Aujourd’hui, l’heure est à la générosité et à l’authenticité pour bâtir et nourrir son réseau de contacts. Une tendance propulsée, entre autres, par la pandémie. Explications.

«C’est terminé le temps où l’on recevait des cartes de visite sans que les personnes présentes prennent le temps d’écouter réellement l’autre, d’échanger sincèrement. Les gens souhaitent maintenant développer des relations professionnelles authentiques, avec des personnes partageant leurs valeurs», note Mélina Roy, CRHA, consultante, blogueuse RH et associée chez Lévesque Roy Conseil. C’est ce qu’elle appelle le «H to H», ou l’«humain à humain».  

Une tendance propulsée par la crise sanitaire, qui aura remis à l’avant-plan l’importance de l’entraide et de la collaboration. Les personnes qui pouvaient compter sur un réseau solide, qu’il soit personnel ou professionnel, ont d’ailleurs mieux traversé les turbulences. «Je pense que ça a été tout un déclic pour plusieurs, qui ont réalisé l’importance de développer et de maintenir leur réseau», observe pour sa part Ruth Vachon, présidente-directrice générale du Réseau des Femmes d’affaires du Québec.

Avoir un cercle de contacts élargi permet de partager ses connaissances, de travailler en complémentarité ou tout simplement d’obtenir un son de cloche différent, ajoute Jean-François Bertholet, CRHA, chargé de cours à HEC Montréal et consultant en développement organisationnel. Autrement dit, d’être plus solide. «C’est très important, dans le monde actuel, de pouvoir compter sur un réseau diversifié et de qualité, car le monde du travail est de plus en plus complexe : il faut donc combiner les expertises, souligne-t-il. On a rarement toutes les pièces du puzzle en main.»

En mode virtuel

Si le réseautage demeure toujours aussi pertinent, la manière de nouer des relations a évolué sous l’effet du télétravail et des réseaux sociaux. Aujourd’hui, plusieurs activités se déroulent virtuellement, un fait plus rare avant 2020. Ce type de réseautage favorise l’inclusion, remarque Mélina Roy, qui a mis sur pied en 2017 le groupe Facebook «Mes collaborateurs RH», qui réunit 6000 professionnels de ce domaine. Un groupe qui avait l’habitude de se réunir quelques fois par année, dans différentes villes. «Depuis la pandémie, nous avons instauré des cafés virtuels, raconte la consultante. Ces rencontres permettent de gagner en efficacité, puisqu’on évite la route, le trafic, le stationnement… Ce type de réseautage permet aussi d’éliminer les barrières géographiques et de réunir des personnes du Lac-Saint-Jean, de la Gaspésie, de Montréal, de la Rive-Sud et de l’Estrie, l’instant d’une connexion Zoom!»

C’est aussi l’idéal pour ceux qui étaient moins à l’aise avec les formules plus traditionnelles, note Ruth Vachon. Toutefois, pour en profiter, une bonne préparation s’impose. Avant toute rencontre, la PDG conseille une recherche sur les personnes participantes. «Dans ce genre d’activités virtuelles, j’essaie d’envoyer un petit mot personnalisé à chaque personne. Et si on n’est pas très à l’aise, on pourrait aussi penser à préparer de petites phrases d’amorce comme “Cela fait plusieurs fois que je te vois, mais nous n’avons pas eu l’occasion de nous présenter”.»

Elle propose aussi d’ouvrir sa caméra, de s’assurer d’inscrire la bonne présentation et de soigner son apparence. «Comme en vrai, on n’a pas deux chances de faire bonne impression», résume-t-elle.

Donner plutôt que recevoir

Tout comme Ruth Vachon, Jean-François Bertholet recommande de miser sur la générosité pour bâtir son réseau. Pour cela, il suggère de s’inspirer du livre «Give and take», d’Adam Grant. Dans cet essai, le professeur en psychologie du travail et des organisations à l’Université de Pennsylvanie explique qu’il existe trois types de personnalités : les preneurs (takers), les donneurs (givers) et les conciliateurs (matchers). «Sur le long terme, ce sont ceux qui donnent sans chercher à recevoir quelque chose en retour qui ont le plus de succès professionnel, conclut-il. Le karma fait son œuvre et cela finit par leur revenir.»

Pour nouer des relations solides, il ne faut donc pas uniquement solliciter des rencontres d’affaires ici et là, mais plutôt partager son expertise, soutient Mélina Roy. La CRHA compare le tout au marketing de contenu, une stratégie de diffusion d’information utilisée par les organisations. «On pourrait aussi parler de marketing de générosité, puisque les gens partagent leur expérience et leurs connaissances, à travers du contenu pertinent et à valeur ajoutée. Pour cela, il faut se demander quelle sera notre ligne éditoriale, c’est-à-dire les forces, les talents et les champs d’expertise qu’on veut mettre de l’avant», renchérit-elle.

Répondre à des questions dans un groupe de discussion spécialisé, participer à un balado, publier des articles de blogues, partager des contenus sur les réseaux sociaux ou participer à une conférence sont autant de moyens de faire valoir ces connaissances. «Il faut ensuite déterminer la stratégie qui nous convient le mieux, selon qu’on soit introverti ou extraverti», ajoute-t-elle. De simples gestes comme partager un article pertinent avec une personne de son cercle ou commenter une de ses publications peuvent aussi aider à solidifier son réseau, suggère aussi Mélina Roy.  

De plus, compter sur des contacts diversifiés serait même un prédicteur de succès professionnel, montrent certains outils d’analyse de données, comme l’Organizational Network Analysis (ONA), explique Jean-François Bertholet. «En fait, les gens devraient se demander si leur réseau est composé de gens de qualité et compte des profils différents, conseille-t-il. Cela permet d’éviter de créer une chambre d’écho pour que ces contacts soient réellement enrichissants.» Autrement dit, il vaut mieux ratisser large.