Article publié dans l'édition Automne 2018 de Gestion

Les organisations accumulent trop souvent d’énormes masses documentaires pêle-mêle qu’elles traînent comme des boulets et qu’elles imposent à leur clientèle. Repenser et récrire ces contenus afin qu’ils soient simples et clairs devient maintenant une obligation.

De nos jours, un grand nombre d’organisations publiques ou privées ont l’obligation juridique de communiquer clairement avec leurs clients ou leurs usagers. Les exigences varient souvent selon les domaines d’activité et sont éparpillées dans une multitude de lois, de règlements et de lignes directrices. Mais elles existent.

Au Québec par exemple, selon la Loi sur la protection du consommateur, tous les contrats de consommation doivent être rédigés clairement et lisiblement dans leur intégralité1. Malheureusement, la définition de ce qui est clair et lisible demeure floue, ce qui donne encore lieu à des aberrations de complexité.

Mais les choses changent : qu’il s’agisse par exemple de contrats de prêt hypothécaire, de formulaires de dépôt d’une plainte, de polices d’assurance ou de lettres officielles du gouvernement, la simplification est à l’ordre du jour. Et c’est tant mieux !

Simplifiez vos contenus

Tout le monde aime la simplicité. Selon le Global Brand Simplicity Index 2017, une étude réalisée auprès de 14 000 consommateurs de neuf pays différents2, 64 % des clients seraient même prêts à payer plus cher pour des produits et des services simples. Malgré cette donnée éloquente, il faut convaincre les organisations des avantages et du bien-fondé de la simplification. Plusieurs gestionnaires et professionnels sont réfractaires à l’idée de revoir leurs documents et leurs habitudes rédactionnelles. On entend souvent des arguments du style « Personne ne lit ça de toute façon » ou « Ça ne fait pas sérieux », ce qui est très révélateur.


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Pourtant, les organisations ne s’attirent jamais de moqueries lorsqu’elles présentent des contenus simples et clairs. Au contraire, elles ont toutes les chances de susciter l’intérêt de leurs clients et de les fidéliser. De plus, toujours selon le Global Brand Simplicity Index 2017, un portefeuille composé d’actions de sociétés ayant adopté la simplification comme mot d’ordre a surpassé les principaux indices boursiers en affichant une croissance de 433 % de 2009 à 2016. Le top-3 de ces marques ? Les chaînes allemandes de supermarchés Aldi et Lidl ainsi que Google.

Quelques règles pour simplifier vos textes

1. Le choix de l’information

Règle : Incluez toute l’information dont votre lecteur a besoin mais seulement celle dont il a besoin.

Les documents de plusieurs dizaines de pages n’ont pas tous leur raison d’être. Bien souvent, le rédacteur croit contourner le risque d’incompréhension en enterrant le lecteur sous des masses d’information. À l’inverse, certains contenus sont muets à propos de questions élémentaires que le lecteur se posera à coup sûr. On doit donc fournir les bons renseignements – et seulement ceux-là – au bon moment.

2. La structure du document

Règle : Hiérarchisez vos messages et mettez l’accent sur ce qui doit être retenu par le lecteur.

Le lecteur moyen est très sélectif : alors qu’il lit moins de 20 % des contenus qui lui passent sous les yeux, il retient environ 10 % de ce qu’il lit. La lecture en survol fait partie des habitudes de lecture. Ne faites pas comme si elle n’existait pas : travaillez donc le contenu de vos titres et misez sur l’ordre dans lequel vous passez vos messages.

3. La visualisation graphique

Règle : Intégrez un élément visuel lorsque l’information s’y prête même dans un contrat.

Choisir les mots au détriment d’un schéma, d’un graphique ou d’une image peut s’avérer un très mauvais choix. Rompez la monotonie en illustrant l’information qui s’y prête.

4. La visualisation graphique

Règle : Rédigez en utilisant un style conversationnel, nettoyé les plus courants.

