Le déploiement du télétravail à grande échelle a fait émerger de nombreuses préoccupations. Ainsi, on peut se demander si les bonnes pratiques en matière de gestion financière et de gestion des risques sont menacées.

L’audit interne joue un rôle central de surveillance dans les organisations, tant du point de vue de la gestion financière que de la gestion des risques. Or, comment peut-il continuer à assurer son rôle de gardien dans un contexte de télétravail, alors que tous les employés ou presque travaillent à partir de leur domicile?

D’audits sur place à audits à distance

Ce défi, Transat a réussi à le relever en effectuant des audits à distance. Bien sûr, l’effet de surprise de l’audit sur place disparaît, mais nous l’avons remplacé par un nombre croissant de requêtes pour lesquelles nous choisissons un échantillon dans le bassin de tests possibles. En procédant ainsi, et advenant le cas où un audité souhaiterait modifier des informations, il lui serait impossible de revoir tous ses contrôles et de les appliquer avant de nous faire parvenir ses données par courriel, puisqu’il ne peut savoir précisément quel échantillon sera choisi ni quels tests seront réalisés.

Un audité expérimenté et particulièrement mal intentionné pourrait-il malgré tout détourner ces contrôles? Cela reste dans le domaine du possible. Mais l’équipe d’audit interne détient aussi une vaste expertise : nous savons déjà ceux qui collaborent bien et ceux qui se montrent généralement récalcitrants et nécessitent des rappels. En cas de doute, nous pouvons toujours exiger des tests supplémentaires, qui permettront de valider les résultats obtenus auparavant.

Notre environnement d’affaires actuel est particulier; nous devons composer avec une réduction d’effectifs, qui pourrait compromettre l’exécution des mesures de contrôle. À cet égard, nous appliquons le principe de la séparation des tâches, soit la division du travail entre les personnes toujours en poste. Nous nous assurons donc que les tâches essentielles soient toujours effectuées par un employé, puis révisées et approuvées par un autre.

Ceci nous amène à aborder la notion de délégation de l’autorité et de l’établissement de règles visant à déterminer qui approuve quoi, mais aussi qui validera le tout par la suite. Pour y parvenir dans un contexte de télétravail, nous avons dû élargir l’utilisation d’Adobe Sign à plusieurs personnes, afin qu’il soit possible de retracer les approbations internes.

L’autre grande problématique est de donner accès à des employés qui travaillent à distance à plusieurs applications et logiciels particulièrement critiques pour l’entreprise. Les risques reliés aux cyberattaques et aux failles dans notre système ont toujours fait partie des préoccupations de Transat. Nous effectuions déjà une revue périodique de ces accès, et nous avons élargi la procédure à d’autres applications sensibles. L’équipe interne de sécurité informatique avec laquelle nous collaborons étroitement est toujours à l’affût et effectue des tests sur une base régulière. Nos employés doivent aussi suivre régulièrement des formations et des mises à jour de leurs connaissances dans ce domaine.

Série cybersécurité et travail à distance

Agilité et résilience

La pandémie a malmené notre industrie et Transat n’y a pas échappé. L’entreprise a dû réduire ses ressources humaines et effectuer des mises à pied temporaires, y compris dans l’équipe de l’audit interne. Nous sommes donc moins nombreux pour réaliser nos tâches habituelles, alors que de l’autre côté, les employés ont moins de disponibilité pour répondre à nos demandes.

C’est la raison pour laquelle nous avons revu notre plan de tests et appliqué une grille d’analyse de risques permettant de classer les tests par ordre d’importance. Cette analyse et les choix prioritaires se basent sur différents facteurs, notamment l’historique d’erreurs ou de bonnes performances, les tests prioritaires (ceux attestant de la conformité à la norme canadienne 52-109 par exemple), l’aide aux auditeurs externes afin de réduire leurs honoraires professionnels, etc.

Mentionnons aussi que le télétravail n’a rien de nouveau pour nous, puisque Transat possède de nombreux bureaux à l’extérieur de Montréal et du Canada et a déjà dû mettre en place des procédures et outils pour effectuer le suivi à distance. Ainsi, depuis plusieurs années, nous avions intégré un logiciel d’audit interne et risques, permettant de centraliser toute l’information relative à nos tests.

Certaines technologies déployées massivement depuis la pandémie, notamment les plateformes de visioconférence, contribuent aussi à accroître la proximité avec les audités. En effet, il est désormais possible de joindre rapidement davantage de personnes avec une simple convocation Teams, par exemple, ce qui facilite grandement le travail de l’équipe d’audit interne. Nous avons donc gagné en efficacité, bien qu’une semaine à Paris, Londres ou Cancún, comme nous le faisions auparavant, permettait bien sûr de joindre l’utile à l’agréable…

Enfin, nous avons continué à développer des liens de collaboration étroits avec les gestionnaires. Ces derniers ont dû trouver des façons plus efficientes et moins coûteuses de réaliser leur travail et ils ont maintes fois fait appel à notre expertise, car nous connaissons bien leurs tâches. Par conséquent, lorsqu’ils devaient effectuer des changements à certains de leurs processus, nous les avons guidés dans l’application de contrôles compensatoires et de nouveaux contrôles sous-jacents à ceux-ci. Cette coopération a été facilitée par le fait qu’au fil du temps, nous fait la preuve de notre crédibilité auprès des gestionnaires et ainsi obtenir leur confiance. En cette période de turbulences, nous sommes à même de constater que ces liens sont plus importants que jamais.

Les circonstances particulières que nous traversons depuis un an nous ont assurément forcés à gagner en agilité. Néanmoins, dans notre industrie, la compétition a toujours été forte, et l’agilité faisait déjà partie de notre ADN. En ce sens, nous faisons preuve de plus de résilience, et avons peut-être une longueur d’avance sur d’autres secteurs où la concurrence était moins vive.

* Article écrit en collaboration avec Emmanuelle Gril, journaliste