Article publié dans l'édition printemps 2019 de Gestion

Précarité d’emploi : un phénomène permanent ?

Un rapport scientifique récemment publié en Irlande tire la sonnette d’alarme à propos de trois tendances inquiétantes du « travail précaire », défini par l’imprévisibilité des revenus, par l’instabilité de l’emploi et par un accès limité ou inexistant à la sécurité sociale.

Une progression inquiétante

La progression du travail précaire touche désormais les secteurs traditionnels d’emploi en plus d’affecter les immigrants et les jeunes. Cette tendance inquiétante caractérise de plus en plus le marché du travail.

Le travail précaire mène à une vie précaire.

L’insécurité économique expose les travailleurs non seulement aux privations matérielles mais aussi à une dégradation de leur santé en limitant l’accès aux biens et services de première nécessité (nourriture, soins de santé, garde d’enfants, logements à loyer abordable, formation, soins personnels, etc.).

Le travail précaire fait vieillir la population des sociétés. En effet, des conditions de travail imprévisibles dissuadent d’avoir des enfants.

La progression de l’insécurité économique suscite ainsi le vieillissement collectif.

Recommandations légitimes

L’auteur de ce rapport recommande notamment l’adoption des mesures suivantes :

  • protéger le contrat de travail standard ;
  • légiférer pour interdire les contrats qui ne garantissent pas un nombre minimal d’heures hebdomadaires de travail ;
  • payer les heures de travail réelles des employés ;
  • introduire une « indemnité de précarité » pour les firmes trop dépendantes des contrats temporaires ;
  • donner une définition juridique stricte du travail indépendant.

Source : Pembroke, S., « Precarious Work, Precarious Lives – How Policy Can Create More Security », Fondation européenne d’études progressistes et Think-Tank for Action on Social Change (TASC), novembre 2018, 122 pages.

L’évolution linguistique ailleurs et ici

France : chef, chèfe, cheffesse, cheftaine ou chève ?

Alors que l’Académie française se résigne peu à peu à féminiser certains noms de métier dans la mesure où « il n’existe aucun obstacle de principe », la forme féminine du mot chef heurte toujours les oreilles des académiciens. Gardiens du « bon usage » de la langue française, ils admettent que les métiers manuels se féminisent mieux que les professions au sommet de l’échelle sociale !

Source : « L’Académie française se résout à la féminisation des noms de métier », Le Monde, 28 février 2019.

Québec : la lutte contre la langue « genrée »

Écrivaine, auteure ou autrice ? Enseignants ou communauté enseignante ? Femmes chefs ou cheffes d’orchestre ? Ce débat linguistique est dans l’air du temps : la langue française est-elle neutre ? Alors que certains soutiennent l’égalité du masculin et du féminin en français, d’autres dissocient le genre d’un nom (masculin ou féminin) du genre sexué des personnes. Au-delà de la lutte féministe pour la reconnaissance des titres professionnels, la tendance est à l’utilisation de termes dits épicènes (neutres ou collectifs), par souci d’égalité et d’inclusion, conformes aux recommandations de l’Office québécois de la langue française.

Sources : Galipeau, S., « Le masculin ne l’emporte plus sur le féminin » et « Autrices et fières de l’être », La Presse, 13 et 26 février 2019 ; Delainey, M.-L., « Femmes cheffes d’orchestre : changer les mentalités une note à la fois », Radio-Canada, 31 mars 2018.

13 000 milliards $ US

C’est le montant de la dette contractée sous forme d’obligations par les entreprises du monde entier en 2018. En dix ans, la dette obligataire mondiale a doublé, constate l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Un tiers de cette dette devra être remboursé ou refinancé d’ici la fin de 2021.

Source : « L’OCDE met en garde contre la montée des risques sur le marché de la dette des entreprises », Le Figaro, 25 février 2019.

Encore un effort !

