment cible les « natifs » du numérique

Grosso modo – évitons de nous lancer une fois de plus dans des discussions à n’en plus finir sur les « milléniaux » (les générations X, Y et Z) –, prenez ces nouveaux consommateurs pour cible et adaptez vos modèles d’affaires à leurs attentes spécifiques. En 2017, ils sont maintenant majoritaires. C’est une simple question de démographie : les entreprises doivent s’y faire et agir en conséquence. Toute autre considération est caduque. Alors, écoutez-les et tenez compte de ce qu’ils vous disent.

4 - Intégrez ces natifs du numérique comme employés au sein de vos entreprises

La satisfaction des employés est corrélée avec celle de vos clients. Quant à celle-ci, elle aura un effet direct sur vos résultats financiers. Du coup, en matière de gestion des ressources humaines, vous devrez assimiler l’intégration intergénérationnelle entre les baby-boomers et les natifs du numérique. Ce n’est certes pas une chose facile, mais c’est inéluctable. Il est fort probable que vous aurez à embaucher et à intégrer des geeks pour pénétrer et occuper des marchés eux-mêmes composés de geeks. Si vous ne les comprenez pas, les dégâts seront de votre ressort, pas du leur, car ils sauront rebondir et trouver ailleurs ce qu’ils cherchent. La loyauté n’est pas leur qualité première et ils n’ont pas de temps à perdre. C’est donc vous qui resterez sur le carreau.

5 - Mettez l’accent sur l’expérience du client ou de l’utilisateur

À ce chapitre précis, la nouveauté vient du fait que la valorisation gagnante de l’expérience du client a de fortes chances de passer par des approches technologiques nouvelles telles que des applications, des vidéos, des jeux vidéo, etc. De plus, vous aurez à le faire en suivant le voyage décisionnel de votre client en cours de route. Apporter le bon contenu à la bonne personne, au bon moment et au bon endroit, c’est tout un défi !

6 - Ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain

Personne n’a dit que vous devrez forcément renier les valeurs fondamentales de votre entreprise et encore moins les particularités de votre marque. Par contre, dans la foulée de ce que nous venons de voir, il sera essentiel de comprendre que la différenciation de votre offre commerciale par rapport à celle de vos concurrents ne passera plus par la marque en tant que telle mais par la valeur perçue de votre expérience client. Et vous aurez sans doute à rajeunir votre image de marque sans vous mettre à dos votre clientèle actuelle. Il faut savoir marcher en équilibre sur un fil.

7 - Ouvrez vos territoires d’entreprise et restez agiles

Vous aurez à vous réinventer sans cesse. Le temps de la gestion en eaux calmes est révolu. C’est extrêmement exigeant et cela demande une énergie folle à tout moment. Il faut éliminer les raisonnements en silo et les territoires fermés ; il faut plutôt jouer la carte de la transparence. C’est la seule façon d’aller chercher l’engagement de ces « amis », sur Facebook par exemple, qui ne sont pas des consommateurs. Vous devrez apprendre à partager de la valeur avec tous les partenaires de votre entreprise, tout particulièrement avec vos clients. Au bout du compte, sans en être vraiment conscients, vos clients vont passer d’un canal à un autre et trouveront normal que cela se fasse en douceur, sans embûches, bref, que ce soit cool. Une stratégie omnicanaux, c’est exactement ça : on privilégie ainsi la perspective du client moderne et mobile.

Une étape par transformation

C’est donc le temps ou jamais de vous lancer. L’ampleur de la transformation de vos entreprises va dépendre du degré de vétusté de votre modèle d’affaires. Vous n’êtes pas forcément obligé de tout transformer de façon radicale et pouvez procéder étape par étape, en faisant revivre progressivement votre entreprise et en la mettant en communication avec ces nouvelles clientèles, notamment dans les médias sociaux, où vous ne pouvez plus être absents.

Vous devrez commencer par des activités périphériques avant de vous attaquer, si nécessaire, au cœur même de votre modèle d’affaires. Sachez que le marketing et la distribution, au dire de très nombreux dirigeants, sont les deux champs de transformation numérique privilégiés par les entreprises (49 % des cas), suivis par les produits et services (21 %) et les procédures d’affaires (14 %)3.

Dans tous les cas, ce sont les transformations numériques les mieux intégrées, à l’interne comme à l’externe, qui donnent les meilleurs retours sur investissement. Celles qui se font à l’emporte-pièce sont loin d’être rentables pour l’entreprise et peuvent même entraîner une diminution des ventes et des profits.

Évitez surtout de jeter le blâme à la transformation numérique. Elle a bon dos, mais elle ne doit pas servir à masquer des approches maladroites de votre part.

Il importe donc que vous mesuriez en toute objectivité votre quotient numérique et, s’il est trop bas, que vous fassiez en sorte de le renforcer au plus vite. C’est une question de gros bon sens et de survie. Alors, plus d’excuses : foncez avant qu’il ne soit trop tard !

Article publié dans l'édition été 2017 de Gestion


Pour aller plus loin

  • Dussart, C., Smart Transformation, Paris, Éditions Eyrolles, 2016, 128 p.

Notes

1 Bughin, J., Laberge, L., et Melibye, A., « The Case for Digital Reinvention », McKinsey Quarterly, février 2017.

2 Westerman, G., Bonnet, D., et McAffee, A., Leading Digital, Boston, Harvard Business Review Press, 2014, 304 p.

3 Bughin, J., Laberge, L., et Melibye, A., « The Case for Digital Reinvention », McKinsey Quarterly, février 2017.