Une organisation qui souhaite implanter des méthodes agiles doit pouvoir s’appuyer sur des employés démontrant certaines habiletés et compétences. Qu’est-ce qui les caractérise?

 Ce ne sont pas tous les individus qui sont faits pour l’agilité. À l’instar des gestionnaires, certains employés seront parfaitement à l’aise dans ce nouveau mode de fonctionnement, alors que d’autres éprouveront plus de difficultés à l’adopter. Tour d’horizon de ce qui caractérise un employé agile.

Collaboration et capacité d’adaptation

De l’avis d’Annie-Claude Jutras, directrice principale, transformation des centres de relations clients chez Desjardins, un employé agile sait travailler en équipe et fait preuve de flexibilité. «Cela fait partie des éléments clés de l’agilité : s’adapter à un environnement changeant plutôt que de suivre un plan préétabli et documenté d’avance», explique-t-elle. Elle ajoute que l’esprit d’initiative et la capacité de prendre des décisions sont également essentiels.

«Ce type d’employé est un joueur d’équipe, il place le succès de celle-ci en haut de sa liste», renchérit Guillaume Lapierre, coach organisationnel senior et cofondateur de la firme Pragsix. «Il sait qu’en s’aidant et en se soutenant mutuellement, tout le monde va en sortir gagnant. C’est pourquoi la culture du héros, la performance individuelle ne collent pas du tout aux valeurs agiles.»

Ce travail d’équipe nécessite aussi une forme d’engagement envers ceux qui collaborent avec nous, note Grégory Vial, professeur adjoint au Département des technologies de l’information de HEC Montréal. «À chaque début de nouvelle itération, on doit s’engager à livrer quelque chose de précis, et ce, en se fixant des objectifs réalistes, ni trop, ni pas assez. En mode agile, il faut toutefois s’attendre à œuvrer selon un rythme plus soutenu, par rapport à une gestion plus traditionnelle où l’avancée du projet traversera nécessairement des temps morts», constate-t-il, soulignant que pour cette raison, on devra faire preuve d’une solide discipline de travail.

Autonomie et connaissance de soi

Confiance en soi, autonomie et capacité à travailler en dehors de sa zone de confort font aussi partie de l’éventail des qualités requises. «On ne doit pas non plus avoir peur de demander une rétroaction sur sa performance, ce qui permettra de s’améliorer, tout en sachant aller chercher de l’aide auprès du groupe ou du gestionnaire quand on en a besoin», remarque Philippe Mast, CRHA, consultant, conférencier, formateur et cofondateur de la firme CORTO.REV.

Pour sa part, Catherine-Julie Charette, consultante en développement organisationnel qui coache et forme des leaders à l’agilité organisationnelle, indique qu’un employé agile connaît bien ses forces. «Par conséquent, il sait quand il est en mesure de jouer le rôle de leader ou s’il est préférable de laisser cette tâche à un autre membre de l’équipe. Autonome, il gère son temps et ses priorités, et il prend des décisions dans un environnement où on a rarement des certitudes. Il a donc une bonne tolérance par rapport à l’ambiguïté et aux situations pour lesquelles il ne dispose pas de données», mentionne-t-elle. Mme Charette souligne que face à l’adversité, ce type de personne sait également rebondir et fait preuve «d’antifragilité». «Pour faire comprendre ce concept, j’utilise souvent l’analogie du pissenlit : lorsqu’il y a du vent, cette fleur disperse ses graines sur de grandes distances et se répand encore davantage. Autrement dit, l’adversité la rend plus forte, et il en va de même pour l’employé agile», illustre-t-elle.

Une organisation stimulante

Pour être agile, un employé doit donc déployer un vaste éventail d’habiletés. Mais pour que celles-ci puissent se déployer adéquatement, l’entreprise a également un rôle à jouer. «Elle a la responsabilité de créer un environnement favorable où les individus pourront développer ces qualités et les mettre en pratique. Cela ne peut pas fonctionner si c’est à sens unique et que l’on met tout le poids sur les épaules des employés», remarque Céline Raguette, coach professionnelle, facilitatrice agile RH, formatrice et cofondatrice de la firme TranZparence.

La culture organisationnelle pèse donc lourd dans la balance. «Celle-ci doit permettre aux individus de poser des questions, de faire preuve d’innovation, de créer. Pour cela, il faut instaurer un sentiment de sécurité psychologique, des espaces de travail bienveillants où l’on bâtit à la fois la confiance, mais aussi la compétence de responsabilisation», poursuit-elle.

Car comment un employé peut-il être autonome et s’auto-organiser si parallèlement, on contrôle sans cesse ses activités et que l’on remet en question toutes ses décisions? Comment lui demander d’être novateur si, du même souffle, on lui reproche d’être en retard dans l’avancée de ses projets et l’atteinte de ses objectifs? L’agilité forme un tout cohérent et interconnecté, où chaque partie prenante, à tous les niveaux, a un rôle important à jouer.


Pour en savoir plus : Un groupe de personnes agiles issues de 15 pays différents ont développé et mis en ligne en 2019 le Manifeste pour des personnes agiles. On y retrouve ce qui compte pour les personnes agiles et les conditions préalables au changement dans le monde du travail. L’accès à ce document est libre et gratuit. (Version française).