Ceux qui tiennent les cordons de la bourse de nos entreprises auraient-ils trop de pouvoir?

C'est la question, ô combien pertinente, que formulait le magazine britannique The Economist en juin dernier, dans son article « The Imperial CFO ». On ne s'étonnera pas du pouvoir de plus en plus important que s'octroie, sciemment ou non, le directeur financier, en cette ère de néolibéralisme effréné, alors que la recherche du profit et des rendements sont aujourd'hui le maître mot de bon nombre de nos entreprises et de nos organisations.

Un rôle en pleine mutation

Il faut dire que la description de tâches du directeur financier a bien évolué depuis un demi-siècle. Exit, le scribe qui s'affairait simplement à équilibrer et à signer les états financiers de l'organisation au terme de l'année fiscale. Aujourd'hui, le directeur financier, nous dit The Economist, a vu ses fonctions et ses responsabilités se démultiplier. Certes, il a toujours la mainmise sur l'allocation des ressources financières et, à ce titre, les décisions qu'il prend quant à l'acceptation ou au refus d'un projet ou d'un financement quelconque ont des allures d'oukases. Toutefois, son rôle est aujourd'hui davantage stratégique. Le directeur financier fait bien souvent partie de la réflexion stratégique de l'organisation : il en oriente les contours et les paramètres à la lumière de sa connaissance de la situation financière de l'organisation et des possibilités futures que cette dernière laisse entrevoir. Qui plus est, le directeur financier est aussi devenu, au fil des ans et des décennies, un spécialiste des fonctions internes de l'organisation. Il en connaît de mieux en mieux les moindres rouages, soucieux de savoir où et comment sont utilisés les deniers de l'organisation. Son réseau d'influence et son pouvoir n'en font que s'accroître d'autant. Par ailleurs, la dimension externe du travail de directeur financier s'est également élargie, ce dernier ayant aujourd'hui à traiter avec un imposant faisceau de parties prenantes cruciales au devenir de l'organisations, telles les investisseurs potentiels ou les instances gouvernementales, pour n'en nommer que deux.


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Une bonne chose... ou pas?

La montée en force du directeur financier est un phénomène bien réel. Toujours selon les dires de The Economist, si la rémunération des directeurs financiers des entreprises inscrites au S&P500 demeure en moyenne encore inférieure à celle des PDG, les hausses de rémunération au cours des dernières années sont cependant à l'avantage des premiers. Autre signe qui ne saurait tromper quant à l'influence grandissante des directeurs financiers : près de la moitié des directeurs financiers des 350 plus grosses firmes de la planète siègent à d'autres conseils d'administration; ils étaient 36 % au début du présent millénaire.

Certains pourraient évidemment se féliciter de l'importance désormais prise par le directeur financier dans nos entreprises et dans nos organisations. Toutefois, rappelle The Economist, la durée en poste moyenne d'un directeur financier d'une firme américaine cotée en bourse est d'un peu plus de cinq ans, comparée à sept ans pour un PDG. De plus, la rémunération du directeur financier est souvent davantage liée à la performance de l'entreprise que celle des autres directeurs. Nous avons là les termes d'une équation (emploi à court terme + rémunération à la performance) dont la solution a parfois mené à des résultats dommageables par le passé...

Quoi qu'il en soit, le directeur financier continuera de jouer un rôle important dans le devenir de nos organisations et de nos entreprises, en espérant que ces dernières sauront mettre en place les garde-fous adéquats afin de se prémunir des abus quant à ce pouvoir nouvellement acquis.