Stéphane Germain, fidèle à sa mission
2024-09-17
French
https://www.revuegestion.ca/stephane-germain-fidele-a-sa-mission
2024-09-12
Stéphane Germain, fidèle à sa mission
Leadership , Management , Entretien
Photo : Maude Chauvin
Fondée en 2011, la société GHGSat fournit des données exploitables sur les émissions de gaz à effet de serre à ses clients à travers le monde, afin de les outiller pour réduire leur empreinte écologique. L’entreprise montréalaise qui déploie ses satellites de détection vient d’être classée par le Financial Times parmi les sociétés ayant le plus fort potentiel de croissance en Amérique en 2024. Trajet d’une comète étonnante.
Stéphane Germain s’est régulièrement placé lui-même en situation d’inconfort, en quête d’apprentissage et de découverte afin de développer les compétences nécessaires au destin qu’il entendait suivre. Enfant studieux et doué qui assemblait ses blocs Lego pour construire des stations spatiales, il s’est entièrement consacré à ses études jusqu’à son entrée à l’université en génie physique. «Je me souviens clairement de ce moment où je me suis dit que je devais faire un choix : soit je travaillais très fort pour demeurer premier de classe, soit j’élargissais mes expériences au-delà des études pour façonner mon leadership.»
Il raconte que, très jeune, il savait déjà qu’il voulait travailler dans le milieu spatial pour améliorer la vie sur Terre. Il savait aussi qu’il voulait être entrepreneur. Ces objectifs allaient le guider tout au long de sa carrière. «Il a fallu des décennies, sans exagérer, pour arriver à la naissance de GHGSat», déclare le fondateur, qui s’est sans cesse mis au défi, désireux d’ouvrir la voie. «J’ai toujours travaillé avec des gens fascinants, j’ai toujours aimé ce que je faisais. Pourtant, j’ai plusieurs fois quitté un job où je gagnais très bien ma vie, parce que je savais qu’il ne correspondait pas à mon but ultime. J’ai pris de nouveaux risques. Ça fait peur, prendre des risques, mais c’est ce qui permet de se construire. Il ne faut jamais perdre de vue son objectif.»
Des drones aux satellites
Or, les risques entraînent parfois des pertes financières considérables. Pour Stéphane Germain, ils servent invariablement l’apprentissage. Ainsi, GHGSat est la troisième entreprise de l’homme d’affaires. Avant, il y a eu une entreprise de drones, qu’il a dû se résoudre à fermer en 2015. «Notre domaine est exposé en permanence au risque qu’une nouvelle technologie en remplace une qui existe déjà. C’est ce qui est arrivé avec les drones. À l’époque, notre technologie nous donnait un bon contrôle du marché canadien. Puis, une entreprise chinoise a développé un nouveau type de drone et le marché a changé du tout au tout en peu de temps, réduisant les coûts d’exploitation de 90% et offrant une excellente qualité d’image. En moins de deux ans, cette technologie a révolutionné ce que nous faisions et nos services n’étaient plus viables», explique-t-il.
L’entrepreneur avoue qu’encore aujourd’hui, il pense régulièrement à cette expérience. Réputée à l’échelle internationale, GHGSat offre des services professionnels aux plus grandes organisations du monde grâce à ses satellites. «Il est toutefois possible que l’an prochain ou dans cinq ans, une nouvelle technologie fasse chuter les coûts de lancement, par exemple. Ou que de nouveaux satellites plus performants puissent nous remplacer. Il y aura toujours de la concurrence, mais j’adore ce défi! Ça me motive.»
