Véritable pierre angulaire de la productivité et du bien-être au travail, la motivation peut finir par s’user. En repérant les premiers signes de désengagement chez vos employés, il est toutefois possible de réussir à renverser la tendance.

Absentéisme, retard, insatisfaction, baisse de la performance… Les signes de désengagement manifestés par les employés sont légion. Les causes possibles sont tout aussi nombreuses et dépendent de plusieurs facteurs. Voici les éléments à garder en tête pour vous aider à ranimer la flamme au sein de vos équipes.

Des manifestations multiples

Le désengagement peut prendre des formes variées. De l’avis de Mouna Knani, professeure agrégée au Département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal, trois volets sont à considérer. «On peut observer le désengagement sur le plan comportemental : retards, insubordination, sous-performance, problème dans les relations interpersonnelles, etc. Mais il peut aussi être lié à une composante émotionnelle. Dans ce cas, cela se caractérise par une certaine démission mentale, la personne éprouve moins de plaisir au travail, elle apprécie moins ses collègues, elle ne prend plus d’initiative», illustre-t-elle.

Autre aspect à considérer : le désengagement psychologique. «Cela survient lorsque l’employé est physiquement présent, mais psychologiquement absent, il est peu attentif et engagé, moins concentré dans l’exécution de ses tâches», explique la professeure, qui ajoute que ces différentes dimensions sont interreliées et que chacune peut mener à l’autre.

Michel Cossette, professeur agrégé au Département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal, remarque pour sa part qu’il peut exister deux types d’engagement : «L’un est de nature affective, les gens sont fiers d’appartenir à l’organisation, ils s’y sentent comme dans une famille. L’autre dimension est l’engagement calculé, autrement dit lorsqu’on instrumentalise la relation avec l’entreprise et que seuls les gains, financiers par exemple, que l’on peut en tirer entrent en ligne de compte. Cela devient très problématique quand la personne est affectivement désengagée, mais qu’elle calcule et donc fait le strict minimum nécessaire dans son travail.»

Identifier les causes

Annie Boilard, CRHA, Distinction Fellow et présidente du Réseau Annie RH, constate que les déclencheurs potentiels de désengagement dépendent des individus. «Chacun a des ‘’boutons’’ qui lui sont propres, mais de façon générale, la motivation diminue lorsque nos besoins en termes d’affiliation, de compétence ou d’autonomie ne sont pas comblés», précise-t-elle. Un manque de sens ou de reconnaissance, un désalignement entre ses valeurs et celles de l’organisation ou même un sentiment d’iniquité constituent autant de motifs sous-jacents possibles.

Michel Cossette note que certains moments clés sont également propices à une baisse de l’engagement, surtout lors de changements ou en présence de situations de crise. «On peut aussi penser à la rupture du contrat psychologique entre le gestionnaire et l’employé, lorsqu’un bonus a été promis par exemple, mais qu’il n’a pas été accordé même si l’on a réalisé le travail requis pour l’obtenir», illustre-t-il.

Pour détecter ces situations au plus vite et ainsi éviter que la motivation ne se dégrade encore davantage, Mouna Knani recommande de demeurer attentif aux manifestations de désengagement et aux changements de comportement. Mais ce n’est pas tout. «Il faut trouver la racine de ce qui a déclenché la perte de motivation. Est-ce en raison d’une surcharge de travail ou, au contraire, d’une sous-sollicitation? D’une description de poste qui ne correspond pas à nos qualifications, de l’ennui et de la perte de sens? Ou d’un manque de ressources pour réaliser nos tâches, d’un déséquilibre entre les efforts consentis et la reconnaissance accordée en retour? Il faut creuser pour comprendre», soutient-elle.

Or, ce n’est pas toujours facile d’identifier la cause initiale, car chaque individu est différent et, qui plus est, le processus s’effectue graduellement. Pour y parvenir, la clé est d’observer, de demeurer à l’écoute et d’offrir à l’employé un climat de sécurité psychologique où il pourra s’ouvrir davantage sur ses difficultés.

Ranimer la flamme

Comment réussir à insuffler la motivation à un employé qui a perdu la flamme? Là encore, tout dépend de la source du malaise. «Pour des besoins non comblés en termes de compétences, on pourrait proposer de la formation ou valoriser davantage les habiletés. Concernant l’affiliation, des activités qui amélioreront le climat dans l’équipe et consolideront les liens pourront s’avérer utiles. S’il s’agit de manque en termes d’autonomie, on offre à l’employé de contribuer à des projets où il exercera davantage de responsabilités et de contrôle sur l’organisation de son travail. Il n’existe pas de solution universelle, c’est du cas par cas et il faut moduler en fonction des individus», note Mouna Knani.

Dans d’autres situations, œuvrer à améliorer la reconnaissance est un autre levier efficace. «Les individus veulent être reconnus à la fois de façon intrinsèque et extrinsèque. C’est-à-dire pas uniquement sur les résultats obtenus, mais également en tant que personne, sur les efforts et l’investissement qu’ils ont consentis», souligne-t-elle.

Le défi est que ces différentes mesures ne produiront pas leurs effets du jour au lendemain, et par conséquent, il sera parfois difficile de déterminer quelle est la stratégie qui a porté ses fruits. «Le lien se reconstruit lentement, et il est aussi plus aisé de susciter le désengagement que le réengagement… Mais il faut se rappeler que l’engagement affectif passe par la confiance, c’est pourquoi il est primordial de bien communiquer et de faire preuve de transparence. Par exemple, en s’appliquant à expliquer les raisons pour lesquelles il n’a pas été possible de respecter une promesse», insiste Michel Cossette, qui ajoute que l’idéal est de s’en tenir à des objectifs réalistes afin de pouvoir respecter les engagements pris.