Article publié dans l'édition Hiver 2020 de Gestion

Le gestionnaire joue un rôle clé dans la mobilisation de son équipe. Grâce à son influence et à sa capacité à agir comme modèle, un bon leader sait inspirer ses employés et faire éclore leur plein potentiel. Mais que faire quand certains d’entre eux sous-performent ? Peut-on tolérer cette situation ou doit-on intervenir ?

Si les bienfaits du travail collectif ne sont plus à démontrer, le fonctionnement en groupe comporte cependant son lot de défis. Toute organisation est composée de trois groupes de personnes : celles qui se dévouent avec générosité, celles qui surfent sur la vague créée par l’effort collectif et celles – la majorité – qui évoluent entre ces deux pôles.


LIRE AUSSI : « La jungle des théories de la motivation au travail »


À qui les gestionnaires doivent-ils accorder leur attention ? À tous leurs employés, mais de différentes façons. S’il est facile de mobiliser une personne dévouée et s’il est possible de rallier la plupart des membres du personnel, tenter de motiver un « surfeur » représente parfois une tâche titanesque. Dans cet article, nous défendons la position suivante : la mobilisation des employés d’une organisation n’est pas viable à long terme sans une gestion serrée et judicieuse de la sous-performance.

L’importance de gérer la sous-performance

La sous-performance peut revêtir plusieurs aspects : certains employés déploient peu d’efforts au travail, tandis que d’autres enfreignent les règles ou entretiennent des rapports malsains avec leurs collègues. Le point commun ? Tous ces comportements peuvent avoir une influence néfaste sur autrui.

Selon une étude récente1, le risque que des conseillers financiers commettent une faute professionnelle augmente de 37 % lorsqu’un nouveau collègue au passé douteux en matière d’infraction aux règles se joint à leur équipe. Les gestionnaires doivent donc faire preuve de vigilance, même s’il n’est pas toujours facile d’identifier les employés « toxiques ».

Parfois, certains de ces employés sont manipulateurs au point où ils obtiennent l’appréciation de leurs patrons, qui leur pardonnent de bon cœur leurs écarts de conduite2. Plusieurs études3 ont montré que le comportement répréhensible d’un employé malfaisant a des effets proportionnellement plus importants que l’attitude exemplaire d’un employé modèle. En effet, un mauvais employé peut occasionner des pertes de profit deux fois plus élevées, et même plus, que ce que peut rapporter le travail d’un très bon employé.

L’idée reçue selon laquelle une équipe est aussi forte que son maillon le plus faible est d’ailleurs renforcée par la littérature scientifique. Des études4 montrent en effet que la personnalité la plus dysfonctionnelle d’une équipe suscite davantage l’apparition de conflits et la perte de cohésion collective que la « moyenne des personnalités » de l’équipe.

Le climat au sein d’une équipe est largement influencé par l’élément le plus négatif de celle-ci. En d’autres mots, les employés travailleurs et intègres ont moins d’influence sur la dynamique de l’équipe que leurs collègues malhonnêtes.

Le risque de l’inaction

Vous embauchez un nouvel employé qui vous semble très consciencieux. Va-t-il quand même s’absenter sans raison ? Comment le savoir ? Étonnamment, son âge, le nombre de ses enfants et son état de santé sont beaucoup moins déterminants que la norme actuelle d’absentéisme dans le groupe. Assez rapidement, ce nouvel employé va finir par se conformer, parfois même inconsciemment, aux usages en vigueur.


LIRE AUSSI : « Apprendre à bien diriger : les leçons d’une expérience personnelle »


Vous manquez de courage pour agir ? Il est vrai que les questions disciplinaires ne sont pas un sujet agréable à aborder. Toutefois, gardez à l’esprit que la satisfaction des travailleurs et la performance des équipes augmentent lorsque le patron assume ses responsabilités5.

En effet, la majorité des salariés voient la gestion de la sous-performance non pas comme une punition abusive mais plutôt comme une forme de justice envers ceux qui contribuent positivement au groupe. Les organisations doivent adopter une vision à 360° de la sous-performance afin d’évaluer les coûts indirects qu’elle entraîne. Alors, êtes-vous trop tolérant envers la sous-performance au travail ?Pour amorcer votre réflexion, remplissez notre questionnaire en cliquant sur le lien suivant.


Notes

1 Dimmock, S., et Gerken, W. C., « Research – How one bad employee can corrupt a whole team » (article en ligne), Harvard Business Review, 5 mars 2018.

2 Kluemper, D. H., Taylor, S. G., Bowler, W. M., Bing, M. N., et Halbesleben, J. R. B., « How leaders perceive employee deviance – Blaming victims while excusing favorites », Journal of Applied Psychology, vol. 104, n° 7, juillet 2019, p. 946-964.

3 Voir notamment Torres, N., « It’s better to avoid a toxic employee than hire a superstar » (article en ligne), Harvard Business Review, 9 décembre 2015.

4 Voir entre autres Barrick, M. R., Stewart, G. L., Neubert, M. J., et Mount, M. K., « Relating member ability and personality to workteam processes and team effectiveness », Journal of Applied Psychology, vol. 83, n° 3, juin 1998, p. 377-391.

5 Podsakoff, N. P., Podsakoff, P. M., et Kuskova, V. V., « Dispelling misconceptions and providing guidelines for leader reward and punishment behavior », Business Horizons, vol. 53, n° 3, mai 2010, p. 291-303.