Diagnostic publié dans l'édition automne 2018 de Gestion

Pour contrer l’oubli provoqué par la succession ininterrompue des nouvelles quotidiennes, Gestion décortique les enjeux qui se cachent derrière les grands titres.

Le système de paie Phénix du gouvernement fédéral et les ratés qu’il a subis défraient les manchettes depuis bientôt deux ans. Ce n’est toutefois pas le logiciel lui-même qui est en cause mais bien ce qu’on lui a demandé d’effectuer. Le projet a créé un monstre de complexité dont l’échec était prévisible.


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Pourtant, Ottawa avait opté pour un logiciel de gestion des ressources humaines qui a fait ses preuves et que de très nombreuses organisations utilisent : PeopleSoft. Le gouvernement a cependant poussé les capacités de ce logiciel au-delà des limites de ce qu’il peut accomplir. L’optimisme et la sous-estimation du degré de difficulté des projets sont des pièges courants dans le domaine des technologies. Les systèmes de paie, malgré ce qu’on peut imaginer, sont loin d’être simples et comportent un nombre colossal de règles. À titre d’exemple, une organisation nationale doit tenir compte des normes en vigueur dans chaque province où ses salariés travaillent. Le gouvernement fédéral doit de surcroît intégrer toutes les clauses de 105 conventions collectives. Avec Phénix, on a ainsi voulu inclure plus de 80 000 règles de paie dans un même système d’exploitation.

En général, les projets à grande échelle sont scindés en plusieurs petits morceaux. On révise également les processus afin de les simplifier. Or, la simplification d’un aussi grand nombre de règles de paie afin de créer un système qui les a toutes centralisées équivalait essentiellement à une mission impossible. Pour réussir, Ottawa aurait pu décider de traiter les paies de façon décentralisée, par exemple par secteur ou par mission de l’État (santé, justice, éducation, etc.). Le système Phénix aurait alors très bien pu fonctionner.

Le gouvernement fédéral doit régler le problème créé par l’implantation de Phénix. On évoque maintenant la conception d’un nouveau système. Des leçons importantes doivent toutefois être tirées avant de recommencer. Ottawa devra notamment changer son approche centralisatrice et ne pas sous-estimer l’immense complexité de cette tâche.