Santé globale au travail : de quoi parle-t-on?
2024-10-08

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2024-10-08
Santé globale au travail : de quoi parle-t-on?
Ressources humaines , Santé

L’importance que les organisations accordent à la santé physique et mentale de leurs équipes se renforce. En parallèle, la notion de «santé globale» émerge dans le milieu du travail. Que recouvre-t-elle exactement? Et qu’implique cette approche pour les employeurs?
Santé holistique, santé globale, santé 360 degrés… Au travail, ces termes se confondent parfois, mais ne recouvrent pas les mêmes réalités.
La santé dite «holistique» s’oppose à une définition strictement organique de la santé en englobant la notion de santé psychologique, selon Mouna Knani, professeure agrégée au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal.
Mais pas seulement. Cette notion s’inscrit aussi contre une vision qui rendrait l’individu seul responsable de sa santé. «Oui, la santé dépend de certains facteurs individuels. Mais il ne faut pas éclipser le rôle de l'organisation dans l'amélioration ou la détérioration de l'état de santé [de ses troupes]», soulève l’enseignante.
La loi de 2021 modernisant le régime de santé et sécurité du travail au Québec est, en ce sens, l’expression d’une vision holistique de la santé. À la fois parce qu’elle marque la reconnaissance de l'existence de risques psychosociaux au travail, mais aussi parce qu'elle donne aux employeurs l’obligation légale de les prévenir. «Cette loi vient mettre des mots sur l’impact des conditions de travail. L'individu qui s’inscrit dans un milieu de travail malsain, même s’il est en santé physique et psychologique, risque de tomber malade», souligne Suzanne Paiement, associée en santé chez Normandin Beaudry.
3 variables principales à la santé globale
Selon la professionnelle, le mot «holistique» est un peu tombé en désuétude dans le milieu du travail, victime d’un phénomène de mode. «Tout le monde l’utilisait à toutes les sauces», indique-t-elle. On le retrouve d’ailleurs beaucoup dans le domaine du bien-être et de la médecine non conventionnelle, et dans des définitions variées pouvant inclure le rapport au sommeil, à la nutrition, à l’intellect, mais aussi à l’énergie ou à l'âme. Aujourd’hui, c’est davantage la notion de «santé globale» qui est utilisée au travail, note Suzanne Paiement.
Ce terme ne recouvre toutefois pas exactement la même définition que celui de santé holistique, car il prend en compte les aspects sociaux de la santé, en plus des aspects physiques et psychologiques.
Parmi ces trois aspects, la santé sociale et la santé psychologique sont particulièrement liées, explique Mouna Knani, parce qu’elles sont tributaires du niveau de bienveillance qui régit les rapports de travail. «Ce n’est pas pour rien que l’on parle aujourd'hui du soutien des collègues et des superviseurs, de l’importance des relations au travail. Cette communauté qu'on y développe devient un milieu de réseautage, de bonne santé sociale», ajoute l’enseignante.
Le bien-être social, physique et mental forme d’ailleurs les trois paramètres que l’OMS inclut dans sa définition de la santé. Une conception qui suggère que les interactions des individus avec leurs milieux de vie jouent un rôle crucial sur leur épanouissement.
Aussi, les organisations peuvent décider d’élargir leurs actions à d’autres déterminants de la santé des travailleurs tels que le sens du travail, la protection de l’environnement ou la sécurité économique. Ainsi, l’attention marquée de l’employeur au développement des compétences, son engagement environnemental ou la mise en place de conditions salariales compétitives peuvent contribuer à la santé globale des individus. «Plus on dépasse les trois variables de base, plus le modèle devient global», indique Mouna Knani.
Une responsabilité partagée
Pour autant, l’employeur peut-il porter seul la responsabilité du bien-être global de ses équipes? «Le rôle de l’organisation est de faciliter la prise en charge par l’individu de sa santé, pas de prendre en charge la santé de l’individu», souligne Suzanne Paiement.
À l’heure d’établir ses priorités d’action en santé, il est donc essentiel que l’organisation commence par ses obligations légales, soit celles liées à la prévention des risques physiques et psychosociaux au travail. Cela inclut le harcèlement psychologique et la détection des violences conjugales. D’autres actions en santé peuvent ensuite être prises en fonction des limites budgétaires, de la nature du travail et du profil des employés.
Chez Normandin Beaudry, par exemple, la santé globale est approchée selon quatre volets : la santé physique, psychologique, mais aussi sociale et financière. «On appelle ça les quatre angles de la santé 360», explique Suzanne Paiement.
Sur le plan de la santé sociale, la firme peut notamment aider ses partenaires à développer des solutions internes qui vont favoriser le réseautage telles que des programmes de pairs aidants pour les employés vivant une situation difficile. Mais les entreprises peuvent également s’impliquer à l'extérieur de leur structure. «C’est important pour les générations qui entrent sur le marché du travail d'intégrer des organisations engagées dans une cause de bienfaisance», fait valoir l’associée.
Quant à l'intégration d’un volet financier, il tend à répondre au stress qu’engendrent auprès des travailleurs l’économie incertaine et l’augmentation du coût de la vie. Concrètement, la firme peut proposer à ses clients des parcours d’éducation financière en ligne sur les manières de confectionner un budget, des économies ou encore de négocier son taux d'intérêt sur une hypothèque.
Suzanne Paiement l’affirme : dans le contexte de pénurie de main-d'œuvre à laquelle font encore face certains secteurs, la capacité à construire des programmes de santé cohérents et à les faire rayonner fait partie de la solution. «Un milieu de travail sain et sécuritaire attire et retient les meilleurs talents.»
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