De façon ubiquitaire, les enjeux reliés à la 4e révolution sont discutés (parfois débattus) et relayés à une échelle suffisamment grande pour avoir un impact significatif. Même si la plupart des associations du Québec représentant une industrie de façon verticale (ou en silo) clament haut et fort qu’il y a urgence concernant l’iniquité fiscale quant aux ventes en ligne (à raison), et demandent aux gouvernements d’agir prestement pour corriger la situation comme la France a pu le faire, il appert que la situation à embrasser est beaucoup plus complexe et vaste que le simple aspect « vente en ligne ». À titre d’exemple, le Parlement européen a invité certaines multinationales à venir s’expliquer sur leurs pratiques fiscales; de ce nombre, on retrouve Amazon, Google, Facebook comme on s’y attendait, mais aussi Ikea, Coca-Cola, McDonald’s, Disney, HSBC, Walmart, Airbus, etc. On est loin de la « simple » vente en ligne, vous en conviendrez.

 ...il y a urgence concernant l’iniquité fiscale quant aux ventes en ligne (à raison), et demandent aux gouvernements d’agir prestement pour corriger la situation... 

Si nos gouvernements doivent effectivement agir et se doter d’une stratégie concernant le numérique (ce qui est en cours, du moins au Québec), cette dernière doit aller au-delà de nos frontières et faire en sorte de protéger notre économie, de lui permettre de croitre, mais aussi d’accueillir d’autres économies venues d’ailleurs, de nouveaux modèles d’affaires, de nouvelles sources de revenus, le tout dans la bienveillance d’une province ou d’un pays. Cela va prendre temps, énergie et expertise.


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Énergie et expertise? Aucun problème, le Québec en regorge (mais encore faut-il bien les identifier). En revanche, nous n’avons pas le luxe du temps. Le phénomène de « l’accélération de l’accélération » si bien décrit dans le livre L’âge de la multitude de Nicolas Colin et Henri Verdier nous amène à celui du « darwinisme numérique », popularisé par Brian Solis, qui évoque tout simplement le fait que les technologies et les innovations évoluent à un rythme plus rapide que les modèles d’affaires des entreprises ne peuvent évoluer.

Les associations portent le flambeau et représentent un poids de lobbyiste non négligeable, faisant en sorte que les dossiers ont des chances d’aboutir – mais encore faut-il que ces dossiers soient efficients et constructifs (autrement dit, chères associations, n’hésitez pas à faire appel aux experts en numérique). Et n’oubliez pas tous les autres dossiers comme celui du fardeau des taxes foncières que les détaillants doivent payer directement ou indirectement, afin de remettre en contexte les 177 M$ de taxes non perçues en ligne. À ce sujet, il serait bon d’écouter un extrait de l’entrevue accordée par Gilles Fortin, propriétaire des magasins Tristan, entrevue passée sous le radar par faute de s’appuyer sur une machine en relations publiques.

 Il ne s’agit pas « d’adopter les technologies » [...]il s’agit de se T.R.A.N.S.F.O.R.M.E.R., de revoir intimement son modèle d’affaires, dans un contexte d’économie numérique 

La deuxième partie de l’équation porte donc sur la transformation de nos entreprises, soit leur passage vers la 4e révolution, et c’est le cœur de la réalité économique. Il ne s’agit pas « d’adopter les technologies » comme on l’entend trop souvent, donc de mettre à disposition un maximum de belles plateformes (au demeurant très performantes) ou de places de marché, même si ultimement il le faut, il s’agit de se T.R.A.N.S.F.O.R.M.E.R., de revoir intimement son modèle d’affaires, dans un contexte d’économie numérique, sans trahir ce qui fait le succès de son entreprise depuis des années. Autrement dit, il faut faire en sorte que ce passage soit naturel et se fasse sans heurts. Pour ce faire, plusieurs dimensions dans l’entreprise doivent être considérées sous l’angle numérique, comme les valeurs, le talent, les finances, la gouvernance, pour ne nommer que celles-là. Il est nécessaire de se poser systématiquement les questions suivantes :

  • En quoi le numérique peut-il générer de la valeur en interne et à l’externe pour mon entreprise?
  • Quelles sont les dimensions devant être priorisées dans ma transformation, afin d’améliorer ma performance financière et de me permettre de reprendre le contrôle de mon marché?
  • Quels sont les leviers à ma disposition pour créer un effet positif?
  • Quel leadership de gestion ou organisationnel dois-je adopter en fonction de l’ADN de mon entreprise?

Nos entreprises ont besoin d’être accompagnées (et au Québec, selon le CEFRIO, 45 % d’entre elles le reconnaissent), l’improvisation n’a pas sa place dans un contexte d’économie numérique, car la portée de ce genre de transformation est comparable aux ondes sismiques d’un mouvement tectonique. En intégrant cela dans nos esprits, les bases de tout passage vers une économie numérique seront ainsi solides. Il existe des moyens de le faire, avant même de penser aux solutions technologiques.