Personne n’aime lire des textes ampoulés, hermétiques et inutilement longs. Si le temps du lecteur est compté, sa patience l’est d’autant plus. Misez sur des mots simples et sur des phrases courtes. Faites-lui sentir qu’il est intelligent et que vous êtes transparent.


L’expérience utilisateur améliorée

Simplifier l’expérience client est aujourd’hui au cœur du positionnement stratégique de nombreuses organisations, notamment les institutions financières, les compagnies d’assurance, les administrations municipales et les ministères. De ce fait, contrats, formulaires, politiques officielles, correspondance et textes en ligne doivent être revus en profondeur. Or, la simplification exige de nouvelles pratiques rédactionnelles. Les modèles et les gabarits jusqu’alors en vigueur tombent ainsi en désuétude, car ils ne respectent pas les nouveaux standards de simplicité.

On doit donc tout mettre en œuvre pour favoriser la compréhension dès la première lecture. Pour y parvenir, il faut concevoir les documents davantage comme des outils de communication. Si les règles à cet effet sont assez simples à énoncer, elles s’avèrent beaucoup plus difficiles à mettre en application. C’est d’autant plus vrai pour les gens qui utilisent des modèles hermétiques et jargonneux depuis plusieurs années : le changement peut s’avérer déstabilisant, voire brutal.


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Les coûts de la complexité, les avantages de la simplicité

La complexité documentaire coûte parfois très cher aux organisations. Par exemple, un formulaire mal conçu peut occasionner des coûts astronomiques pour une organisation qui doit gérer des volumes considérables : le nombre d’appels monte en flèche au service à la clientèle, des clients qui n’ont pas compris les consignes commettent des erreurs parfois lourdes de conséquences, l’organisation doit embaucher plus d’employés pour répondre à la demande et l’insatisfaction de la clientèle entraîne des pertes de parts de marché.

Un client qui se frotte à la complexité d’une organisation éprouve des émotions négatives – frustration, stress, découragement, impatience – qu’il faut à tout prix éviter d’un point de vue stratégique. A contrario, un client à qui on propose de l’information facile à lire et à comprendre ressentira de la satisfaction et de la confiance.

La transparence, la cohérence et le respect sont des qualificatifs souvent accolés à la simplicité des contenus.

Votre pire ennemi : vous-même

Simplifier des contenus rédactionnels nécessite souvent de repartir à neuf, de faire table rase du passé. Cela exige du temps, de l’énergie, de la patience et des efforts. Il faut s’intéresser aux besoins des gens en prévoyant une collecte de données, tant quantitatives que qualitatives, au tout début de la démarche de simplification. Il faut faire des choix d’information en équipe, simplifier, faire relire, récrire, vérifier, tester et parfois tout reprendre du début.

En raison du travail et des coûts associés aux démarches de simplification, de nombreuses personnes s’y opposent. Ces réfractaires ont souvent des horaires trop chargés et ne peuvent tout simplement pas s’imaginer en train de composer avec ce nouveau mandat. D’autres n’ont pas les compétences requises. L’art de rédiger simplement et clairement n’est pas donné à tout le monde. Pour mener cette tâche à bien, il faudra créer une équipe qui s’y consacrera. Cette équipe pourra se faire accompagner par des spécialistes externes qui auront le recul nécessaire.

Un investissement stratégique

Combien une démarche de simplification vous coûtera-t-elle? La vraie question est plutôt la suivante : que vous en coûte-t-il actuellement de ne pas l’avoir entreprise plus tôt ? La première étape consiste donc à poser un diagnostic sur plusieurs contenus organisationnels afin d’évaluer leur complexité et de mesurer l’ampleur de la tâche à accomplir. La simplicité est un investissement stratégique qui permet de faire des économies à court, à moyen et à long terme.


Notes

1- Loi sur la protection du consommateur, articles numéros 25 et 271

2- Le Global Brand Simplicity index 2017, de la firme new-yorkaise Siegel + Gale, s’appuie sur un sondage mené en ligne auprès de consommateurs des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la Suède, de la Chine, de l’Inde, du Japon, des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite.