« Notre première raison d’être dans la vie est d’aider les autres. » Parole du dalaï-lama

Que ce soit au Change Management de Nouvelle-Orléans ou au C2 de Montréal, les grandes conférences de la première moitié de l’année 2017 nous auront martelé un mot : Purpose. Constamment sur les lèvres de la majorité des conférenciers, ce leitmotiv pourrait être traduit par « objectif » ou par « mission ». Nous ferons mieux encore en le traduisant par « raison d’être ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la raison d’être des entreprises… par opposition à la raison d’avoir, pourrait-on dire. Retour sur mes principaux apprentissages de deux conférences franchement éclairantes.

Lisa Earle McLeod est l’auteure de Leading with Noble Purpose: How to Create a Tribe of True Believers ainsi que de Selling with Noble Purpose. Simon Sinek a publié Start with Why et Leaders Eat Last. Chacun à leur manière, dans leurs mots et avec leurs métaphores, ils font l’éloge de ces dirigeants d’entreprises qui ne « gèrent » pas leurs troupes (personne n’a envie de se faire gérer), mais qui les « inspirent » en prenant des décisions qui mettent la raison d’être de leur entreprise au tout premier plan.

Simon Sinek : on ne se bat pas pour gagner, mais pour rester en vie

Simon Sinek fait une distinction très claire entre les entreprises qui se battent pour gagner, comme si elles existaient dans un temps déterminé avec une fin déterminée, et celles qui se battent pour rester en vie, dans un objectif de pérennité, sans égard au temps puisque seuls les acteurs qui y travaillent ont une durée de vie. Quand on crée une entreprise, on ne lui donne pas une date de fermeture : on la crée pour tout le temps. Cette distinction n’est pas anodine.

Alors que les premières ont davantage une pensée à court terme axée sur les résultats (du prochain trimestre, de l’année financière…), les secondes ont d’abord une pensée à long terme axée sur la stabilité et sur les gens. Les premières fonctionnent en mode réaction, se comparent à la concurrence, et si leurs décisions peuvent accroître leurs résultats à court terme, il est de plus en plus fréquent qu’à moyen ou à long terme elles finissent par se nuire à elles-mêmes et donner tristement lieu à des licenciements massifs, à des mesures de contrôle et autres « dégraissages ». Les secondes, que l’on pourrait qualifier d’entreprises « infinies », fonctionnement en mode pérennité et leurs décisions sont d’abord prises sur la base de leurs valeurs et de leur raison d’être.

Hayssen Sandiacre, un exemple parlant

Un exemple utilisé par Sinek est celui de la compagnie manufacturière de machinerie HayssenSandiacre. La première chose que Bob Chapman, PDG, a faite, lorsqu’il en a fait l’acquisition, c’est de prendre le temps d’écouter les employés. Il a réalisé que la plupart ne venaient travailler que pour leur paye. Pourquoi? Entre autres, parce que de nombreuses mesures avaient été mises en place pour contrôler le travail des employés d’usines : cloches pour marquer le temps de travail, punch clocks, étroite surveillance des pièces, etc.

Le climat était celui de la méfiance. Ils n’étaient pas consultés dans les décisions. Chapman a décidé d’inverser les choses. Après avoir aboli du jour au lendemain toutes les mesures de contrôle, pour que les employés en usine soient égaux aux employés de bureau, il a mené des discussions franches et directes avec tous les employés. En écoutant leurs ambitions et leurs motivations, il a constaté que les employés voulaient contribuer au succès de l’entreprise et que ça passerait par l’augmentation de leur autonomie.

L’instauration d’un climat de confiance a complètement changé les relations entre les employés eux-mêmes, puis entre les employés et les gestionnaires. Le sentiment d’appartenance qui en a découlé leur a tous donné une nouvelle raison de venir au travail. Avec le résultat que l’on devine : des revenus doublés en quelques années seulement. Et pour l’anecdote, dès le moment où les caméras de surveillance ont été retirées, le nombre de pièces brisées a chuté…

En 2008, lors de la récession, les commandes de machinerie ont baissé de 30 %. Chapman a réuni tous ses employés, incluant les gestionnaires, et leur a demandé de contribuer à une solution pour éviter des mises à pied en demandant à chacun (incluant les gestionnaires) quatre semaines de vacances à leurs frais. Les mises à pied étaient pour lui incompatibles avec sa définition de l’entreprise : l’entreprise est une grande famille dont le devoir est de protéger les siens. Non seulement les employés ont-ils accepté, mais ceux qui pouvaient se le permettre ont pris davantage que quatre semaines pour que les plus vulnérables puissent s’en sortir. Le climat de peur qui s’installe généralement en temps de crise a plutôt permis de renforcer le climat de confiance et d’amener de la solidarité, de l’entraide, de la reconnaissance et encore plus de loyauté.

Lisa Earle McLeod : changer le discours en le centrant sur le sens

Lisa Earle McLeod a interrogé des centaines de représentants, dans une compagnie pharmaceutique, afin de cerner les qualités les plus déterminantes d’un bon vendeur. Un jour, en accompagnant à l’aéroport l’une des représentantes de cette entreprise, elle lui demande à quoi elle pense durant les minutes qui précèdent un pitch de vente.

Sa réponse : « Je pense toujours à cette vieille dame qui, un jour que j’attendais à l’hôpital pour voir un médecin, est venue me voir parce qu’elle avait reconnu en moi la représentante des médicaments qui avaient complètement changé sa qualité de vie. Elle n’arrêtait pas de me remercier parce qu’elle pouvait vraiment apprécier la vie, parce que mon intervention avait fait toute la différence. » C’est cette jeune femme qui a mis McLeod sur la piste du Noble Purpose.

Au moyen de ses recherches, McLeod a pu faire valoir que les personnes qui ont ce sens du purposesont toujours les plus performantes au travail. Tous les dirigeants d’entreprises devraient en prendre bonne note : inspirer et mener ses équipes, ce n’est pas multiplier les rencontres pour parler des résultats financiers, mais pour discuter ensemble de ce qui est la raison d’être de l’entreprise, de ce qui change la vie de ses clients. Lors d’une autre étude, Lisa Earle McLeod a demandé à des enfants d’âge préscolaire ce que leur maman préférait faire dans la vie. Leur réponse : « faire le ménage et dormir ».

Pourquoi une telle perception? Parce qu’à la maison, leur maman parle surtout du ménage, de la vaisselle, des vêtements et des jouets qui traînent, répète sans cesse qu’elle passe son temps à tout ramasser pour les autres et qu’elle aimerait bien avoir la chance de dormir un peu plus à la place. Ce que nous enseigne cette étude est très clair : si les dirigeants d’entreprises ne parlent que de résultats et de productivité, jamais les employés ne se sentiront impliqués, jamais ils n’auront à cœur le succès de l’entreprise. Car ce qu’ils entendent n’est tout simplement pas le bon discours. On ne leur parle que de chiffres, ce qui n’a d’effet que sur leur feuille de paye.

Purpose, purpose et purpose

La vérité, c’est que les employés adhèrent moins à ce que vous faites qu’au pourquoi vous le faites. La preuve? Décrivez en deux minutes ce que vous faites comme travail, puis décrivez en deux minutes en quoi ce travail a un effet sur les autres. Que vous soyez un dirigeant d’entreprise ou un employé, le deuxième exercice vous passionnera et vous valorisera bien davantage que le premier : vous vous sentirez riche de sens et assurément vous en récolterez un retour sur investissement!