Les données peuvent contribuer à bonifier le service à la clientèle et à instaurer dans l’entreprise une culture d’amélioration continue. Mais c’est un exercice qui exige de la rigueur et de la persévérance.

La quantité de renseignements sur les clients à laquelle les organisations ont accès représente en elle-même un défi. Ces informations dépassent de loin les données de base comme la fréquence d’achat. Elles peuvent révéler leur comportement sur leur site Web, indiquer ce qu’ils aiment ou détestent, montrer la manière dont ils interagissent avec les produits et services ou encore la façon dont ils perçoivent une marque ou réagissent à certains messages publicitaires ou à des promotions.

On doit donc identifier les données les plus pertinentes. «Cela peut varier grandement en fonction du secteur dans lequel on évolue et du modèle d’affaires que l’on adopte», soutient Sylvain Sénécal, professeur titulaire au Département de marketing de HEC Montréal.

Il cite l’exemple d’entreprises comme Netflix et Spotify, qui misent énormément sur la personnalisation de leur offre pour s’assurer que leurs usagers restent abonnés. Pour eux, les données individuelles de chaque client revêtent donc une plus grande importance encore que les macrodonnées. Ils doivent savoir ce que leurs clients regardent, mesurer leur fréquence d’utilisation pour identifier tout déclin d’intérêt, etc. C’est vital. Lorsque Netflix a annoncé la perte de 200 000 abonnés dans le monde (sur un total de 223 millions) au premier trimestre de 2022, sa valeur en bourse a chuté de 25 %.

D’autres informations s’avèrent moins faciles à analyser et comparer. C’est le cas par exemple des commentaires sur les médias sociaux. On doit manier avec prudence de telles données qualitatives non structurées. «Ce sont souvent les opinions extrêmes qui sont exprimées, donc ce n’est pas parfait, prévient Sylvain Sénécal. Mais elles présentent l’avantage d’être spontanées et non sollicitées, donc ça donne le pouls du marché.»

Tester les usagers

Les sites Web et les applications mobiles représentent par ailleurs des interfaces d’importance capitale avec la clientèle. «Les données clients jouent un rôle clé dans la conception de ces outils, à condition de suivre une approche rigoureuse de leur collecte et de leur utilisation», affirme Pierre-Majorique Léger, professeur titulaire au Département de technologies de l’information de HEC Montréal et codirecteur du Tech3lab.

L’élément clé, pour lui, consiste à se placer dans une position d’ouverture. On veut apprendre en écoutant l’utilisateur et se donner la latitude d’effectuer des changements quand c’est nécessaire. Cela peut passer par la simple mise à disposition de versions différentes d’un site, mais on peut aussi aller plus loin en employant des tests en laboratoire.

Les tests traditionnels mesurent le comportement des usagers, leur perception de la facilité d’utilisation, etc. Ce sont des éléments relativement simples à quantifier. Le Tech3lab va au-delà de cela. «Nous utilisons des outils neurophysiologiques pour mesurer l’état cognitif et affectif de la personne lorsqu’elle interagit avec la vitrine numérique», illustre Pierre-Majorique Léger.

Leur oculomètre, par exemple, identifie précisément où la personne regarde sur une page Web. D’autres outils permettent de prendre des mesures physiologiques (rythme cardiaque, respiration, états affectifs et cognitifs, etc.) ou de l’activité électrique du cerveau.

Plusieurs approches peuvent aussi servir lorsque l’on n’a pas accès directement aux utilisateurs dans des tests en laboratoire, comme les données transactionnelles, le tunnel de conversion ou le comportement des visiteurs sur nos pages. Dans tous les cas, la mesure des progrès et la validation des données doivent être refaites régulièrement.

Rester réalistes

Peu importe l’approche choisie, certains éléments demeurent cruciaux pour progresser avec méthode. «On devrait toujours commencer par utiliser les données, afin d’établir un portrait de la situation actuelle et savoir où l’on est par rapport à l’élément que l’on souhaite améliorer», conseille Sylvain Sénécal.

Les objectifs qui découlent de cet examen devraient être chiffrés. On ne dit pas qu’on veut «augmenter la satisfaction de la clientèle», par exemple. On dira plutôt qu’on veut la faire passer de 80 à 85 % en un an. «Les attentes doivent être quantifiées, pour que l’on puisse mesurer à quel point on les atteint ou non», indique Sylvain Sénécal. Il suggère de rester réaliste dans l’établissement de ces objectifs. S’ils sont impossibles à réaliser, cela peut avoir un effet démobilisateur sur les équipes. À l’inverse, s’ils sont trop bas, ils sont peu motivants.

Quoiqu’on fasse, les cibles ne seront pas toujours atteintes et lorsqu’elles le seront, d’autres objectifs plus ambitieux viendront les remplacer. C’est justement cette culture d’amélioration continue que l’on souhaite implanter dans une organisation en utilisant les données pour bonifier le service à la clientèle.