Un retour réussi des employés au travail passe notamment par l’accompagnement attentif et bienveillant de leur gestionnaire. Mais encore faut-il que celui-ci se soit lui aussi accordé des vacances! Tour d’horizon.

Est-il difficile de retourner au travail après des congés? La réponse spontanée serait probablement oui. Mais la réalité est surprenante. «La plupart des enquêtes révèlent que la grande majorité des gens, plus de 70 %, aiment leur travail et sont contents de revenir au bureau», indique Estelle Morin, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal et membre du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle appliquée aux organisations. Par conséquent, seule une minorité prendrait le chemin du bureau à reculons. «Lorsque les employés se plaignent, c’est rarement de leur emploi en tant que tel, mais plutôt des relations ou de leur environnement de travail. Le gestionnaire pourrait donc demeurer attentif aux plaintes et œuvrer en amont pour tenter de corriger cette situation et de réduire les sources d’insatisfaction», précise Mme Morin.

Quoi qu’il en soit, et en dehors des cas plus problématiques, les cadres peuvent agir à différents niveaux pour faciliter la reprise de leurs troupes.

Remobiliser les équipes

Fixer une rencontre informelle avec son équipe le premier jour du retour au travail aide à prendre le pouls de ses employés, de les laisser parler de leurs vacances, mais aussi de s’assurer qu’ils se sont reposés et ont suffisamment déconnecté de leurs tâches. «Si ce n’est pas le cas, cela permettra au gestionnaire de rectifier le tir pour les prochains congés, en clarifiant mieux les attentes, par exemple, et en soulignant l’importance de décrocher», note Manon Perreault, CRHA, consultante et conseillère ressources humaines gouvernance et éthique. Bien sûr, tout dépend de la culture et des valeurs de l’organisation, mais il demeure essentiel de valoriser le bien-être de sa main-d’œuvre au travail et de leur rappeler l’importance de se désengager périodiquement de leurs tâches.

De l’avis de Julie Carignan, CRHA, psychologue organisationnelle pour la firme Humance, il est crucial de préserver un espace pour renouer le dialogue avec ses employés. «On peut aussi en profiter pour les mettre au courant de ce qu’ils auraient pu manquer durant leur absence. Ça bouge vite en entreprise, c’est important que l’employé ne se sente pas en décalage à son retour», mentionne-t-elle.

Cette première journée est aussi l’occasion de remobiliser les équipes, de faire un bilan et de déterminer les dossiers auxquels il faut s’attaquer en priorité. «Il faut toutefois éviter de créer un sentiment d’urgence, ce qui serait contre-productif. Il est préférable d’adopter une attitude proactive», ajoute Manon Perreault. En effet, un gestionnaire proactif pourra prendre des vacances plus en confiance qu’un autre de type «pompier» (réactif), car il anticipe les enjeux et est par le fait même mieux préparé et organisé. Son absence se fait donc moins sentir, car tout est en place pour faire face aux urgences.

Parfois, on devra aussi gérer le mécontentement, voire l’envie, de ceux qui n’ont pu partir en congé, remarque Estelle Morin. «Avec la pénurie de main-d’œuvre, certains employés n’ont pas la possibilité de prendre une pause. Il incombe au gestionnaire de trouver des solutions alternatives, par exemple en leur proposant des vacances plus tard dans l’année, durant des périodes moins occupées», indique-t-elle.

Apprendre à déconnecter

Gérer le retour des employés est une chose, mais pour un cadre, le simple fait de prendre des vacances n’est pas toujours, à tort ou à raison, chose aisée. Or, déconnecter sans culpabilité est essentiel, tant pour la santé individuelle qu’organisationnelle, rappelle Manon Perreault. «On doit prendre conscience que l’on n’est pas nécessairement indispensable et, en ce sens, faire preuve d’une certaine humilité. En s’organisant adéquatement, il est toujours possible de s’accorder une pause», assure-t-elle.

Julie Carignan observe pour sa part que trop de gestionnaires utilisent l’excuse de la gestion pour continuer à travailler, même durant leurs vacances. «Ce faisant, ils se privent d’un repos qui les aiderait pourtant à être plus productifs à leur retour», soulève-t-elle.

Estelle Morin est catégorique : compte tenu du poids des responsabilités qui leur incombent, les cadres sont plus à risques de développer des problèmes de santé mentale, d’épuisement, etc. D’où la nécessité de s’accorder des congés, mais aussi de résister à l’envie de consulter et de répondre à ses courriels. «À son départ, le gestionnaire devrait prévenir son équipe qu’on ne le dérange pas, et désigner quelqu’un pour le remplacer afin de gérer les urgences et les situations imprévues. C’est cette personne qui agira en son nom en son absence», recommande-t-elle. D’ailleurs, selon Manon Perreault, il est aussi préférable de définir préalablement ce qui constitue ou non une urgence, et de déterminer clairement les cas où l’on pourrait éventuellement être contacté.

Installer certaines mesures de protection aide aussi à résister à la tentation de continuer à travailler en vacances. «On peut par exemple programmer un message de réponse automatique indiquant que l’on est absent, que l’on n’a pas accès à ses courriels, mais qu’il est possible de contacter telle ou telle personne. Après avoir évalué la situation et si c’est absolument nécessaire, cette dernière sera alors la seule à être habilitée à communiquer avec le gestionnaire», conseille Julie Carignan.

Quant au retour au travail, là encore, un peu de planification s’impose. «On devrait rencontrer celui qui nous a remplacé pour discuter des différents dossiers qu’il a eus à traiter. Une réunion ou un lunch d’équipe est aussi une bonne façon de faire le point», souligne Estelle Morin.

Manon Perreault abonde dans le même sens et ajoute qu’en plus d’un bilan, il est également nécessaire de remercier ceux qui ont tenu le fort en notre absence. «Et surtout, rappelez-vous que prendre des vacances est un droit. Qui plus est, cela permet au bout du compte à l’entreprise d’être plus efficace et productive», conclut-elle.