Qu’est-ce qu’un bon coaching?
2025-02-27

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2025-03-19
Qu’est-ce qu’un bon coaching?
Stratégie , Ressources humaines , Dossier

Illustration : Sébastien Thibault
La qualité d’un coaching est-elle dictée par le marché ou par des critères plus profonds? Ce qui distingue un «bon» coaching d’un «mauvais» soulève des questions cruciales sur l’importance d’évaluer une profession où succès commercial et véritable impact professionnel ne coïncident pas toujours.
Évaluer le coaching est fondamental, en raison de l’impact potentiel (positif ou négatif) que peut avoir un tel accompagnement, et des investissements en temps et en argent qu’il nécessite. Les enjeux derrière cette évaluation sont donc à la fois éthiques et commerciaux. La question demeure épineuse, tant la pratique est complexe, empreinte d’ambiguïtés et de tensions. Cette réflexion met en lumière les contradictions auxquelles les praticiens sont souvent confrontés et qui comportent plusieurs risques. Parmi ceux-ci, trois se distinguent tout particulièrement.
1 - Le conflit de loyauté
En cherchant à répondre au mieux aux besoins de la personne coachée, un coach peut, sans le vouloir, nuire à l’entreprise, par exemple, si l’accompagnement mène à la démission de l’employé en dépit des attentes de l’organisation. Le coach se retrouve alors tiraillé entre l’entreprise qui le rémunère et la personne qu’il accompagne, ce qui crée un conflit de loyauté. Cette tension est d’autant plus marquée si le coach a du mal à saisir pleinement la demande du coaché et tente de le retenir «à tout prix» dans l’entreprise.
2 - La paresse solutionniste et superficielle
Il est parfois tentant, par exemple, pour gagner du temps, de se concentrer exclusivement sur des solutions individuelles ou d’aborder les problèmes à travers un prisme psychologique. Le coach pourrait alors négliger une analyse plus approfondie des dynamiques sociales et organisationnelles, et passer alors à côté d’une lecture plus systémique et plus politique, pourtant souvent nécessaire pour saisir les enjeux complexes d’une organisation.
3 - La compromission personnelle
Un coach qui chercherait avant tout à servir ses propres intérêts pourrait tenter de sécuriser ses revenus en remplissant des mandats lucratifs mais pauvres de sens ou en acceptant des contrats qui ne correspondent pas à ses valeurs ou à son éthique professionnelle. Cette personne risque alors de s’éloigner des motivations qui l’ont initialement amenée à exercer ce métier et de se trahir elle-même. Elle en oublie alors l’une des missions premières du coaching : contribuer positivement à la transformation des individus et du monde.
Comme on le voit, nombreux sont les risques d’écart dans le domaine du coaching, qu’il s’agisse des projections, des attentes ou des résultats. Ils découlent en grande partie de la diversité des parties prenantes et de perceptions parfois implicites non exprimées, voire totalement divergentes.
L’importance du diagnostic
La question de l’évaluation ne peut faire abstraction des écarts propres à cette pratique, qui gagne à être présentée comme complexe, puisqu’elle fait appel à plusieurs acteurs qui doivent régler des enjeux variés et parfois opposés. Pour ce faire, le coach peut établir un diagnostic de la complexité de la situation qui s’affinera au cours de son intervention. Plutôt que de chercher à réduire cette complexité, il peut en faire un levier de travail, pour mieux réfléchir à la position occupée par chacun des acteurs. Après tout, l’entreprise n’est-elle pas aussi un lieu de conflictualité fructueuse?
La psychosociologue française Jacqueline Barus-Michel évoquait l’importance de puiser de l’énergie dans les paradoxes. Pour y parvenir, les coachs peuvent développer trois approches clés pour réduire les écarts dans le coaching.
La réflexivité
Cette démarche nous encourage à remettre en question nos croyances et les hypothèses parfois inconscientes qui façonnent nos cadres de pensée et d’action. En prenant un peu de recul ou en suspendant temporairement nos certitudes, la réflexivité nous permet de remettre en question ce que l’on tient pour acquis ou ce que l’on trouve normal, et nous invite à nuancer une situation.
Par exemple, dans une démarche réflexive, le coach peut s’interroger sur la manière dont les critères de succès sont établis en coaching. Sur quoi repose leur légitimité ? Peuvent-ils parfois refléter une certaine vision du monde – qu’elle soit démocratique, néolibérale, partagée ou patriarcale – et, ce faisant, exclure ou discréditer d’autres façons de penser et d’agir?
La dialectique
Cette approche vise à analyser les interactions réciproques et parfois contradictoires entre différents phénomènes, en mettant en lumière la manière dont ils se façonnent mutuellement.
Par exemple, envisager la relation entre un individu et son entreprise exige que l’on comprenne non seulement comment les comportements de la personne sont influencés par les règles et les normes de son organisation, mais aussi comment cette personne contribue à transformer celle-ci.
Il s’agit de saisir les dynamiques qui font que l’individu devient à la fois le produit et le producteur de son environnement social (organisationnel), même lorsque les intérêts en jeu sont opposés, en dépit de l’idéologie dominante du «gagnant-gagnant».
La démarche dialectique invite à explorer les écarts ou les tensions dans une perspective systémique (de chaque élément, de leurs relations et de l’ensemble) pour comprendre comment l’organisation peut progresser. Il s’agit d’établir un diagnostic des contradictions existantes, afin d’en faire des complémentarités plutôt que des antagonismes et ainsi, de s’en affranchir pour adopter une nouvelle manière d’agir.
La métacommunication
Cette approche, en résonance avec ce qui se joue durant le coaching, consiste à nommer les tensions afin de pouvoir les explorer, pour éviter qu’elles ne deviennent assez fortes pour paralyser l’action.
Pour le coach, il s’agit d’être capable de cerner les tensions et de les nommer pour pouvoir les concilier. En d’autres termes, il doit proposer une méthode pour guider la conversation avec la personne coachée de manière à ce qu’elle explore les points de blocage et qu’elle puisse imaginer (ou mettre en place) des solutions de remplacement. Le coach doit également préserver sa posture de tiers, sans se laisser piéger par des dynamiques contradictoires qui pourraient limiter son impact.
En adoptant ces démarches enracinées dans la compréhension de la complexité de cette relation, le coach est ainsi mieux préparé à comprendre ces écarts qui deviennent des occasions de dialogue et de convergence entre des parties qui ont des perspectives différentes. L’évaluation devient alors moins une finalité qu’un processus qui donne lieu à un questionnement sur ce que chacun attend du coaching.
Article publié dans l’édition Printemps 2025 de Gestion
Stratégie , Ressources humaines , Dossier