Horaire surchargé, rattrapage de courriels le soir, boulot la fin de semaine, vie familiale et personnelle (trop) remplie… À force de courir, on risque de passer à côté de l’essentiel ou, pire, de nuire à sa santé physique et mentale. Conseils pour éviter la surcharge.

120 heures par semaine. C’est le nombre d’heures que les parents consacrent en moyenne à leurs obligations familiales et professionnelles, a calculé la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille. «Ce n’est pas surprenant qu’on ait l’impression d’être fatigués et débordés», souligne Yarledis Coneo, CRHA, responsable du centre d’expertise travail-famille Concilivi.

Chaque année, l’équipe derrière ce sceau de reconnaissance en conciliation effectue un sondage auprès de travailleurs et travailleuses jonglant aussi avec des responsabilités familiales. Lors du coup de sonde de 2021, en plein cœur de la pandémie, la moitié des répondants ont mentionné se sentir trop fatigués à la fin de la journée pour faire des activités familiales, comme jouer avec leur enfant, rapporte Yarledis Coneo.

Et avec la technologie qui a brouillé les frontières entre la vie personnelle et la vie professionnelle, il devient de plus en plus difficile de déconnecter. «Oui, cela offre une flexibilité intéressante, mais tout est à portée de main. On vit dans une culture de l’instantanéité et le travail reste toujours en arrière-plan. C’est un peu comme si on faisait du présentéisme parental», note la spécialiste de la conciliation.

«Si on ne prend pas le temps de prioriser, on finit par se concentrer uniquement sur le faire et non sur l’être», observe Éric Provencher, CRHA, psychologue organisationnel et fondateur d'HUMANA conseil. «Oui, je vais aller porter les enfants à l’école ou souper avec des amis, mais sans être vraiment disponible et à l’écoute. Être trop occupé affecte nos relations, un facteur très important dans le bonheur des individus. Cela touche aussi notre qualité de vie, puisqu’on laisse souvent tomber des activités qui nous plaisent.»

Précieux bilans

À travers le travail, les loisirs, les études, la vie familiale et sociale, la surcharge ne se calcule pas nécessairement en heures selon Marie-Christine Albert. C’est plutôt la nature de ses occupations qu’il faut examiner, soutient la maître d’enseignement au Département de management de HEC Montréal. Elle cite le modèle du psychologue Robert E. Thayer, qui propose d’observer l’état émotionnel et le niveau de tension physiologique qu’elles suscitent. «Est-ce que ce sont des activités dans lesquelles j’ai l’impression de m’épanouir? Est-ce qu’elles me permettent de me sentir compétent et en contrôle? Me procurent-elles du plaisir? Est-ce que je ressens plutôt la pression de performance? Est-ce que les tâches accomplies n’ont pas de sens pour moi? Est-ce que je m’y sens obligé?» demande-t-elle.  

Quand l’état de tension est trop élevé, il peut être ardu de se détacher psychologiquement. «Plus les événements que nous avons vécus sont importants pour nous, qu’ils soient positifs ou négatifs, plus ils sont difficiles à mettre de côté, explique Marie-Christine Albert. Si bien que le soir venu, on rumine et on a de la difficulté à décrocher.» C’est le genre de signal qu’il faut apprendre à détecter pour s’assurer de profiter du moment présent. «La première étape, c’est de se rendre compte qu’on est trop occupé, annonce la maître d’enseignement. Pour cela il faut se demander régulièrement comment on se sent, quel est notre niveau de tension, d’énergie.»  

S’il est normal de ressentir certaines tensions, recharger ses batteries est crucial, soulève-t-elle. «L’idée, c’est de se connaître, de savoir quand on étire l’élastique et comment récupérer. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut s’asseoir et ne rien faire. Il faut trouver des activités qui nous font du bien, qui nous donnent de l’énergie, qui nous relaxent, conseille Marie-Christine Albert. Pour certains, c’est faire du sport ou voir des amis. Et ce n’est pas obligé d’être compliqué.» Ce qui peut aussi signifier laisser tomber certaines activités – même plaisantes – pour faire de la place à d’autres. «On n’est pas toujours obligé d’être performant à 110%, ajoute la maître d’enseignement. Il faut choisir ses batailles et ses priorités compte tenu de l’énergie dont nous disposons.» Par exemple, pourquoi ne pas passer un soir de vaisselle pour aller au parc avec les enfants si cela nous aide à décrocher?

Reprendre le contrôle de son horaire

Il n’y a pas mille et une façons de reprendre le contrôle de son horaire : pour cela, il est nécessaire d’établir certaines priorités, en fonction de ses valeurs. «L’important, c’est de faire des choix qui nous rapprochent de notre idéal, de ne pas s’éloigner de ce qui nous anime. Et cela peut être différent selon chaque personne et même selon les différentes périodes de sa vie», indique Éric Provencher.

«On peut aussi revoir ses priorités, non seulement individuellement, mais également en équipe au travail. Je suggère souvent aux organisations de se concentrer sur trois priorités par semaine, pour conserver l’énergie de leurs troupes», soutient Yarledis Coneo. Les employeurs pourraient aussi offrir la possibilité aux travailleurs de cumuler des heures pour s’offrir des congés pour des activités familiales, souligne la conseillère en ressources humaines. Elle recommande également de réviser sa relation avec la technologie. «Pourquoi ne pas passer de la FOMO (Fear of missing out) à la JOMO (Joy of missing out), en s’accordant une pause des médias sociaux pour vivre le moment présent?», mentionne-t-elle. Une question à aborder en équipe de travail, pour établir des paramètres permettant de décrocher sans stress.

Mais surtout, il ne faut pas attendre les longs congés pour se reposer, avertit Éric Provencher. «On a parfois une logique de plongée en apnée, c’est-à-dire qu’on vit seulement la fin de semaine ou pire, pendant les vacances, note le psychologue. Mais je n’y crois pas. Ce n’est pas vrai qu’une semaine dans le Sud va tout régler. Il faut remplir régulièrement sa citerne si on ne veut pas se retrouver à sec.» Un équilibre à maintenir au quotidien!