Article publié dans l'édition Été 2020 de Gestion

Cinq questions stratégiques pour réussir après la crise

Puisque la pandémie de coronavirus n’a pas l’effet d’une simple parenthèse sur l’économie, les stratégies d’entreprise doivent être revues, écrit Julien Jourdan, professeur à l’Université Paris-Dauphine. Il propose une méthode en cinq points :

1) Dans quelle arène évoluez-vous ?

Pour savoir où concentrer leurs forces, les entreprises doivent anticiper le paysage concurrentiel après des mois de confinement et de fermeture des frontières. « Faites des scénarios, confiez-en la mise à jour à différentes équipes et orchestrez des débats contradictoires », écrit M. Jourdan.

2) Quelle valeur unique apportez-vous ?

La réponse à cette question clé met en lumière les raisons pour lesquelles un client choisit une entreprise plutôt que sa concurrente. Cela tiendra-t-il toujours dans le monde d’après?

3) Comment livrez-vous cette valeur unique ?

Même si l’entreprise détient des ressources rares et maîtrise des compétences difficiles à imiter, il faut résister à la tentation de ne rien changer. Les organisations qui survivront à la pandémie auront su s’adapter.

4) Comment protégez-vous votre position ?

En période de crise, si une entreprise est profitable, elle attisera les convoitises. « Une seule option : continuer à innover », écrit M. Jourdan.

5) Quelle est la meilleure trajectoire à long terme ?

Si, dans l’après-crise, une entreprise n’existe plus, que manquera-t-il au monde? La réponse à cette question détermine le maintien ou non de la légitimité sociale de l’entreprise et donc sa survie, estime le professeur.

Source : Jourdan, J., « Après-crise : cinq questions pour réévaluer la stratégie de votre entreprise », The Conversation, 20 avril 2020.

Comment gérer les risques du retour au travail ?

Comment réintégrer les membres du personnel à leur milieu de travail? La réponse a le potentiel d’aggraver la contagion, voire d’entraîner la mort de travailleurs, écrit Edward D. Hess, un ancien cadre aujourd’hui professeur à l’école de gestion Darden de l’Université de Virginie. Les dirigeants sont-ils préparés à prendre une décision aussi lourde de conséquences?

Le professeur Hess prône l’élaboration d’un plan d’action détaillant la manière de rouvrir les lieux de travail de façon sécuritaire : « La réorganisation des processus et des lieux va exiger des investissements et réduire la productivité, écrit-il. Mais vous devez protéger la santé de vos employés. » Edward D. Hess esquisse quelques pistes pour réaménager notamment les environnements et les pratiques de travail afin d’éviter la propagation de la COVID-19, potentiellement transmissible par des personnes asymptomatiques.

Ainsi, offrirez-vous des tests de dépistage quotidiens ou obligerez-vous tous vos employés à faire prendre leur température chaque jour? Instaurerez-vous des horaires décalés pour les arrivées, les départs et les pauses? Permettrez-vous les rencontres avec des clients externes? Si oui, à quelles conditions? Imposerez-vous des protocoles pour le lavage des mains et pour la limitation des déplacements dans les aires communes?

Le statu quo n’est pas envisageable et les risques ne s’estomperont pas à court terme.

Source : Hess, E. D., « Managing the big risk of bringing your employees back to work », Chief Executive, 15 avril 2020.

Résilience et autonomie : deux piliers pour traverser la crise

À la fin du mois de février 2020, après des semaines de confinement massif, la Chine a entrepris de faire redémarrer son économie. Le conglomérat chinois Haier a été un des premiers à relancer sa production. Pourquoi cette société était-elle fin prête à se remettre au travail dès l’annonce de l’autorisation à reprendre les activités ? Les professeurs Howard Yu et Mark J. Greeven, de l’International Institute for Management Development, en Suisse, ont lancé quelques pistes dans un article récent.

Depuis plusieurs années, le plus grand fabricant d’électroménagers au monde a élaboré une structure organisationnelle constituée d’une multitude d’unités indépendantes, ce qui représente un énorme avantage en temps de crise. Pour transformer la culture de l’entreprise, son PDG, Zhang Ruimin, avait lancé un ultimatum à ses gestionnaires en 2012 : « Agissez en entrepreneurs ou partez. » Haier avait alors été scindée en 4 000 micro-entreprises composées de 10 à 15 employés et bénéficiant de suffisamment d’autonomie pour contrôler elles-mêmes leur production. Or, dans leur article, les professeurs Yu et Greeven mentionnent qu’Haier s’est mise à coordonner ces équipes sans toutefois les diriger.

Pendant la première vague du coronavirus, les micro-entreprises ont poursuivi leurs activités en gérant leurs chaînes logistiques. « En février, Haier a ainsi réussi à exécuter 99,8 % de ses commandes malgré la présence de ses fournisseurs sur les continents américain, asiatique et européen », expliquent-ils.

Certes, des transformations organisationnelles d’une telle ampleur ne se font pas du jour au lendemain. Toutefois, les entreprises sont en mesure de faire des ajustements afin de mieux traverser la crise. Elles peuvent notamment démocratiser la prise de décisions en créant des équipes transversales composées de membres de divers services. Les dirigeants doivent avoir confiance en ces équipes afin qu’elles jouissent d’une autonomie optimale.

Les organisations peuvent aussi confier à un gestionnaire la tâche de résoudre un problème spécifique en y associant un budget et un échéancier. Tout cela, rappellent les auteurs, n’est possible qu’avec une stratégie de communication transparente et efficace, soutenue par des outils de collaboration bien choisis.

Source : Yu, H., et Greeven, M. J., « How autonomy creates resilience in the face of crisis », MIT Sloan Management Review, 23 mars 2020.

Deux mantras pour dirigeants d’entreprise

Ex-PDG de la pharmaceutique américaine Baxter International, Harry Kraemer enseigne aujourd’hui à la Kellogg School of Management de l’université Northwestern, dans la région de Chicago. Il propose deux principes, qu’il qualifie de mantras, pour aider les dirigeants d’entreprise à tout traverser, même le pire.

Agissez de votre mieux et pour le mieux. Entourez-vous de gens dont les valeurs correspondent à celles de l’organisation, conseille M. Kraemer. Ensemble, vous prendrez les bonnes décisions et établirez le meilleur plan d’action qui soit.

Dites à vos employés ce que vous savez et ce que vous ne savez pas, et annoncez-leur le moment où vous prévoyez discuter de ce que vous ignoriez. Harry Kraemer rappelle que les leaders réussissent non seulement à percevoir les problèmes mais aussi à « les éclairer afin que tous puissent les analyser ».

Source : Love, J., « Two principles for leading your organization through the COVID-19 crisis », Kellogg Insight, 19 mars 2020.