Si la création de GHGSat a mis du temps à aboutir, c’est parce qu’elle exigeait le bon contexte, c’est-à-dire des conditions technologiques, sociales et personnelles favorables. En 2000, Stéphane Germain avait déjà une feuille de route impressionnante. Il avait travaillé quelques années chez Spar Aérospatiale, puis comme consultant pour Bain & Company, et il avait participé au développement de réseaux satellitaires. Puis, à l’aube de la quarantaine, sentant l’urgence de faire le grand saut, l’ingénieur investit ses économies dans l’achat d’une entreprise existante, Xiphos, qui œuvre dans le domaine de la technologie spatiale. «Cette plateforme me donnait une vue sur les diverses possibilités. Ce n’était pas encore GHGSat, et il y a aussi eu entre-temps l’entreprise de drones pour la surveillance des sites d’enfouissement.» Un plan émerge alors, soutenu par cette première entreprise qui favorise en parallèle le développement de cette idée qui consiste à utiliser des satellites pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant de sites industriels. Après des centaines d’appels pour valider l’intérêt de clients potentiels, il ne restait qu’à trouver le financement.
Une détection ciblée et efficace des GES
Si les personnes de son entourage trouvaient son projet fort ambitieux, Stéphane Germain était convaincu du potentiel de cette entreprise. «La technologie était mûre, tant au niveau de la miniaturisation que de la précision et des coûts. Il y avait aussi un besoin fondamental : l’urgence d’agir en raison des changements climatiques. Des clients étaient prêts à acheter nos services. Je me suis donné six mois pour trouver le financement manquant, que j’ai obtenu auprès de Technologies du développement durable Canada.»
GHGSat lance en 2015 son premier microsatellite capable de mesurer la concentration dans l’air de GES. L’entreprise est alors la première à pouvoir traquer avec exactitude les émissions des sites industriels à travers le monde.
Aujourd’hui, forte de son équipe de 150 personnes, GHGSat offre un service de télédétection et de traduction analytique de données que pourront utiliser ses clients pour travailler avec des partenaires à réduire leurs émissions. «Au quotidien, nous détectons les deux principaux GES : le dioxyde de carbone, produit par la combustion fossile, dont les dizaines de milliers de sites à travers le monde sont bien répertoriés, et le méthane, dont les fuites sont beaucoup plus difficiles à repérer parce que c’est un gaz inodore et incolore. Ce qu’on sait moins, c’est que les émissions de méthane, à court terme, sont presque aussi dommageables pour le climat que le CO2. Les sources les plus importantes de méthane proviennent des industries pétrolières, des sites d’enfouissement, des mines de charbon et de l’agriculture. Des entreprises nous engagent pour surveiller leurs installations et localiser les fuites afin de les réparer le plus rapidement possible. Pour elles, au-delà de l’enjeu éthique de taille et de l’impact sur leur réputation, perdre du méthane, qui est un gaz naturel, c’est perdre de l’argent qui s’évapore dans l’espace», conclut l’entrepreneur.
Qui est Stéphane Germain?Stéphane Germain s’est impliqué activement dans l’association étudiante du Département de génie physique de l’Université Queen’s, où il a occupé diverses fonctions et bâti son réseau. Après avoir obtenu son baccalauréat, il travaille comme chef de projet chez Spar Aérospatiale, où il consolide son expérience pratique dans le domaine. Il complète ensuite un MBA à l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD), en France, et se joint à l’équipe de Bain & Company, une société internationale d’experts-conseils stratégiques, à titre de consultant. Là, il observe les leaders. «Il y a des styles autocratiques et, à l’opposé, des styles plus rassembleurs. Cela m’a permis d’analyser les forces et les faiblesses de chaque style et de définir le mien.» Lorsqu’il s’adresse à des jeunes qui se trouvent en début de parcours, il les encourage à performer dans leurs études, mais, surtout, à saisir toutes les occasions de se mettre au défi, à participer à des compétitions, à se joindre à des activités d’équipe, à sortir de leur zone de confort. En 2023, l’entrepreneur se retire entièrement de Xiphos pour se consacrer exclusivement aux activités de GHGSat. L’année suivante, il se retrouve sur la liste TIME100 Climate, qui répertorie les 100 dirigeants les plus influents dans la lutte contre les changements climatiques. |
Article publié dans l’édition Automne 2024 de Gestion
Leadership , Management , Entretien