Selon une étude de l’université d’Oxford sur la performance des employés, les travailleurs évalués aux derniers rangs du classement réagissent en augmentant substantiellement leurs efforts comparativement aux travailleurs informés d’une performance jugée moyenne. Chose étonnante, ceux qui se sont classés aux premiers rangs font de même. Pour stimuler l’effort du plus grand nombre, les chercheurs recommandent de former de petits groupes de travailleurs afin d’établir des comparaisons et de réduire le nombre de rangs. Ils proposent aussi de réunir les travailleurs dotés d’aptitudes similaires afin qu’ils aient les mêmes chances d’atteindre les rangs supérieurs.

Source : Gill, D., Kissová, Z., Lee, J., et Prowse, V., « First-Place Loving and Last-Place Loathing : How Rank in the Distribution of Performance Affects Effort Provision », Management Science, février 2019.

Les petits cadeaux font les bons clients

Offrir un cadeau somptueux fait souvent courir le risque d’un conflit d’intérêts. Mais qu’en est-il de l’effet des petits cadeaux sur les relations entre commerçants et clients ? Deux chercheurs suisses ont mené enquête au sein d’une multinationale de produits de consommation. Résultat : en moyenne, les représentants commerciaux génèrent des revenus deux fois plus élevés, voire davantage, lorsqu’ils présentent un petit cadeau au début des négociations.

Source : Maréchal, M. A., et Thöni, C., « Hidden Persuaders : Do Small Gifts Lubricate Business Negotiations ? », Faculté d’économie de l’Université de Zurich, document de travail n° 227, mai 2018.

Au cœur de la crédibilité des leaders

Certes, la crédibilité des dirigeants dépend de la façon dont leur compétence et leur fiabilité sont perçues. Mais quels comportements cette perception suscite-t-elle ? Des chercheurs chinois et américains en ont relevé six : ils sont tournés vers l’avenir ; ils accroissent les revenus de l’organisation ; ils valorisent les employés ; ils prennent des initiatives ; ils communiquent efficacement ; ils acquièrent des connaissances et de l’expérience.

Source : Chng, D. H. M., Kim, T.-Y., Gilbreath, B., et Andersson, L., « Why People Believe in Their Leaders – or Not », MIT Sloan Management Review, automne 2018.

IA : la nouvelle ruée vers l’or ?

La lancée des start-ups en IA

L’Artificial Intelligence Index, publié chaque année par l’université Stanford, confirme la frénésie dans le domaine de l’IA : rien qu’aux États-Unis, la création d’entreprises en démarrage spécialisées en solutions technologiques a augmenté de 113 % de 2015 à 2018. Or, par comparaison, le nombre total de nouvelles start-ups a crû de 28 %.

L’index AI a été conçu dans le cadre de la « One Hundred Year Study on AI » (A I 100).

Source : AI Index 2018 Annual Report, université Stanford, 2018, 94 p


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Réalité ou leurre ?

D’après le rapport The State of AI publié par la société d’investissement londonienne MMC Ventures, 40 % des start-ups européennes en intelligence artificielle n’utilisent aucune technologie assimilable à l’IA, bien qu’elles prétendent élaborer des programmes d’apprentissage automatique, utiliser des réseaux neuronaux ou faire de la reconnaissance d’images. Cette enquête a été réalisée auprès de 2 830 start-ups européennes soi-disant spécialisées en IA. Un leurre destiné à attirer les investissements ?

Sources : The State of AI – Divergence 2019, MMC Ventures ; Braun, E., « 40 % des start-ups européennes d’intelligence artificielle n’utilisent pas d’intelligence artificielle », Le Figaro Tech, 6 mars 2019.

L’envers du décor technologique

Au coeur d’une concurrence mondiale effrénée, l’utilisation de l’IA serait largement surestimée, selon certains experts. Elle passerait ainsi sous silence le travail de millions de travailleurs invisibles du numérique. Il y aurait entre 45 et 90 millions d’« ouvriers du clic » précaires dans le monde, dont les tâches principales consistent à construire des sites, à commenter, à abonner des clients, à ouvrir des comptes et à vérifier le contenu du Web mondial.

Source : « Ces millions de travailleurs invisibles du numérique », Le Figaro, 14 avril 2017.