Dans le pays qui a vu naître le téléphone et qui se targue d'être à la fine pointe de la technologie en matière de téléphonie cellulaire, il demeure étonnant de constater qu'en matière de tarifs pour ce service, le Canada fait véritablement piètre figure lorsque l'on compare aux grandes économies du G7. C'est le surprenant constat auquel en arrive la firme Nordicity, dans son rapport intitulé « Étude 2016 de comparaison des tarifs des services de télécommunication offerts au Canada et à l'étranger », préparé pour le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), l'organisme chargé de veiller sur le domaine des télécommunications au pays.

Les faits

L'enquête menée par Nordicity révèle en effet que le pays trône au sommet de ce classement peu enviable, et de loin. Comme en fait foi le tableau ci-contre, pour un forfait minimal de 150 minutes, il en coûte donc en moyenne 41,08 $ par mois au Canada, soit 12,02 $ (+ 41,4 %) de plus qu'un forfait identique au Japon. L'effort financier demandé aux Canadiens est donc près de deux fois et demie plus important que ce qui est demandé aux habitants de l'Allemagne. Les choses s'améliorent un tant soit peu si l'on augmente la taille du forfait. Ainsi, pour 450 minutes de conversation et 300 textos, les Canadiens doivent s'attendre à débourser en moyenne 48,77 $, ne cédant le pas qu'aux États-Unis (51,64 $) et au Japon (48,78 $). Et pour un forfait comprenant 1 200 minutes de conversation, 300 textos et un gigaoctet de données, les Canadiens seront mensuellement soulagés de 74,67 $, comparativement aux 89,72 $ exigés au pays du Soleil levant. Mince consolation, s'il en est une : les tarifs canadiens pour la téléphonie fixe sont parmi les plus bas parmi les membres du G7...

La particularité canadienne?

La question se pose dès lors : pourquoi de tels tarifs et une telle position à l'échelle mondiale? Il faut dire que la question revient périodiquement sur le tapis du CRTC, et ne manque pas de susciter d'âpres débats auprès des différents acteurs de ce domaine d'affaires.

D'un côté, les citoyens et les associations de consommateurs décrient la situation d'oligopole qui, à leurs yeux, prévaut au Canada, dans un marché qui est dominé par les trois grands de la téléphonie cellulaire que sont Rogers, TELUS et Bell. Qui peut leur donner tort, quand on sait que ces trois géants contrôlent 90 % du marché? Le précédent gouvernement conservateur de Stephen Harper (2006-2015) s'était d'ailleurs donné comme mission de faire entrer un quatrième joueur au sein du marché canadien, dans l'espoir d'engendrer un mouvement à la baisse sur les prix. Il fut un temps question de l'américaine Verizon, qui a toutefois passé son tour pour cette fois-ci. Toutefois, les deux dernières enchères d'ondes hertziennes mise sur pied par le CRTC ont eu un succès mitigé : la plupart des nouveaux joueurs entrés sur le marché canadien ont éventuellement été absorbés par les trois grands...

De l'autre côté, les entreprises du domaine, regroupées au sein de l'Association canadienne des télécommunications sans fil (ACTS), expliquent que les tarifs élevés sont essentiellement le fait des investissements massifs afin de doter le pays d'une infrastructure de téléphonie cellulaire d'avant-garde. De fait, l'ACTS affirme avoir dépensé près de 40 milliards de dollars entre 1985 et 2014 afin de maintenir et d'améliorer le réseau. Il faut dire que les joueurs de l'industrie offrent une couverture à presque la totalité des habitants du pays (99 %) et que la norme actuellement la plus évoluée (LTE, pour Long-Term Evolution, parfois aussi appelée 4G) est accessible à 93 % des Canadiennes et des Canadiens. Toujours selon l'ACTS, le pays arrive au second rang quant au nombre de réseaux employant la norme LTE. La taille restreinte du marché, le Canada comptant tout près de 29 millions d'abonnements à des services de téléphonie cellulaire, et l'étendue géographique sont aussi évoquées par les entreprises du domaine pour expliquer les tarifs exigés à leurs clients.

Qui dit vrai? Qui a tort? La vérité se situe probablement entre les deux positions! D'ici à ce que l'on trouve les réponses à ces interrogations, les Canadiennes et les Canadiens continueront de payer cher pour être à l'avant-plan de la technologie en matière de téléphonie cellulaire...