Article publié en mai 2016

L’engagement social d’une entreprise, tout comme le maintien de relations solides entre les leaders et leurs troupes, contribue à mobiliser le personnel autour d’une mission commune. Mais comment y arriver? Discussion avec Dan Pontefract, Chief Envisioner au TELUS Transformation Office, et auteur des livres Flat Army et The Purpose Effect.

Qu’est-ce que ça signifie, pour vous, l’engagement?

Pour bien des gens, l’engagement est un chiffre. Le tiers des gens est engagé, selon un sondage Gallup. Les trois quarts des gens ne le sont pas. Mais l’engagement, c’est une relation entre les leaders et les membres de l’équipe. Ça se résume à la confiance qu’ils s’accordent l’un l’autre pour faire ce qui est juste dans toutes les situations.


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Et actuellement, les organisations favorisent-elles son développement?

L’engagement est toujours très faible et c’est presque toujours en raison de la façon de fonctionner de l’entreprise. Ainsi, aux États-Unis, 40 % des travailleurs du secteur public sentent qu’on ne les écoute pas, qu’il n’y a pas de collaboration, qu’on leur dit quoi faire. C’est une façon terrible de vivre son emploi.

Quel est votre diagnostic? Que faut-il faire pour améliorer la situation?

Il faut réparer les relations et les reconstruire. Une firme doit faire un profit, mais se concentrer uniquement là-dessus, ou sur les revenus, ou sur le rendement des actionnaires, c’est une manière horrible de diriger une entreprise. L’argent à tout prix, c’est le mauvais objectif. Pour améliorer les relations, une entreprise doit donc redéfinir ses objectifs. Quelle est sa mission, la cause qu’elle soutient? Désire-t-elle soutenir la bureaucratie? Soutenir les tactiques de leadership? Le profit? Ou si elle veut plutôt être là pour ses employés, pour l’environnement, pour la communauté, et pour les propriétaires, bref, pour les gens qui méritent un juste retour sur leur investissement dans l’entreprise?

Y a-t-il un risque à ne rien faire, à éviter de régler un problème d’engagement lorsqu’il existe?

Il y a un grand danger. Il peut s’agir ultimement de ventes qui baissent, mais ça pourrait aller jusqu’à la fermeture de l’entreprise.

Avez-vous des exemples?

Nortel, par exemple, a perdu le nord parce que la direction n’écoutait pas ses employés. L’entreprise avait créé une culture de pouvoir, de commandement et de contrôle, et d’aveuglement. Résultat : 100 000 emplois disparus. BlackBerry n’a, elle non plus, pas écouté ses employés quand ils suggéraient de fabriquer leurs téléphones autrement. On en voit aujourd’hui les répercussions. Pourtant, les deux entreprises avaient au départ une formidable culture d’entreprise.

J’imagine qu’un environnement caractérisé par un manque d’écoute peut démotiver un travailleur.

Regardez Volkswagen. Un petit nombre de dirigeants a décidé de mentir sur les émissions. C’est contraire à l’éthique. Ils ont menti sur ce qui aurait dû être une mission commune : construire des véhicules générant des émissions raisonnables afin de sauver la planète. Maintenant, imaginez que vous êtes un employé chez Volkswagen. Vous n’avez rien à voir avec ce manquement à l’éthique. Comment vous sentez-vous quand vous vous réveillez un beau matin et que vous lisez que des employés haut placés de votre entreprise ont été chargés de mentir? Il faut se donner une mission, mais il faut aussi la suivre.


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Comment peut-on, alors, aider à construire un objectif, une mission commune?

Prenons l’exemple des restaurants canadiens Earls. Les leaders ont pris entre autres des engagements d’intégrité et d’authenticité alors que chacun des restaurants ont investi aussi dans leurs équipes et dans leur communauté. Chaque équipe peut alors par exemple donner à une banque alimentaire ou aller dans une école pour dispenser des cours de cuisine. Après avoir commencé à se concentrer sur ces objectifs communs, plutôt que sur les profits, l’engagement a augmenté et Earls a pris son essor. Une culture collaborative, c’est gagnant-gagnant et les entreprises doivent le reconnaître.

Dans quelle mesure l’engagement peut-il contribuer à faire décoller les affaires?

L’Université Queen’s a mené une méta-analyse de 111 000 sondages réalisés sur 10 ans. Elle a trouvé que, parmi les sociétés inscrites en bourse, celles qui avaient une mission commune et un meilleur engagement, enregistraient une augmentation de 65 % du cours de leur action, obtenaient 30 % plus de satisfaction client, constataient une diminution de 20 % de l’absentéisme ainsi qu’une hausse de 15 % de la productivité. C’est irréfutable, c’est prouvé. C’est peut-être ironique, mais les entreprises qui pensent d’abord à l’engagement des employés et à leur mission commune sont plus profitables.