Article publié dans l'édition Printemps 2020 de Gestion

Le 12 décembre 2015, l’accord de Paris sur les changements climatiques était adopté par 195 pays et par l’union européenne. Quatre ans plus tard, que faut-il retenir de cette entente ? Pour le savoir, Gestion s’est entretenue avec Pierre-olivier Pineau, professeur au Département de sciences de la décision et titulaire de la chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

Premier accord sur le climat à vocation universelle, l’accord de Paris a été qualifié à l’époque de « succès monumental pour les peuples et pour la planète » par le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Ban Ki-moon. De son côté, l’ex-président français François Hollande se réjouissait, lors de l’adoption de l’entente, que Paris ait ainsi connu « la plus belle et la plus pacifique des révolutions ».

En dépit de ce concert de louanges, on peut se demander si l’accord de Paris a bel et bien tenu ses promesses ou s’il est demeuré un vœu pieux. Rappelons que ses signataires devaient mettre en œuvre des mesures destinées à limiter le réchauffement climatique mondial à moins de 2 °C, idéalement à 1,5 °C, d’ici 2100.

Pour y parvenir, les parties disposaient toutefois d’une grande liberté quant à la façon dont elles allaient réduire leur production de gaz à effet de serre (GES), chacune devant déposer aux Nations unies son propre plan d’action sur le climat en y faisant état de ce qu’on appelle les contributions déterminées à l’échelon national pour atteindre les objectifs fixés.

Les participants se sont également engagés à faire preuve de transparence dans le suivi de leurs efforts en dressant un bilan des progrès tous les cinq ans et en prenant des engagements plus ambitieux pour la période suivante.

Par ailleurs, il a aussi été convenu d’aider les pays en développement à mener à bien leur transition grâce à une enveloppe de 100 milliards $ US versée chaque année jusqu’en 2020 par les pays développés. Enfin, 1000 milliards de dollars devaient aussi être consacrés d’ici 2025 à la lutte contre les effets du réchauffement climatique et investis dans des sources d’énergie propre.

Bien des gens ont affirmé que l’accord de Paris représentait une entente historique. Quelle analyse en faites-vous ?

Pierre-olivier Pineau : Pour ma part, je le considère comme un échec de la diplomatie internationale. On a certes signé un accord, ce qui est tout de même préférable à pas d’entente du tout, mais c’est un échec dans le sens où aucun mécanisme contraignant n’a été prévu.

Les seuls engagements pris par les pays signataires résident dans le dépôt des contributions déterminées à l’échelon national. Jusqu’à présent, toutes les parties ont effectivement déposé un document de quelques pages dans lequel elles expliquent leurs objectifs et les façons dont elles comptent les atteindre.

Mais cela demeure souvent assez vague. De plus, lorsqu’on additionne tous les engagements pris, on n’atteint même pas le total des 2 °C visés d’ici 2100. Il faut aller plus loin et prévoir des mécanismes contraignants, alors qu’avec l’accord de Paris, on compte uniquement sur la bonne foi et sur la bonne volonté des signataires.

Dans ces conditions, cela constitue- t-il un recul par rapport au protocole de Kyoto, signé en 1997 et entré en vigueur en 2005 ?

Oui, en effet. Dans le protocole de Kyoto, auquel l’accord de Paris a succédé, les pays signataires s’exposaient à des sanctions en cas de non-respect des engagements. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Canada s’en est retiré en 2011, car il savait qu’il n’atteindrait pas ses objectifs et ne voulait pas courir le risque d’avoir à verser des indemnités.

Kyoto était un véritable accord, qui établissait des contraintes et instituait également un marché du carbone. Les États membres de l’Union européenne ont d’ailleurs fait de ce marché le leur, alors que le Japon y a participé pendant un certain temps.

En quoi consistent les contributions à l’échelon national annoncées par le canada ?

Dans son document, le Canada mentionne que, d’ici 2030, il va réduire de 30 % ses émissions de GES sous le niveau de 2005. Cela inclut le Cadre pancanadien sur la croissance propre et sur les changements climatiques, lequel établit la marche à suivre en vue de l’établissement d’une tarification pancanadienne du carbone. Toutefois, les analyses ont démontré que les mesures mises en œuvre dans le Cadre pancanadien seront insuffisantes pour atteindre le seuil de 30 %.

Parce que l’accord de Paris est très flexible, il laisse la possibilité aux pays de bien faire les choses ou pas...

En ce sens, l’Union européenne a été une bonne élève et s’est fixé un objectif contraignant de diminution de 40 % de ses émissions d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990.

Malgré les faiblesses de l’accord de Paris, note-t-on certains progrès encourageants ?

À l’échelle mondiale, on note que les émissions de GES ont atteint un plateau en 2014-2015 et sont relativement stables depuis. On constate également que de plus en plus de pays mettent en place un système de tarification du carbone. Pendant longtemps, la pollution a été pour ainsi dire gratuite. Aujourd’hui, il faut payer quand on pollue, ce qui est une bonne chose.

Ainsi, en 2020, 20 % des émissions mondiales de GES devraient être couvertes par un prix du carbone.

En revanche, ce prix varie énormément d’un pays à l’autre. La Suède se classe au premier rang avec une taxe fixée à 127 $ US la tonne. En France, cette taxe s’élève à 50 $ US la tonne, tandis qu’au Québec, qui a son propre marché du carbone, le prix est de 17 $ US la tonne. Fait encourageant, la Chine a déployé des projets pilotes, mais le prix n’y est que de 1 $ la tonne.

C’est peu, mais dans un monde où personne ne fait rien, instaurer un prix du carbone, si petit soit-il, c’est déjà le début de quelque chose.