La criminalité fait une ponction immense sur les forces vives de ce petit pays...

Le crime ne paie pas, veut le proverbe... Pourtant, au Salvador, le plus petit pays d'Amérique centrale, la criminalité en mène large, et vient lourdement miner l'économie légale,déjà fragilisée.

Une histoire mouvementée

Le Salvador est un pays indigent, où plus du tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le pays a connu la guerre civile de 1979 à 1992, un conflit interne qui a fait plus de 75 000 victimes, sans parler du demi-million de Salvadoriennes et de Salvadoriens qui ont fui les violences à cette époque. Une économie mal en point, une population jeune (l'âge médian est de 26 ans et plus de 50 % de la population est âgée de moins de 30 ans), sans véritables perspectives d'avenir : le terreau est donc fertile pour la criminalité, qui fait peser un lourd tribut sur le pays et ses habitants.

Le poids des maras

Elles sont deux organisations, la Mara Salvatrucha (ou MS-13) et les Barrio 18, à faire régner la terreur dans les rues de la capitale, San Salvador, et dans le reste du pays, qui affiche l'un des taux d'homicide les plus élevés du globe. Ces bandes criminalisées (les maras), originaires de Los Angeles et renforcées par la déportation de milliers de Salvadoriens des États-Unis au cours de la décennie 1980, ont fait de l'extorsion leur marque de commerce et une source considérable de revenus. Aux dires de l'hebdomadaire britannique The Economist (lire l'article « The gangs that cost 16% of GDP »), les effectifs de ces bandes, dont le tatouage du visage des membres demeure l'un des traits les plus spectaculaires, seraient évalués à environ 70 000 personnes. Une minorité, mais dont les activités illicites apportent de l'eau au moulin de plus d'un demi-million de personnes (familles, partenaires d'affaires, personnes soudoyées, etc.), dans ce pays qui compte à peine plus de six millions d'habitants.

Un véritable cancer

Les impacts économiques d'une telle situation sont évidemment catastrophiques pour le Salvador et ses habitants. Comme le laisse entendre le titre de l'article de The Economist, les pertes directes et indirectes engendrées par le climat de violence qui règne au Salvador équivaudraient à 16 % du produit intérieur brut (PIB) national. Les « contributions » demandées par les maras toucheraient, aux dires d'Anastasia Moloney, dans son article publié sur le site Internet de l'agence britannique Reuters (lire «Deadly gang extortion rackets drive emigration from El Salvador »), une personne sur quatre au Salvador, et ce à tous les niveaux. La renta, c'est le nom donné à la chose au pays, est même exigée par des enfants associés aux gangs à leurs camarades de classe, à coup de dix sous ou de vingt-cinq sous. Selon les chiffres de la National Council for Small Businesses (CONAPES), qui regroupe quelque 10 000 entreprises salvadoriennes, entre 70 % et 80 % des entreprises du pays sont « invitées » à contribuer à la renta. Les montants varient selon la taille de l'entreprise, et peuvent s'échelonner entre cinq dollars par semaine pour un vendeur de rue, jusqu'à 30 000 dollars mensuellement pour une grande entreprise. Une telle pression n'est évidemment pas soutenable pour bien des commerçants et cause la fermeture, toujours selon la CONAPES, de deux entreprises par semaine.

La situation du Salvador ne s'est malheureusement pas arrêtée aux frontières du petit État. D'autres pays d'Amérique centrale, dont le Honduras, le Guatemala et le Nicaragua, sont aussi aux prises avec les mêmes immenses problèmes. Il faudra sans doute une énorme dose de courage et bien de la volonté à ces peuples pour s'en sortir, eux qui semblent enfermés dans une spirale de violence sans fin...