Article publié dans l'édition printemps 2017 de Gestion

Pour accroître sa compréhension des habiletés politiques, il est nécessaire de faire une lecture du contexte où l’influence sera exercée, de choisir des stratégies d’intervention, d’adopter certaines attitudes et de recourir à des pratiques susceptibles de produire l’effet recherché.

L’habileté politique, c’est avant tout l’art d’influencer les autres, de changer le cours des choses, d’amener des personnes à faire des choses qu’elles ne feraient pas ou feraient autrement. C’est se comporter de façon adroite, avec un savoir-faire qui implique d’user de jugement social, de faire preuve de sensibilité et d’avoir un sens de l’éthique. Sont considérées comme des habiletés politiques la capacité de faire la lecture d’une situation, d’argumenter, de convaincre, de négocier, de trouver des appuis, de choisir des alliés et de juger du bon moment de faire ou de dire certaines choses1.

Elle n’est en aucun cas de la manipulation, qui constitue une manœuvre destinée à tromper et dont les motifs cachés sont davantage centrés sur des intérêts personnels.


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Passer de l’autorité à l’influence

L’influence peut être confondue avec l’autorité. Or, il n’en est rien. L’autorité est la capacité d’une personne de modifier la conduite d’autres personnes selon son propre désir. L’autorité formelle est explicite et associée au poste occupé. Une personne peut cependant détenir une autorité formelle importante dans la hiérarchie officielle mais exercer une influence réelle moindre si elle a peu de crédibilité. L’autorité informelle est associée à la personne capable de faire preuve d’une autorité qui dépasse celle que lui confère son statut hiérarchique officiel dans l’organisation.

L’influence, c’est l’ascendant qu’une personne exerce au-delà de l’autorité qu’elle détient en vertu du poste qu’elle occupe. Influencer, c’est agir sur la volonté et le comportement d’une personne pour l’amener à faire un geste qu’elle ne ferait pas ou ferait différemment ; c’est le pouvoir social de quelqu’un qui amène les autres à se ranger à son avis. Les gens d’influence ont du pouvoir réel.

L’habileté à transformer l’autorité en influence repose sur l’obtention du consentement des autres d’une façon qui minimise leur résistance ou leur ressentiment – ou, mieux encore, d’une façon qui suscite leur collaboration.

Une influence liée aux caractéristiques personnelles

Au-delà du poste occupé, l’influence peut être associée aux caractéristiques personnelles suivantes :

  • La flexibilité : la capacité de choisir des moyens variés et appropriés pour atteindre ses objectifs.

  • La sensibilité aux autres : la capacité de comprendre leurs intérêts, leurs préoccupations et leurs attitudes et la facilité d’agir en conséquence.

  • La ténacité dans des projets jugés importants par les dirigeants, généralement interprétée comme un signe d’engagement.

  • La crédibilité, fondée sur la confiance que les gens accordent à ce que la personne dit et fait.

  • Le pouvoir d’attraction personnel associé au charisme, son ascendant naturel et sa désirabilité sociale.

  • L’expertise : les connaissances et les habiletés liées à la formation reçue et à l’expérience acquise.

  • La compétence à négocier et à convaincre.

  • La capacité de faire une lecture adéquate des situations sociales.


Savoir lire une situation

La lecture d’une situation n’est pas simple. Reconstituer et interpréter l’ensemble des facteurs, tant individuels qu’organisationnels, tant formels qu’informels, qui constituent la réalité sociale d’une organisation constituent une analyse complexe.

Les éléments formels, notamment la structure organisationnelle et la technologie en place, présentent une certaine prévisibilité : ils sont plus faciles à décoder et à interpréter. Les éléments informels sont diffus, donc plus difficiles à lire et à interpréter. Ils sont liés entre autres aux mentalités, aux valeurs, aux liens personnels, aux intérêts et aux ambitions des personnes et des groupes. Une lecture réaliste s’appuie sur le fait que tout n’est pas logique et rationnel dans le fonctionnement des organisations.

Au-delà des objectifs généraux et sectoriels susceptibles de rallier les personnes et les groupes, il est tout à fait légitime que des personnes luttent pour faire passer des idées et des projets et pour obtenir une part appropriée des ressources, nécessairement limitées. Nous allons maintenant voir quelques éléments qui peuvent caractériser une situation et qui aident à comprendre les relations de pouvoir et d’influence.

Les éléments associés à la structure de l’organisation

  • Certains titres conférés aux personnes ont-ils une signification particulière ? (Exemple : le titre de responsable des projets spéciaux concerne-t-il des projets importants associés au développement de l’organisation, donc à portée stratégique, ou s’agit-il d’un titre bidon ?)
  • Quel est le niveau d’une activité dans la structure et que peut-on en déduire ? (Exemple : le fait que la fonction « ressources humaines » d’une organisation ne soit pas en relation directe avec le PDG alors que son discours officiel souligne sa grande importance stratégique pour l’organisation.)
  • Comment caractériser les relations entre le siège social et les bureaux régionaux ? (Exemple : le degré de centralisation de certaines fonctions et de certaines activités.)
  • Le respect des rôles et des responsabilités des personnes est-il valorisé par les dirigeants ? (Exemple : que faire lorsque le court-circuitage des rôles intermédiaires de gestion est une pratique courante ?)

Les éléments associés aux groupes et aux personnes

  • Quelles sont les principales alliances au sein de l’organisation ? Qui en fait partie et quels intérêts ces personnes représentent-elles et défendent-elles ?

  • Dans les interactions entre les personnes, que peut-on observer de particulier ? Qui rencontre qui au travail et à quel sujet ?

  • De qui faut-il obtenir de la coopération pour réaliser un projet précis ? Comment cibler le groupe ou la personne qu’il faudra influencer ? Où sont les alliés et les appuis possibles pour ce projet ?

  • Quel est le degré d’ouverture du groupe susceptible d’être concerné par l’initiative envisagée ? Cette initiative est-elle susceptible de mettre ce groupe sur la défensive ?

  • Quels risques et quels avantages y a-t-il à s’associer à tel groupe ou à telle personne ?


Pour aller plus loin

  • Whetten, D. A., et Cameron, K. S., Developping Management Skills (neuvième édition), Upper Saddle River (New Jersey), Prentice Hall, 2015 (chapitre 5 : « Gaining Power and Influence »).
  • Harel-Giasson, F., « Les habiletés politiques : sans elles, point de salut ! », revue Gestion, HEC Montréal, vol. 18, n° 4, novembre 1993, p. 46-50.

Note

1. Adapté de Francine Harel-Giasson, « Les habiletés politiques : sans elles, point de salut ! », revue Gestion, HEC Montréal, vol. 18, n° 4, novembre 1993, p. 46-50.